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Annulation totale du PLUi-H de Toulouse Métropole : une méthode mal calibrée pour calculer la consommation foncière conduit à faire tomber un document d’urbanisme couvrant un territoire de près de 800 000 habitants

Par jugements des 30 mars 2021 et 20 mai 2021 (req. n° 1902329), le plan local d’urbanisme intercommunal valant plan local de l’habitat de Toulouse Métropole (ci-après « PLUiH ») a été annulé dans son ensemble par le tribunal administratif de Toulouse, sans modulation dans le temps, en raison notamment de la méthode de calcul mise en œuvre pour apprécier la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers (ci-après « NAF ») sur les dix années précédant son approbation, qui aurait conduit à la surestimer. Quant aux objectifs de consommation foncière prévus par le PADD, ils auraient été, d’une part, « mal calibrés » en raison de l’utilisation de données obsolètes et, d’autre part, insuffisamment justifiés. La métropole a annoncé qu’elle ferait appel de ces jugements, dont les motifs résonnent immanquablement avec l’actualité juridique puisque l’intégration de l’objectif de « zéro artificialisation nette » du territoire (ci-après « ZAN ») à l’horizon 2050 est en cours de débat devant le Parlement.

I. CALCUL ERRONÉ DE LA CONSOMMATION PASSÉE DES ESPACES NAF ET OBJECTIFS DE MODÉRATION BASÉS SUR DES DONNÉES OBSOLÈTES = ANNULATION TOTALE

Méthode de calcul : l’obligation de tenir compte des données les plus récentes relatives à la consommation foncière précédant l’approbation du PLUi

L’article L. 151-4 du c. de l’urb., dans sa version applicable au litige1, disposait que : 

« Le rapport de présentation analyse la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers au cours des dix années précédant l’approbation du plan. (…) Il justifie les objectifs chiffrés de modération de la consommation de l’espace et de lutte contre l’étalement urbain compris dans le PADD au regard des objectifs de consommation de l’espace fixés, le cas échéant, par le SCoT et au regard des dynamiques économiques et démographiques ». 

A ce titre, sur la base de photographies satellitaires et aériennes inscrites dans le rapport de présentation du PLUi-H de Toulouse-Métropole, un ralentissement de la consommation d’espaces a été enregistré entre 2007 (181 ha/an) et 2013 (154 ha/an). 

Lors du diagnostic initial, et faute d’éléments d’information suffisants sur la consommation foncière entre 2014/2018, une projection sur cette période a été réalisée à partir des données de 2007/2013 pour satisfaire aux exigences de l’art. L. 151-4 du c. de l’urb. 

Certains requérants ont cependant reproché aux auteurs du PLUi-H de ne pas avoir ajusté la projection établie pour 2014/2018 à l’analyse de la consommation réalisée en 2016 dans le cadre de la révision du SCoT, dont les résultats auraient été publiés avant l’arrêt du projet du PLUi-H, alors même qu’elle faisait ressortir « une consommation moyenne inférieure de plus de 38% à celle qui avait été retenue pour l’extrapolation initiale ».

En dépit des difficultés auxquelles sont confrontés les auteurs de PLUi-H dans la collecte et le traitement des données relatives à la consommation foncière, le juge administratif a estimé que l’analyse du SCoT de 2016 aurait dû être prise en considération dans la version arrêtée du PLUi.

Surestimation de la consommation foncière : une méconnaissance du principe de modération de  consommation des sols

Pour aboutir à l’annulation du PLUi-H, le tribunal administratif de Toulouse a retenu les éléments suivants :

  • PADD : la modération de la consommation foncière sur le territoire à été fixée à 10 % par rapport à la consommation analysée sur la seule période observée (allant de 2007 à 2013), sans  prendre en compte les données récentes de la période 2014 à 2018, ni même le justifier. De plus, la méthode de calcul des besoins en foncier est fondée sur des indicateurs obsolètes et est insuffisamment expliquée ;
  • rapport de présentation : une insuffisance dans l’explication de la méthode utilisée pour  réaliser l’extrapolation de la consommation foncière estimée entre 2014 et 2018 sur le territoire, alors même que des données plus récentes et contradictoires étaient disponibles (considérant no 16 du jugement du 30 mars 2021) ;
  • compatibilité avec le SCoT : si le tribunal relève en première analyse que la consommation foncière retenue dans le PLUi-H apparaît compatible avec le SCOT, il considère en définitive que tel n’est pas le cas dès lors que les méthodes de calcul pour chacun des deux documents n’étaient pas les mêmes ;
  • comptabilisation des zones U : le PLU aurait dû comptabiliser les espaces libres en zone U dans les projections de consommation en sus des zones UA, ce qui n’a pas été fait.


