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Recodification de la partie réglementaire du livre Ier du code de la construction et de l’habitation : ce qui change

Comme suite à l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2021, de l’ordonnance dite Essoc 2 du 29 janvier 2020, le livre Ier du code de la construction et de l’habitation (CCH) a fait l’objet d’une recodification (voir notre bulletin) et l’ordonnance dite Essoc 1 du 30 octobre 2018 a été abrogée. Parmi les mesures phares, les solutions d’effet équivalent (SEE) constituent une alternative aux solutions de référence réglementaires inscrites dans le CCH, et non une dérogation.

Dans son sillage, le décret n° 2021-872 du 30 juin 2021 recodifie à droit constant la partie réglementaire du livre Ier du CCH et fixe, en particulier, les conditions de mise en œuvre des SEE (I.) et les décrets nos 2021-821 et 2021-822 du 25 juin 2021 modifient le périmètre du diagnostic portant sur la gestion des produits, matériaux et des déchets issus de la démolition ou rénovation significative de bâtiments (II.).

I. LES CONDITIONS DE MISE EN ŒUVRE DES SOLUTIONS D’EFFET EQUIVALENT

Procédure

Les SEE recouvrent des domaines variés et autorisent la mise en œuvre de solutions alternatives à la réglementation selon la procédure codifiée suivante :

  • Le dossier de demande du MOA (contenu à R.112-2) est transmis à un organisme tiers et impartial (parmi ceux issus de l’art. R. 112-4) qui analyse le dossier (modalités à l’art. R. 112-3). Si la solution est valide, il produit l’attestation de respect des objectifs (art. R. 112-3 II.).
  • Si plusieurs SEE sont envisagées pour un même projet et entrent dans le champ de compétence de l’organisme tiers, un unique dossier commun peut être déposé et une seule attestation sera délivrée par l’organisme tiers (art. R. 112-1).
  • Le recours à une SEE impose que l’attestation soit obtenue avant le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme (art. L. 112-9).
  • Le vérificateur agréé contrôle cette SEE en amont et en cours d’exécution des travaux (modalités à l’art. R.112-5 I.).
  • S’il est décidé de ne pas mettre en œuvre la SEE durant les travaux, l’administration doit en être informée au plus tard dans un délai de 2 mois suivant l’achèvement (art. R.112-6).
  • La mise en œuvre de la SEE est confirmée par la délivrance de l’attestation de bonne mise en œuvre de la SEE par le vérificateur (art. R. 112-5 II.).

Compétence

Les organismes reconnus pour délivrer des attestations de respect des objectifs sont répartis en fonction des champs techniques1 ouverts à la SEE.

Concernant le champ technique relatif à la sécurité globale (Titre III), les organismes compétents sont le CSTB, Cerema et les contrôleurs techniques.

Concernant les champs techniques relevant des titres IV, V, VI et VII, le décret dispose que :

  • jusqu’au 31 décembre 2023 et dans le cadre d’une phase transitoire, cinq organismes (CSTB, Cerema, contrôleurs techniques, bureaux d’étude hautement qualifiés dans le domaine2 et enfin, laboratoires agrées en résistance au feu et désenfumage)  reconnus compétents sur un champ technique particulier pourront délivrer l’attestation de respect des objectifs correspondante ;
  • à partir du 1er janvier 2024, une seconde phase définitive impose que les organismes compétents soient accrédités, agréés ou encore certifiés, selon leur champ technique, pour attester du respect des objectifs par les SEE (art. R.112-4). Le ministre compétent devra publier les arrêtés qui fixeront les critères et procédures d’accréditation et de certification des organismes.

I. LES CONDITIONS DE MISE EN ŒUVRE DES SOLUTIONS D’EFFET EQUIVALENT

Opérations concernées

Le maître d’ouvrage d’une opération de démolition3 (art. R. 111-44 I.) et/ou de rénovation significative4 (art. R. 111-44 II.) est soumis à l’obligation de réaliser un diagnostic relatif à la gestion des produits, matériaux et déchets (PMD) lorsque :

  • soit, la surface cumulée de plancher5 de l’ensemble des bâtiments concernés est supérieure à 1 000 mètres-carrés ;
  • soit, le bâtiment concerné a accueilli « une activité agricole, industrielle ou commerciale et ayant été le siège d’une utilisation, d’un stockage, d’une fabrication ou d’une distribution d’une ou plusieurs substances classées comme dangereuses6 » (art. R. 111-43).

Le diagnostic PMD doit être réalisé avant le dépôt de l’autorisation d’urbanisme ou de l’autorisation d’aménager un ERP si l’opération y est soumise, ou préalablement à l’acceptation du devis ou à la passation du marché dans les autres cas (art. R. 111-45). Par ailleurs, il sera transmis au CSTB préalablement à l’acceptation du devis ou à la passation du marché (art. R. 111-50).

