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Dirigeant de société : comment anticiper sa succession ?

La transmission des titres d’une société peut être largement anticipée, tant sur le plan juridique (donation, donation-partage, réserve d’usufruit…) que sur le plan fiscal (notamment par la conclusion d’un pacte Dutreil). Mais la succession à la tête de la société mérite également d’être anticipée bien avant la transmission : elle seule peut garantir la continuité de l’exploitation, notamment en cas de décès prématuré du dirigeant.

Plusieurs mécanismes peuvent être envisagés, certains relevant du droit civil, d’autres du droit des sociétés, le choix devant être guidé, au cas par cas, selon les enjeux en cause, tant professionnels que familiaux.

METTRE EN PLACE UN MANDAT A EFFET POSTHUME

Prévu par les articles 812 et suivants du Code civil, le mandat à effet posthume permet de donner à une ou plusieurs personnes (physiques ou morales) le pouvoir d’administrer ou de gérer tout ou partie de sa succession, pour le compte et dans l’intérêt d’un ou plusieurs héritiers nommément désignés.

Reçu obligatoirement en la forme authentique, ce mandat a une durée de cinq ans (qui peut être prorogée) s’il est motivé par « un intérêt sérieux et légitime », notamment l’inaptitude ou l’âge des héritiers, ou la nécessité de gérer des biens professionnels.

Si la succession comporte des titres de société, le mandataire aura qualité pour voter en assemblée générale, voire se désigner dirigeant. Toutefois, si en règle générale, le mandataire peut exercer les actes d’administration, il n’en est pas de même pour les actes de disposition (à moins qu’ils ne soient nécessaires à la conservation ou la valorisation du patrimoine successoral).

Par ailleurs, le caractère temporaire du mandat, son ouverture limitée mais également la complexité de sa mise en place (concurrence avec l’exécuteur testamentaire) en font un outil imparfait.

CONSTITUER UNE HOLDING FAMILIALE

Le recours à une holding familiale permet de conforter la position de l’un des héritiers en tant que successeur dans la direction de la société, sans avoir à transmettre par avance les titres à l’ensemble des héritiers.

Soit, par exemple, le cas d’une société, dont le capital est divisé en 1000 actions détenues par une personne X, qui a trois enfants ; l’un d’eux (que l’on appellera Z) a vocation à lui succéder comme dirigeant. Si rien n’est fait, les titres de la société seront transmis à égalité entre les enfants et le successeur sera minoritaire (333 actions).

La constitution d’une holding familiale permettra  de bénéficier d’un effet de levier juridique et d’éviter cet écueil :

  • X donne 160 actions à Z ;
  • Constitution d’une société holding, Z apporte les 160 actions reçues, X apporte 240 actions. Z est désigné mandataire social (cf. ci-après).

 Au décès de X :

  • Dans la holding, chaque héritier recevra 80 actions ; Z disposera donc de 160 + 80 = 240 actions.
  • Dans la filiale, la holding détiendra 400 actions et les héritiers 200 actions chacun.

Dans la mesure où il contrôle la holding, Z détient donc, directement ou indirectement, la majorité des droits de vote dans la filiale (400 + 200) et est assuré d’y conserver le pouvoir.

DESIGNER PAR AVANCE SON SUCCESSEUR

Si le droit des sociétés ne connaît pas de mécanisme général permettant de désigner par avance la personne qui succèdera au mandataire social à son décès, plusieurs options sont ouvertes, qui dépendent avant tout de la forme de la société.

S’agissant d’une société civile, la cogérance est admise, tout comme la désignation d’une personne morale (holding familiale) en qualité de gérant.

Si la société est une SARL, la désignation d’un gérant suppléant n’est pas admise, ni celle d’une personne morale. En revanche, il est possible de désigner une cogérance, soit en organisant les pouvoirs entre cogérants (mais la limitation des pouvoirs ne serait pas opposable aux tiers), soit en repoussant dans le temps la prise d’effet des fonctions de l’un d’eux (par exemple au décès ou à l’incapacité de l’autre). La modification devra être publiée au RCS à la date de sa prise de fonction (Avis CCRCS n° 2012-010 du 23 mars 2012).

Si la société est une SAS, il n’est pas possible de désigner une co-présidence, mais a été admise la désignation, par voies statutaire ou assemblée générale :

  • d’un suppléant, qui sera amené à exercer la présidence en cas de décès ou d’empêchement de l’actuel président, jusqu’au terme du mandat de celui-ci ;

d’un successeur, qui deviendra de plein droit président au décès de son prédécesseur.

Pacte Dutreil : l’encadrement des fonctions de direction

Lorsque la transmission de la société bénéficie du régime du Pacte Dutreil (cf nos précédents bulletins), l’exercice des fonctions de direction est restreint.

Avant la transmission, la direction de la société (gérant de SARL, président de société par action…) doit être exercée par l’un des signataires de l’engagement collectif de conservation.