A noter sur ce dernier point que le tribunal administratif de Toulouse indique que, sous réserve d’une cohérence avec les principes du code, « les auteurs des PLU disposent d’une certaine marge d’appréciation pour déterminer eux-mêmes les modalités de calcul de la consommation des espaces (…) ».


II. LE JUGE REFUSE UNE MODULATION DANS LE TEMPS DES EFFETS DE L’ANNULATION

Le refus d’une modulation dans le temps 

Après avoir jugé que ces vices n’étaient pas régularisables au sens de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme, le tribunal administratif de Toulouse a prononcé l’annulation totale du PLUi-H et décidé, dans un premier temps, de sursoir à statuer afin de permettre aux parties de débattre sur la question d’une éventuelle modulation des effets de l’annulation dans le temps2.

A la suite de ce sursis à statuer, dans un jugement du 20 mai 2021, le tribunal a refusé d’accorder cette modulation des effets de l’annulation dans le temps au motif que :

  • les territoires repassant sous POS et, à terme, sous RNU ne représentent que 10 % du territoire et 5 % de sa population ;
  • il n’est pas établi qu’un nombre excessif d’autorisations accordées et non encore devenues définitives seraient remises en cause par cette annulation, ni que la rétroactivité de l’annulation compromettrait ou retarderait un nombre important de projets en cours d’instruction ;
  • le maintien en vigueur du PLUi-H n’est pas de nature à garantir une consommation d’espaces moindre que le retour aux précédents documents d’urbanisme (la consommation projetée étant de 50 % supérieure à celle constatée sur les années 2013/2016).

Annulation rétroactive du PLUi-H et autorisations d’urbanisme

Dans l’attente de l’élaboration d’un nouveau document d’urbanisme, les documents d’urbanisme immédiatement antérieurs redeviennent applicables aux communes de la métropole conformément à l’article L. 600-12 du code de l’urbanisme.  

En ce qui concerne les autorisations délivrées sous l’empire du document annulé dans son ensemble, et dans l’hypothèse ou elles auraient été attaquées dans les délais en vigueur, leur légalité sera ainsi appréciée par le juge administratif au regard de l’ancien document d’urbanisme remis en vigueur (pour une analyse complète et détaillée de cette question, se reporter à l’avis du Conseil d’Etat du 2 octobre 2020 n° 436934 sur l’article L. 600-12-1 du code de l’urbanisme).

Aussi, dès lors qu’un nouveau débat aura lieu sur les orientations du PADD, les autorités compétentes pourront surseoir à statuer sur les demandes d’autorisations susceptibles de compromettre ou de rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan. 

Etapes clés de la procédure d’élaboration du PLUIH de Toulouse Métropole : 

  • Délibération prescrivant l’élaboration du PLUI-H,  9 avril 2015
  • Délibération arrêtant le projet de PLUi-H, 3 octobre 2017
  • Déroulement de l’enquête publique du 30 mars 2018 au 17 mai 2018
  • Délibération approuvant le PLUi-H du 11 avril 2019

L’ultime étape du principe de la modération de la consommation des espaces : le ZAN

  • Loi n° 2000-1202 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain : consécration de la gestion économe des sols ;
  • Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement : obligation d’analyser la consommation foncière sur les dix années précédant l’élaboration du PLU et outils de densification ;
  • Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové : analyse des capacités de densification et de renouvellement urbain dans le rapport de présentation des PLU ;
  • Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique : insertion de la notion de « lutte contre l’étalement urbain » dans l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme ;
  • Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (travaux parlementaires en cours) : inscription dans la loi d’un objectif concret et contraignant d’absence de toute artificialisation nette des sols (ZAN) à l’horizon 2050.

1 Désormais, depuis la loi du 23 novembre 2018 (n° 2018-1021) entrée en vigueur le 25 novembre 2018, l’analyse de cette consommation doit se faire jusqu’à l’arrêt du document d’urbanisme et non plus jusqu’à son approbation.
 
2 Possibilité consacrée par la jurisprudence Association AC ! (CE, ass., 11 mai 2004, n° 255886). En effet, l’annulation rétroactive d’un document d’urbanisme peut emporter des « conséquences manifestement excessives »,  tant en raison des effets produits par l’acte que de l’intérêt général s’attachant à un maintien temporaire de ses effets.  