Contenu du diagnostic

S’agissant des produits, matériaux et équipements, le diagnostic PMD doit fournir (art. R. 111-46 II.) :

  • leur nature, leur quantité, leur localisation dans l’emprise et leur fonction dans l’opération ;
  • une estimation des déchets « potentiellement générés » par les PMD, avec leur classification7, et des déchets résiduels ;
  • une estimation de leur état de conservation ;
  • des indications et estimations quant aux possibilités de réemploi in situ, sur un autre site ou via des filières de réemploi ;
  • puis et à défaut de réemploi, les filières de gestion et de valorisation des déchets, notamment locales, en vue de leur réutilisation, recyclage, valorisation ou élimination ;
  • enfin, les indications ou précautions relatives à leur démolition, dépose, stockage et transport.

A l’issue des travaux, le maître d’ouvrage doit établir un formulaire de récolement (art. R. 111-49) qui sera transmis au CSTB dans les 90 jours suivant l’achèvement des travaux mentionnés à l’art.
R. 111-44 du CCH (art. R. 111-50).

Il est prévu que des arrêtés du ministre compétent viendront apporter de nombreuses et utiles précisions concernant le diagnostic PMD.

Quelques précisions

Titre III : Règles générales de sécurité

Titre IV: Sécurité des personnes contre les risques d’incendie

Titre V : Qualité sanitaire des bâtiments

Titre VI : Accessibilité des bâtiments

Titre VII : Performance énergétique et environnementale

Ils disposent d’une qualification du plus haut niveau d’expertise possible dans le domaine concerné par la SEE.

3 « une opération consistant à détruire une partie majoritaire de la structure d’un bâtiment ».

4 « une opération consistant à détruire ou remplacer au moins deux des éléments de second œuvre mentionnés ci-après, à la condition que les travaux concernés conduisent à détruire ou remplacer une partie majoritaire de chacun de ces éléments :

a) Planchers ne déterminant pas la résistance ou la rigidité de l’ouvrage ;

b) Cloisons extérieures ne déterminant pas la résistance ou la rigidité de l’ouvrage ;

c) Huisseries extérieures ;

d) Cloisons intérieures ;

e) Installations sanitaires et de plomberie ;

f) Installations électriques ;

g) Système de chauffage. »

5 Art. R. 111-22 du code de l’urbanisme.

Art. R. 4411-6 du code du travail.

Art. R. 541-7 du code de l’environnement.

Abréviations

CCH : Code de la construction et de l’Habitation

CSTB : Conseil Scientifique et Technique du Bâtiment

ERP : établissement recevant du public

MOA : maître d’ouvrage

PMD : produits, matériaux et déchets

SEE : solution d’effet équivalent

Permis de construire valant permis de démolir en site inscrit : gare au Cheval de Troie !

Le patrimoine français est riche de sites inscrits (pas moins de 239 pour la seule Ile-de-France, par exemple), de sorte que de nombreux projets immobiliers sont concernés par leur réglementation. En raison de la qualité de ces sites, les droits de l’urbanisme et du patrimoine architectural encadrent strictement les travaux s’y rapportant.


Alors que leur régime juridique apparaissait clair, le Conseil d’Etat a progressivement étendu les effets de l’avis conforme de l’architecte des Bâtiments de France (ABF) émis sur le volet permis de démolir à l’ensemble de l’autorisation. Dès lors, des brèches sont apparues dans la sécurisation juridique de cette autorisation unique au détriment des porteurs de projet. Face aux écueils juridiques qui en procèdent, une approche stratégique lors du montage et du dépôt des autorisations d’urbanisme en site inscrit mérite d’être adoptée.

I. LE PERMIS DE CONSTRUIRE VALANT PERMIS DE DÉMOLIR EN SITE INSCRIT : ATTENTION AUX FAUX-SEMBLANTS

A. Un régime d’avis conforme en apparence restreint

Toute démolition, même partielle, d’une construction située en site inscrit doit être précédée d’un permis de démolir (art. R. 421-28 du code de l’urbanisme).

L’article L. 451-1 du code de l’urbanisme admet qu’une autorisation de démolir puisse être intégrée dans un permis de construire : une demande unique aboutira, après instruction, à la délivrance d’un arrêté de permis de construire valant permis de démolir.

Or, les procédures d’instruction et de délivrance des permis de construire et de démolir comportent de notables différences de régimes. En effet, si dans le cas général, un avis simple de l’ABF est requis en matière de construction, les démolitions en site inscrit requièrent un avis conforme (art. R.425-18 et R.425- 30 c. urb.). De surcroît, cet avis est réputé négatif en cas de silence gardé par l’ABF pendant plus de deux mois1. Par conséquent, si, en principe, une autorisation2 implicite naît à l’issue du délai d’instruction , à titre dérogatoire, l’article R.424-2 du code précité prévoit que le défaut de réponse dans le délai d’instruction d’une demande de démolition vaut décision implicite de refus3.

L’articulation de ces différents régimes, au sein d’une unique autorisation, a suscité un contentieux nourri.

 

B. Un régime d’avis conforme élargi par le Conseil d’Etat

Le Conseil d’Etat a tout d’abord dû déterminer si l’avis de l’ABF devait être regardé comme portant sur le volet démolition alors même qu’il ne le mentionnerait pas expressément.

