L’issue de l’affaire de Ruyter : la fin de l’assujetissement des non-résidents à la CSG CRDS
Le 16 avril 2019, le Conseil d’Etat a mis fin à la saga de Ruyter en matière de prélèvements sociaux sur les revenus du capital (au cas particulier il s’agissait de plus-values immobilières). Saisi d’un recours pour excès de pouvoir à l’encontre de la doctrine relative aux prélèvements sociaux applicables aux non-résidents, il annule cette dernière et confirme que la CSG, la CRDS, les contributions affectées au fonds de solidarité vieillesse (FSV), et celles affectées à la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) rentrent dans le champ d’application du règlement européen du 29 avril 2004.
Les contribuables affiliés à un régime de sécurité sociale européen ou suisse ne pouvaient et ne peuvent plus voir leurs revenus assujettis à ces contributions sociales. Le Conseil d’Etat, en revanche, estime que le prélèvement de solidarité sur les produits de placement et sur les revenus du patrimoine n’entre pas dans le champ d’application du règlement. Seul ce dernier reste dû au taux de 7,5% à compter du 1er janvier 2019 (imposition des revenus du patrimoine 2018 et imposition des revenus de placement 2019 dont le fait générateur intervient à compter du 1er janvier 2019).
L’HISTORIQUE DE LA SAGA DE RUYTER
Le début de l’histoire: en 2015
Les prélèvements sociaux sur les revenus du capital étaient affectés au financement de la sécurité sociale française. Mais les non-résidents français affiliés à un système de sécurité sociale de l’EEE ou de suisse devaient tout de même s’acquitter de ces contributions sociales en France sur leurs revenus fonciers et plus-values immobilières entraînant un risque de double imposition aux prélèvements sociaux.
La CJUE a été saisie et a condamné la France le 24 février 2015 avec sa jurisprudence de Ruyter. La Cour a considéré que ces contributions sociales étaient prélevées en méconnaissance du prinicpe de l’unicité de législation sociale garanti par l’article 11 du règlement européen du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale. Cette position avait d’ailleurs été suivie quelques mois plus tard par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 27 juillet 2015.
La réglementation européenne organise en effet une coordination entre les régimes de sécurité sociale des Etats membres afin d’éviter que les régimes organisés librement par les Etats constituent un frein à la mobilité des travailleurs européens et aboutissent à des doubles cotisations. C’est le principe de l’unicité de législation sociale.
2016: la parade de Bercy désavouée en 2018
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 avait changé l’affectation budgétaire des contributions sociales afin qu’elles ne soient plus affectées au régime français de sécurité sociale. Les recettes étaient affectées au FSV, à la CADES et/ou à la CNSA. Du fait de cette nouvelle affectation Bercy estimait que les contributions ne rentraient plus dans le champ du règlement. Les contribuables affiliés à un régime européen de sécurité sociale demeuraient donc redevables des prélèvements sociaux sur leurs revenus du capital malgré la jurisprudence de Ruyter.
Cette parade s’est avérée vaine puisque la cour administrative d’appel de Nancy a, le 31 mai 2018, déchargé des non-résidents fiscaux français des contributions sociales versées sur leurs revenus du patrimoine français malgré leur affectation au FSV et à la CADES. Un doute persistait pour les contributions affectées à la CNSA. Le 14 mars 2019, la CJUE a confirmé que toutes les contributions sociales telles qu’affectées entre 2016 et 2018 étaient dans le champ du règlement communautaire.
Mais la doctrine administrative était restée inchangée et continuait de prévoir l’assujetissement aux prélèvements sociaux pour les non résidents. D’où le recours pour excès de pouvoir à l’origine de l’arrêt du 16 avril 2019.
L’ETAT DES LIEUX
Des réclamatations possibles pour les prélèvements 2017 et 2018
L’analyse du Conseil d’Etat vient confirmer l’analyse qui avait été faite par la CAA de Nancy. Les recours contre les contributions réglées en 2017 et 2018 ne peuvent qu’aboutir pour les ressortissants de l’EEE affiliés à un régime européen de sécurité sociale et non à charge du régime français.
Les demandes de restitution doivent être faites par réclamation contentieuse :
- Pour les contributions acquittées en 2017 : avant le 31 décembre 2019 (le taux était de 15,5%) ;
- Pour les contributions acquittées en 2018 : avant le 31 décembre 2020 (taux global de 17,2%).
Les contributions acquittées en 2016 ne peuvent plus faire l’objet de réclamations, elles sont prescrites.
Un taux de 7,5% à compter du 1er janvier 2019
L’article 26 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 exonère les résidents et non-résidents français affiliés à un régime européen ou suisse de sécurité sociale de CSG et de CRDS à la condition qu’ils ne soient pas à la charge d’un régime obligatoire de sécurité sociale français.
Mais la LFSS a procédé à la fusion et au remplacement de certains prélèvements sociaux au sein d’un nouveau prélèvement de solidarité au taux de 7,5% affecté au budget de l’Etat et non au financement de la sécurité sociale (article 235 ter du CGI). Cette réaffectation est compensée par l’attribution à la sécurité sociale d’une fraction de TVA supplémentaire. Ce taux n’est pas remis en cause par le Conseil d’Etat dans son arrêt du 16 avril 2019 qui considère que le prélèvement de solidarité de l’article 1600-0 S du CGI n’entre pas dans le champ d’application du règlement européen du 29 avril 2004.
Les contribuables concernés devront alors veiller à l’application de ce seul taux à la réception de leurs avis d’imposition 2019 sur leurs revenus 2018 en ce qui concerne les prélèvements sociaux.
A noter : l’arrêt du Conseil d’Etat ne traite pas de la situation des ressortissants français installés dans un Etat tiers
La décision de la CJUE datant du 18 janvier 2018 précisant que l’assujettissement des ressortissants français installés dans un Etat hors EEE ou suisse aux contributions sur leurs revenus du patrimoine ne contrevient pas au règlement européen du 29 avril 2004. Cette décision n’est pas remise en cause par le Conseil d’Etat en 2019.
L’importance de la déclaration de l’exonération de CSG et de CRDS
Pour les comptes de prélèvement à la source, le taux global de 17,2% continu d’être appliqué malgré l’exonération de CSG et CRDS. Les acomptes ne seront modulés qu’après déclaration des revenus au printemps 2019. C’est pourquoi il est très important de déclarer votre exonération de CSG-CRDS sur votre déclaration de revenus en cochant les cases 8 SH et 8 SI ! Les acomptes acquittés début 2019 seront ensuite déduits du prélèvement de solidarité (7,5%) dû au titre de l’année 2019.
Attention à vos déclarations sur les revenus 2018
L’application du seul prélèvement de solidarité de 7,5% en lieu et place des prélèvements de 17,2% nécessite de bien déclarer lors de sa déclaration des revenus 2018 que l’on relève d’un régime d’assurance maladie d’un État de l’Espace économique européen ou de la Suisse et que l’on n’est pas à la charge d’un régime obligatoire de sécurité sociale français.