Pacte Dutreil : La doctrine administrative met fin à l’incertitude et exclut désormais les activités de location en meublé du dispositif Dutreil transmission

Le pacte Dutreil permet l’exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit pour la transmission d’entreprises individuelles (art 787 C du CGI) et de sociétés (art 787 B CGI) sous certaines conditions. Ce dispositif est ouvert aux activités commerciales, industrielles, libérales ou agricoles. L’éligibilité de l’activité de loueur en meublé, de nature hybride, avait été admise comme commerciale pour le bénéfice du Dutreil sur le fondement d’une interprétation doctrinale (via un renvoi à la doctrine en matière d’ISF). La suppression de l’ISF avait ouvert une période d’incertitude à laquelle a mis fin un changement de doctrine en date du 6 avril 2021 : l’activité de loueur en meublé n’est plus éligible au Dutreil

L’ancienne position de la doctrine admettait l’éligibilité des loueurs en meublé

L’article 787 B du CGI vise notamment, pour l’applicabilité de l’exonération partielle, les activités commerciales sans les définir expressément. Or, l’activité de loueur en meublé présente une nature hybride : elle est civile par nature, mais commerciale au sens fiscal (imposable en tant que « BIC » pour l’application de l’impôt sur le revenu selon l’article 35 I 5° bis du CGI).

L’ancienne doctrine administrative relative au Dutreil pour les sociétés prévoyait que la définition des activités éligibles était déterminée par référence aux dispositions doctrinales relatives à l’exonération des biens professionnels dans le cadre de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Or, cette doctrine administrative reconnaissait comme commerciales toutes les activités soumises au régime fiscal des « BIC », comprenant donc la location en meublé.

Ainsi, à la suite de l’avis du Comité de l’abus de droit fiscal du 6 novembre 2015, l’administration fiscale avait reconnu que le renvoi à la doctrine fiscale précitée relative à l’ISF permettait de se prévaloir de la nature commerciale au sens de l’article 787 B du CGI de l’activité de loueur en meublé à titre habituel – accompagnée ou non de prestation de services – la rendant ainsi éligible au pacte Dutreil.

La modification de la base BOFIP entraîne un revirement de position

A compter du 1er janvier 2018, l’ISF a laissé place à l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI). Il s’en est donc suivi une période d’incertitude s’agissant de la position de l’administration fiscale sur l’applicabilité du dispositif Dutreil à l’activité de location meublée. Dans un premier temps, en date du 11 octobre 2018, l’administration a retiré ses commentaires relatifs à l’ISF, ce qui rendait le renvoi de la doctrine administrative « Dutreil » sans objet et ouvrait une période d’insécurité juridique.

Elle a finalement procédé, le 6 avril 2021, à la modification de la documentation relative au pacte Dutreil. 

Le champ d’application de l’exonération s’agissant de l’activité éligible est désormais défini par renvoi aux règles applicables à l’IFI. Or l’article 966 du CGI, auquel l’administration se réfère dans son commentaire, indique que « n’est pas considérée comme une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale l’exercice par une société ou un organisme d’une activité de gestion de son propre patrimoine immobilier ».

Tirant les conséquences de ces dispositions, la nouvelle documentation administrative prévoit expressément l’exclusion du bénéfice du Dutreil « des activités de location de locaux meublés à usage d’habitation ».

La location meublée même professionnelle est désormais exclue du dispositif

L’administration fiscale, par cette modification de sa doctrine, opère donc une volte-face en revenant sur l’éligibilité au pacte Dutreil des sociétés et entreprises individuelles exerçant une activité de loueur en meublé à titre habituel.

De fait, même les « LMP » au sens de l’IR ou de l’IFI sont désormais exclus, – la doctrine, devant être appliquée littéralement, ne faisant aucune distinction entre le caractère professionnel ou non de l’activité – cette position nous ayant été confirmée par l’administration fiscale au sein d’une réponse à rescrit.

Reste néanmoins que l’adjonction d’une activité de prestation de services para-hôteliers à l’activité de location meublée, conférant à la location le caractère d’une activité commerciale par nature, continue d’être éligible à l’exonération partielle des droits de mutation dans le cadre du pacte Dutreil malgré la nouvelle position de l’administration fiscale.

La position de l’administration est opposable depuis le 6 avril 2021

Le changement de position de la doctrine administrative est immédiatement opposable aux contribuables  à compter du 6 avril 2021. Les commentaires administratifs étant en consultation jusqu’au 6 juin dernier, l’administration est en droit de procéder à une éventuelle révision ; cependant il semble peu probable qu’elle revienne sur ce point. Les transmissions avec Pacte Dutreil d’entreprises ou de sociétés (ex. SARL de famille) de location meublée ont donc aujourd’hui vécu. La mise à jour de la doctrine confirme néanmoins que les activités de marchands de biens, commerciales par nature, restent éligibles au Pacte Dutreil. Il en est de même pour la para hôtellerie.