En 20154, la Haute juridiction est ainsi venue dissiper l’ambiguïté textuelle et l’incertitude des juges du fond5 en résultant, en affirmant que l’avis de l’ABF « doit être regardé comme portant sur l’ensemble de l’opération projetée, sans qu’il soit nécessaire que cet avis mentionne expressément la démolition ». Autrement dit, dans un permis de construire (PC) valant permis de démolir en site inscrit, l’ABF émet un avis conforme sur l’ensemble de l’opération projetée.

Restait à clarifier les effets du silence gardé par l’administration sur une demande de PC supposant, au préalable, des démolitions en site inscrit.

Dans une décision du 20 janvier 2020 (n°421949), le Conseil d’Etat tranche cette question en affirmant que « le défaut de notification d’une décision expresse dans le délai d’instruction vaut décision implicite de rejet ». Ainsi, le silence gardé par l’administration sur une demande de PC en site inscrit dont le dossier fait clairement apparaître des démolitions vaut refus implicite pour le tout.

II. SÉCURISER LES PROJETS EXIGE UN PEU DE STRATÉGIE

A. Cheval de Troie en site inscrit

Les porteurs de projets ont été d’autant plus troublés par l’application jurisprudentielle de l’article L. 451-1 du code de l’urbanisme que, préalablement, le Conseil d’Etat6 avait jugé que « si le permis de construire et le permis de démolir peuvent être accordés par une même décision, (…) ils constituent des actes distincts comportant des effets propres » afin d’annuler partiellement l’autorisation sur le seul volet construction.

Pourtant, les décisions précitées ont étendu la sévérité du régime de la démolition en site inscrit à l’intégralité de l’autorisation sans distinguer les deux volets la composant, impliquant que :

  • d’une part, l’avis conforme émis par l’ABF place l’administration en situation de compétence liée y compris sur le volet construction ;
  • d’autre part, l’avis conforme de l’ABF de même que la demande faite à l’autorité administrative3 sont réputés refusés en cas de silence gardé à l’expiration du délai d’instruction. Le régime du permis de démolir en site inscrit déteint ainsi sur l’ensemble de l’autorisation, y compris sur son volet construction.

Le régime du permis de démolir en site inscrit déteint ainsi sur l’ensemble de l’autorisation, y compris sur son volet construction.

B. Fragmenter pour mieux sécuriser

Au vu des conséquences pratiques défavorables du régime de cette autorisation unique, il est conseillé de déposer des demandes de permis distinctes en vue de maintenir les effets juridiques propres à chacune d’entre elles. En effet :

  • l’avis conforme de l’ABF ne concerne, par principe, que le permis de démolir, de sorte que l’autorité administrative pourra ne pas être en situation de compétence liée pour délivrer le permis de construire ;
  • une autorisation implicite de permis de construire pourra naître (sous réserve de l’application d’une autre législation), le risque du refus tacite étant cantonné au permis de démolir.

Le Conseil d’Etat juge toutefois que l’autorité administrative doit être en mesure d’apprécier la légalité du projet dans sa globalité lors de l’instruction7nonobstant les demandes distinctes de permis. Ainsi, en cas de fragmentation des demandes de permis de construire et de permis de démolir, il est conseillé soit de déposer de manière simultanée l’ensemble des demandes d’autorisations d’urbanisme, soit de déposer le permis de construire après la délivrance du permis de démolir.

Qu’est-ce qu’un site inscrit ?

Un site inscrit, tel que défini à l’article L. 341-1 du code de l’environnement, est un espace naturel ou bâti qui « présente, au point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, un intérêt général ». Les sites inscrits sont recensés au sein de chaque département.

Par exemple, selon la Direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie d’Île- de-France, cette région comporte 239 sites inscrits, pour une moyenne de 184 dans les autres régions.

Les sites inscrits représentent 13 % de la superficie de l’Île-de-France (contre 2,6 % de moyenne nationale). La ville de Paris, à elle seule, compte une superficie de sites inscrits de 4 400 hectares.

Quelques précisions

1 L’article R.423-67-2 du code de l’urbanisme dispose que « le délai à l’issue duquel l’architecte des Bâtiments de France doit se prononcer sur un permis de démolir situé dans un site inscrit est de deux mois. En cas de silence de l’architecte des Bâtiments de France à l’issue de ce délai, son accord est réputé refusé ».

2 Art. R. 424-1 du code de l’urbanisme.

3 L’article R. 424-2 du code de l’urbanisme prévoit les cas dans lesquels l’absence de notification d’une décision expresse dans le délai d’instruction vaut décision implicite de rejet.

4 CE, 16 mars 2015, Ville de Paris c. M. Sebag, n°380498.

5 Alors que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise avait jugé que le permis de construire « intègre une réponse formelle sur la partie démolition du projet » (9 avril 2012, n°1006492), le tribunal administratif de Bordeaux avait adopté la position inverse et exigeait un avis exprès de l’ABF sur le volet démolition (20 juin 2013, n°1102378).

6 CE, 21 févier 2018, SCI La Villa Mimosas, n°401043.

7 CE, 7 novembre 1973, n°85237 ; CE, 17 juillet 2009, Cne de Grenoble, n°301615.