En matière d’IFI, si l’activité de location en meublé n’est pas une activité commerciale conformément à l’article 966 du CGI, l’article 975 V du CGI prévoit néanmoins une exonération pour les biens loués meublés qui remplissent les conditions pour être considérés comme des actifs professionnels (plus de 23.000€ de recettes annuelles et bénéfice net représentant plus de 50% des ressources imposables du foyer).

Réécriture et recodification du code de la construction et de l’habitation : une réforme discrète mais efficace

Le gouvernement a été habilité par la loi pour un Etat au service d’une société de confiance du 10 août 2018, dite Essoc, à prendre par ordonnance des mesures relevant du domaine de la loi afin de faciliter la réalisation des projets de construction. 

L’ordonnance dite Essoc 1 du 30 octobre 2018, entrée en vigueur le 1er novembre 2018 et à vocation transitoire, avait pour ambition de faciliter la mise en œuvre de solutions alternatives au droit commun dans les projets de construction avec l’entrée en vigueur du permis de faire (voir notre bulletin) et l’instauration du permis d’expérimenter. L’ordonnance dite Essoc 2 du 29 janvier 2020 poursuit l’objectif de réécrire et recodifier le code de la construction et de l’habitation (ci-après CCH). Son entrée en vigueur, le 1er juillet 2021, entraînera l’abrogation de l’ordonnance dite Essoc 1 et aura des incidences de la phase de conception (avec les solutions d’effet équivalent) jusqu’à l’utilisation des logements (par le biais du carnet d’information du logement). 


I. RATIONALISATION DES TEXTES ET RESPONSABILISATION DES MAITRES D’OUVRAGE


Un CCH enfin allégé : simplification et rationalisation du droit ? 

L’ordonnance Essoc 2 relative à la réécriture des règles de construction recodifie le livre Ier du CCH. Elle poursuit la double ambition de le simplifier et de le clarifier. Le volume des règles se trouve ainsi réduit d’un quart et la partie législative divisée en quatre parties. 


La première partie porte sur les règles générales de construction et de rénovation ainsi que sur l’encadrement de la conception, de la réalisation, de l’exploitation et des mutations des bâtiments  (Titres I et II). 


La deuxième partie est relative à l’ensemble des règles de construction applicables dans les différents champs techniques du bâtiment (sécurité, sécurité des personnes contre les risques d’incendie, qualité sanitaire, accessibilité, performances énergétique et environnementale) avec, pour chacun, les objectifs généraux poursuivis (Titres III à VII). 


Cette partie intègre également les articles du code du travail relatifs à la sécurité sur les chantiers.


La troisième partie fixe les règles concernant le contrôle et les sanctions (Titre VIII). 


Enfin, la quatrième et dernière partie prévoit les dispositions particulières à l’Outre-mer (Titre IX). 

Le respect des objectifs généraux : une obligation de résultat pour le maître d’ouvrage

La réécriture et la recodification du CCH sont, avant tout, les marqueurs d’un changement de paradigme dans le droit de la construction. 


En effet, cette réforme prévoit une obligation de résultat pour le maître d’ouvrage en imposant aux constructeurs des dispositifs techniques précis et le respect des règles de l’art avec des performances à atteindre. Le nouvel article L. 112-4 du CCH dispose à cet effet que « toute solution technique peut être mise en œuvre dès lors qu’elle respecte les objectifs généraux prévus par la loi ». 


Ce sont les titres I et II qui définissent les objectifs généraux que le maître d’ouvrage devra respecter. Deux hypothèses sont à distinguer : 

  • soit la règle comporte des résultats minimaux, fixés par décret, pour chaque champ technique : le maître d’ouvrage devra alors prouver qu’il a atteint les objectifs en démontrant l’obtention de ces résultats minimaux (cf.1 – précisions). 
  • soit la règle ne comporte pas de résultats minimaux : le maître d’ouvrage devra alors justifier du respect des objectifs par le recours, soit à une solution de référence (prévue par décret), soit à une solution d’effet équivalent (SEE). 

II. DES INCIDENCES PRATIQUES DE LA CONCEPTION À L’UTILISATION DES LOGEMENTS


Ce que changent concrètement les solutions d’effet équivalent (SEE) pour la conception

Le nouvel article L. 112-6 du CCH définit la SEE comme « une solution technique par laquelle la justification du respect des objectifs généraux assignés dans un champ technique est apportée ». 


Si le maître d’ouvrage souhaite recourir à une SEE, il devra justifier que la solution retenue respecte les objectifs généraux et permet d’atteindre des résultats au moins équivalents à ceux de la solution de référence. Pour ce faire : 

  1. un organisme tiers indépendant devra évaluer la solution retenue et produire, le cas échéant, une attestation de respect des objectifs  (cf. 2 – précisions) ; 
  2. l’attestation devra être transmise au ministre chargé de la construction avant le démarrage des travaux ;
  3. un contrôleur technique vérifiera enfin que la mise en œuvre de la solution est conforme aux règles énoncées dans le dossier de demande d’attestation et délivrera, à la fin des travaux, une attestation de bonne mise en œuvre de la SEE

Les maires, préfets et le ministre se verront confier un pouvoir de police administrative visant à contrôler et sanctionner le respect de mise en œuvre des SEE pour les constructions en cours ou achevées. En cas de manquement, après mise en demeure, le maître d’ouvrage pourra être redevable d’une astreinte journalière au plus égale à 150 € et, parallèlement, condamné à payer une amende allant jusqu’à 1500 €, sur le fondement du nouvel article L. 182-2 du CCH. 

La création du CIL comme outil de suivi de la performance énergétique des logements 

Le projet de loi de ratification de l’ordonnance Essoc 2 prévoit d’instaurer un carnet d’information du logement (CIL)

Aux termes de l’article 12 du projet de loi, il s’agit d’un document permettant de connaître les caractéristiques du logement et les travaux antérieurs « dont la connaissance est indispensable à l’évaluation de la performance énergétique et à la programmation d’opérations de rénovation efficaces sur le bâti et les systèmes énergétiques » ; son entrée en vigueur est prévue le 1er janvier 2022. 

Le CIL vient succéder au carnet numérique d’informations, de suivi et d’entretien du logement prévu à l’article L. 111-10-5 du CCH, introduit par la loi ELAN, mais n’ayant jamais vu le jour en raison d’une présomption d’inconstitutionnalité soulevée par le Conseil d’État (avis CE, 23 juin 2020, n° 400172).

Le CIL sera établi par le propriétaire à l’issue de la construction ou des travaux de rénovation modifiant la performance énergétique du logement et devra être mis à jour régulièrement. Il sera transmis en cas de changement de propriétaire et pourra être dématérialisé. Le décret en Conseil d’État qui précisera ses modalités d’application pourrait utilement clarifier ses liens avec le diagnostic de performance énergétique d’ores et déjà requis en cas de vente ou location (cf. articles R. 134-1 et suivants du CCH).

Précisions 


1. L’article L. 111-1 du nouveau CCH définit le résultat minimum comme « le niveau qui doit être au moins atteint par le bâtiment ou un des éléments qui le constitue pour respecter un objectif général dans un champ technique de la construction au sens du présent article. Ce niveau est le plus souvent exprimé de façon quantifiée et peut prendre différentes formes telles celle d’un indice, d’une performance, d’un seuil ».

2. L’organisme chargé de délivrer l’attestation de SEE devra être « un organisme tiers au maître d’ouvrage offrant des garanties de compétence et d’indépendance  » (article L. 112-9 du nouveau CCH). Un décret en Conseil d’État viendra préciser, pour chaque domaine technique, les organismes pouvant délivrer cette attestation et les compétences requises pour l’exercice de cette activité. 

3. Le nouvel article L. 112-10-2 du CCH oblige les maîtres d’ouvrage à conserver tous les documents relatifs aux SEE pendant une durée de dix ans. 

4. Les articles 11, 17, 19 et 20 du projet de loi de ratification intègrent au CCH des dispositions introduites par la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (n° 2019-1428) et par la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (n° 2020-105). Sont ainsi codifiées, par exemple, les dispositions relatives au diagnostic concernant la gestion des produits, matériaux et déchets de certains chantiers, de même que des dispositions relatives à l’accès des PMR aux ERP ou installations ouvertes au public. 

Modification du régime des SEE entre Essoc 1 et Essoc 2 

L’attestation de SEE devait être transmise au ministre avant le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme (Essoc 1).

À compter du 1er juillet 2021, lors de l’entrée en vigueur de la l’ordonnance Essoc 2, l’attestation de SEE devra être transmise avant le commencement des travaux.

Last but not least : le volet réglementaire

La recodification de la partie réglementaire du CCH correspondant au livre Ier est également prévue avant le 1er août 2021. Cela représente plus de 400 articles à réécrire.

Annulation contentieuse d’une DDEP : des conséquences distinctes selon le caractère achevé ou non des travaux

Le 28 avril 2021, le Conseil d’État a rendu une décision n° 440734 mentionnée aux Tables du Lebon, par laquelle il clarifie les conséquences de l’annulation, par le juge, d’un arrêté portant dérogation aux interdictions de destruction de spécimens d’espèces animales et végétales protégées et de leurs habitats (DDEP). Le Conseil d’État précise notamment les conséquences que le préfet doit tirer d’une telle annulation et opère à cet égard une distinction selon que celle-ci intervient avant (I.) ou après la réalisation des travaux (II.).


I. L’ANNULATION CONTENTIEUSE D’UNE DDEP AVANT LA RÉALISATION DES TRAVAUX (CADRE GÉNÉRAL)


Les pouvoirs du préfet : de la mise en demeure de régulariser…

Lorsqu’une DDEP a fait l’objet d’une annulation contentieuse – que la dérogation ait été délivrée dans le cadre d’une autorisation d’exploiter une ICPE (ancien régime) ou d’une autorisation environnementale (auquel cas l’annulation porte sur la partie de l’AE tenant lieu de DDEP) –, le Conseil d’État rappelle qu’il appartient au préfet de mettre en oeuvre les pouvoirs qu’il tient de l’article L. 171-7 du code de l’environnement. 

Ces mesures et sanctions administratives, qui sont indépendantes des éventuelles poursuites pénales,  consistent à :

  • mettre l’exploitant en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu’il détermine (1 an au maximum) ;
  • édicter des mesures conservatoires aux frais de la personne mise en demeure ;
  • suspendre le fonctionnement de l’installation jusqu’à ce qu’il ait été statué sur une demande de régularisation, à condition que des motifs d’intérêt général ne s’y opposent pas.


… à l’abrogation de l’autorisation d’exploiter l’ICPE ou de l’autorisation environnementale

Outre le rappel des pouvoirs de police dont le préfet peut faire usage au titre des dispositions précitées du code de l’environnement, le Conseil d’État indique que cette même autorité peut, le cas échéant, abroger l’autorisation d’exploiter ou l’AE en tenant lieu

Cette hypothèse n’est pas évoquée par le rapporteur public dans ses conclusions sur l’arrêt commenté mais elle apparaît en lien avec le rôle central assigné au préfet à la suite d’une annulation de DDEP. En effet, la Haute juridiction précise que ce dernier, tenant compte de la situation de droit et de fait applicable à la date à laquelle il se prononce, doit tirer les conséquences de la décision juridictionnelle d’annulation et de l’autorité de chose jugée qui s’y attache.

Pour ce faire, il appartiendra sans doute au préfet de distinguer selon les motifs d’annulation de la DDEP et, en conséquence, en fonction des possibilités ouvertes de régularisation. 

Aussi, lorsque, comme au cas d’espèce, une DDEP a été annulée pour défaut de raison impérative d’intérêt public majeur du projet, vice difficilement régularisable, le préfet sera amené à prononcer l’abrogation de l’autorisation d’exploiter ou de l’AE en tenant lieu.

II. L’ANNULATION CONTENTIEUSE DE LA DDEP APRÈS LA RÉALISATION DES TRAVAUX (CADRE SPÉCIAL)

La nécessaire mise en oeuvre d‘une protection équivalente à la DDEP annulée

Alors même que la DDEP a été annulée pour un motif de fond (RIIPM) et est dès lors réputée n’avoir jamais existé, le Conseil d’État tient compte des effets qu’elle a produits avant son annulation et peut ainsi constater qu’elle a été exécutée. Il ménage alors une issue favorable pour les installations en cours d’exploitation.

Plus précisément, il considère que « dans l’hypothèse où la situation de fait telle qu’elle existe au moment où l’autorité administrative statue à nouveaune justifie plus la délivrance d’une DDEP », le préfet doit rechercher si l’exploitation peut être poursuivie. Dans ce cas, il peut imposer des prescriptions complémentaires et/ou délivrer une décision modificative ou une nouvelle AE :
  

  • les prescriptions imposées dans l’autorisation modificative doivent apporter une protection de l’environnement équivalente en reprenant a minima les mesures de compensation exigées par la DDEP annulée ; 
  • en fonction du caractère illégal des atteintes portées aux espèces protégées, l’autorisation modificative doit intégrer des conditions de remise en état supplémentaires et peut adapter les conditions de l’exploitation (modalités de fonctionnement, durée). 

Des zones d’incertitudes quant au champ d’application de cette décision

Le Conseil d’État a adopté une « approche médiane » qui permet de trouver un équilibre entre pragmatisme et nécessité de protéger les espèces. Il semble ainsi ouvrir la voie à la sécurisation des situations acquises en raison de la réalisation des travaux préalables à l’exploitation d’une ICPE ayant conduit, dans le passé, à solliciter une DDEP. 

Les juges ne dissipent toutefois pas l’ensemble des ambiguïtés. 

Quid en effet de la situation dans laquelle les travaux ne sont pas achevés mais suffisamment avancés ? Une abrogation est-elle alors légale ou le préfet doit-il envisager une régularisation ? 

En outre, une telle prise en compte de l’exécution des travaux (et donc de la destruction des espèces) peut-elle être étendue à l’hypothèse où un porteur de projet devenu exploitant n’aurait jamais demandé de DDEP, alors même qu’une telle dérogation était requise ?

Enfin, cette solution vaut pour une AE dès lors que celle-ci devient incomplète et par suite illégale en cas de DDEP annulée, des questions se posent s’agissant du caractère exécutoire d’un permis de construire délivré à l’occasion d’une opération nécessitant également une DDEP.

Les étapes de l’affaire de la carrière de Semondans

Abréviations

AE : autorisation environnementale
C. env. : code de l’environnement
ICPE : installation classée pour la protection de l’environnement
DDEP : dérogation pour la destruction d’espèces protégées et de leurs habitats 
RIIPM : raison impérative d’intérêt public majeur

Prévenir les conflits d’intérêts sans étouffer la vie locale : un équilibre à rechercher pour les élus

Malgré les récentes lois relatives à la prévention des conflits d’intérêts1, l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales, inchangé depuis la création du code en 1996, dispose que « sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires ». De la qualification d’ « élu intéressé » découlent deux risques : d’une part, l’annulation d’une délibération à laquelle a participé l’élu, qui pèsera sur la collectivité (I.) ; d’autre part, l’engagement de la responsabilité pénale de l’élu (II.). Si les situations de cumul d’intérêts des conseillers sont légion dans les communes rurales peu habitées, des réflexes peuvent être adoptés pour prévenir les conflits d’intérêt et limiter leurs conséquences sur le plan juridique.

I. L’ ENJEU PUBLIC : LE RISQUE, POUR LA COLLECTIVITÉ, TENANT À L’ANNULATION DE SA DÉLIBÉRATION

La simple détention d’un « intérêt » par l’élu ne suffit pas à caractériser le risque…

La jurisprudence administrative recourt d’abord au critère de « l’intérêt personnel » que l’élu peut détenir en propre ou par personne interposée. La présence d’un « intérêt qui ne se confond pas avec ceux de la généralité des habitants de la commune » (CE, 16/12/94, n° 145370) est ici recherchée, au terme d’une analyse in concreto (CE, 30/12/02, n° 229099).

Le juge considère par exemple que n’est pas « intéressé à l’affaire » le conseiller municipal qui bénéficie d’une indemnité en raison de la vente de parcelles communales (CE, 1/07/19, n° 410714), ni celui dont la famille bénéficiera de l’implantation d’un projet éolien sur lequel il a été amené à donner un avis (CAA Nancy, 26/01/21, n° 20NC00316, pt. 19 – en l’occurrence, deux des conseillers municipaux présents au vote étaient respectivement le fils et le neveu du propriétaire de la parcelle d’implantation du parc).

De même, le seul vote d’un élu propriétaire de parcelles destinées à l’élargissement des chemins d’accès aux éoliennes lors de la délibération sur l’opportunité du projet ne suffit pas à retenir la qualification d’« élu intéressé » (CAA Nancy, 26/01/21, préc., pt. 6). Le conseiller doit également, en effet, avoir eu une influence sur le sens de la décision.

… L’exigence d’une influence sur le résultat de la délibération

Le second critère dégagé par le juge procède de l’influence exercée par l’élu sur la délibération ou de sa « participation active » à celle-ci (CE, 12/10/16, n° 387308). La preuve de cette influence de l’élu sur la délibération en vue de prendre en compte son intérêt personnel doit être rapportée pour entraîner l’annulation de la délibération.

Ainsi, la circonstance que deux élus, gérants du groupement foncier propriétaire du terrain d’assiette d’un projet éolien, aient pris part à la délibération précédant l’avis favorable du maire sur le projet n’entache pas d’illégalité la procédure de délivrance de l’autorisation, dès lors qu’aucune influence sur le sens de la délibération ou sur l’avis du maire n’a été démontrée (CAA Marseille, 13/11/15, n° 14MA00594). 

L’appréciation par les juges de l’influence ne se limite pas au seul moment de la délibération (CE, 9/07/03, n°248344). Cette influence peut être caractérisée si un élu a activement participé aux réunions et travaux préparatoires à l’élaboration d’un document d’urbanisme, même il s’est abstenu de prendre part aux débats lors de l’approbation (CE, 21/11/12, n° 334726 : annulation, pour ce motif, de la délibération approuvant une carte communale).

II. L’ENJEU PÉNAL : LE RISQUE D’ENGAGEMENT DE LA RESPONSABILITÉ DE L’ÉLU INTÉRESSÉ

La possible caractérisation d’une infraction pénale…

Si la délibération dont le sens a été influencé par l’élu intéressé peut éviter l’annulation (notamment si elle n’a pas été attaquée), l’élu risque toutefois de voir sa responsabilité pénale engagée devant le juge répressif.

Exercer une influence dans un but strictement personnel ou pour une tierce personne est en effet susceptible de constituer une infraction pénale (concussion, corruption et trafic d’influence, délit de favoritisme, prise illégale d’intérêts, etc.)2 dont la prescription intervient au bout de six ans à compter du dernier agissement3.

Dès lors que la caractérisation d’une infraction pénale suppose un élément matériel (les faits) et un élément intentionnel (la volonté d’avoir commis ces faits), des preuves de l’avantage retiré par l’élu ou la tierce personne doivent être rapportées.

Ainsi, la simple « supposition » d’un accord verbal entre un élu et une société qui rachète des terrains lui appartenant n’est pas de nature à prouver une prise illégale d’intérêts (Crim., 19/03/08, n° 07-84.288).

… La large application de l’infraction de prise illégale d’intérêts

La prise illégale d’intérêts est l’infraction la plus susceptible d’être retenue dès lors que l’élément matériel peut concorder avec les agissements de l’élu « intéressé à l’affaire » : par exemple, la révision d’un document d’urbanisme en vue de favoriser son foncier ou l’accord relatif au versement de subventions vers une association dont il est membre actif (voire l’émission d’un seul avis sur ces subventions : Crim., 09/02/11 n° 10-82988).

L’intérêt peut être pécuniaire, moral, direct ou indirect (Crim., 22/10/08, n° 08-82.068). De plus, non seulement la recherche d’un gain ou d’un profit personnel est indifférente (Crim., 21/06/00, n° 99-86.871), mais l’intérêt de l’auteur de l’infraction peut ne pas être en contradiction avec l’intérêt communal (Crim., 19/03/08, préc.).

Enfin, l’élément intentionnel est aisément retenu par le juge pénal qui exige seulement un dol général, caractérisé par la commission de l’infraction en toute conscience (Crim., 22/10/08, préc. : des élus ont été déclarés coupables pour avoir participé à une délibération attribuant des subventions à une association qu’ils présidaient).

Précisions

1 Lois du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique.

2 Art. 432-10 et s. du code pénal.

3 Art. 8 du code de procédure pénale.

4 Caractérisé indépendamment de sa finalité, par opposition au dol spécial pour lequel une finalité spéciale est recherchée.

Le cas spécifique de la délibération préalable à une prise de décision

Lorsque les délibérations sont des avis préalables à la prise d’une décision préfectorale (comme en matière d’EnR), un second filtre se met en place :

  • même en présence d’une délibération irrégulière en raison de la participation d’un élu intéressé, le juge administratif recherche si l’autorité compétente aurait pris, sans cela, une décision différente ;
  • s’il s’avère que l’avis a été pris en considération pour l’édiction de la décision finale, l’irrégularité de la délibération peut alors emporter l’illégalité de la décision finale (Rép. Min., Q n° 68565, J.O.A.N. 31 mars 2015, p. 2551).

Prévenir les conflits d’intérêts

  • Tout élu (maire, conseiller municipal ou intercommunal) doit connaître et reconnaître ses intérêts (propriétés foncières notamment) avant de participer au processus décisionnel.
  • En cas d’intérêt personnel en jeu, il convient de s’écarter des travaux préparatoires, commissions et réunions de travail.
  • Lors de la délibération, l’élu devra :
  • – s’écarter des débats et quitter la salle ;
    – indiquer la raison de ce départ et s’assurer qu’il figure au compte-rendu.
  • En cas de déport d’un ou de plusieurs élus, il conviendra de veiller au respect du quorum non seulement pour l’ensemble de la séance, mais aussi pour chaque question abordée (CE, 23/03/1988, n° 67694). La décision de conseillers présents pendant la discussion de sortir au moment du vote équivaut à une abstention et n’affecte pas le quorum.