Après la transmission, la direction de la société peut être exercée :

  • Soit par l’un des signataires de l’engagement collectif de conservation,
  • Soit par l’un des bénéficiaires de la transmission qui a souscrit un engagement individuel de conservation.

Des modalités spécifiques sont prévues, par exemple au cas où l’engagement collectif n’a pas été souscrit, ou lorsque la direction de la société est exercée par une personne morale.

Que faire ?

Afin d’anticiper sa succession, il convient :

  • de bien identifier la personne qui sera susceptible d’occuper les fonctions de dirigeant,
  • de vérifier et, le cas échéant, modifier les clauses statutaires relatives, tant à la désignation du successeur qu’à la répartition des pouvoirs (notamment en cas de démembrement des titres).

Expatriation : anticiper l’exit tax

Face aux changements de domicile entre Etats, si les Etats adoptent des mesures fiscales de nature à encourager les nouveaux arrivants, ils ont également le souci d’éviter les expatriations dictées par le seul motif d’éluder l’impôt.

L’ « Exit tax », prévue à l’article 167 bis du Code général des impôts poursuit cet objectif : son régime et ses conséquences doivent être anticipés bien en amont de l’expatriation.

QUI EST CONCERNÉ PAR L’EXIT TAX ?

Les contribuables qui ont été domiciliés en France pendant au moins 6 des 10 dernières années sont imposables lors du transfert de leur domicile hors de France sur :

  • Les plus-values latentes liées soit à une participation représentant au moins 50 % du capital d’une société, soit un portefeuille de titres, droits sociaux et autres droits financiers dont la valeur excède 800.000 € ;
  • Les créances représentatives d’un complément de prix (clause d’indexation du prix des titres cédés sur les résultats futurs de la société) ;

En outre, les plus-values en report d’imposition (notamment au titre de l’art. 150-O B Ter du CGI) sont également imposables, sans condition de durée de résidence en France du contribuable.

Depuis le 1er janvier 2018, ces plus-values et créances sont imposables :

  • Soit au taux forfaitaire de 12,8 % (PFU),
  • Soit sur option globale du contribuable, au barème progressif de l’impôt sur le revenu (moyennant quelques retraitements prévus par le texte).

Elles sont également soumises aux prélèvements sociaux en vigueur lors du transfert du domicile fiscal hors de France.

COMMENT AVOIR DROIT AU SURSIS DE PAIEMENT

En cas de sursis de paiement, l’impôt n’est pas payé à l’occasion du transfert du domicile hors de France, mais à l’occasion d’évènements ultérieurs (cf. ci-dessous). Ce sursis est de droit ou optionnel selon les situations :

• Sursis de droit et sans prise de garanties lorsque le contribuable transfère son domicile fiscal dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État (hors Etats non coopératifs) ayant conclu avec la France une convention de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales ainsi qu’une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement ;

• Dans les autres cas, le sursis est  subordonné au respect des conditions suivantes :

– Demande expresse déposée au service des impôts des non-résidents via le formulaire 2074-ETD, dans les 90 jours précédant le transfert

– Constitution de garanties (caution bancaire, hypothèque…) égales au montant de l’impôt en sursis

– Désignation d’un représentant fiscal (organisme accrédité, banque…) en charge des formalités  déclaratives.

JUSQU’À QUAND COURT LE SURSIS DE PAIEMENT

Le sursis de paiement court, soit jusqu’à certains évènements qui rendent l’impôt exigible, soit jusqu’au dégrèvement

Evènements rendant l’impôt exigible •Pour les plus-values latentes : cession à titre onéreux, rachat, remboursement ou annulation des titres ;•Pour les créances de complément de prix : perception du complément de prix, apport ou cession de la créance ou donation de la créance lorsque le donateur est fiscalement domicilié dans un ETNC ou un État ou territoire tiers à l’UE n’ayant pas conclu les conventions (sauf si cette donation n’a pas été faite dans un but principalement fiscal) ;•Pour les plus-values placées précédemment en report d’imposition : cession à titre onéreux (hors opérations d’échange ou d’apport), rachat, remboursement, annulation des titres reçus lors de l’échange ou de l’apport à l’origine du report ;•Non-respect des obligations déclaratives (cf ci-contre).Evènements ouvrant droit à dégrèvement •Décès du contribuable ;•Retour en France du contribuable ;•Transmission à titre gratuit des valeurs mobilières ;•A l’issue d’un délai de conservation de :-2 ans lorsque la valeur des titres entrant dans le champ de « l’exit tax » est inférieure à 2.570.000 € ; -5 ans dans le cas contraire.  NB : si le contribuable n’a pas bénéficié du sursis de paiement, ces évènements ouvrent droit à restitution de l’impôt payé.

Quand le transfert de domicile fiscal est-il effectif ?

Le transfert de domicile fiscal hors de France intervient donc :

  • lorsque le contribuable n’a plus son domicile fiscal en France en vertu de l’article 4 B du CGI ;
  • ou lorsque le contribuable a transféré son domicile ou sa résidence fiscale, au sens de la convention fiscale internationale qui lie la France à l’État de destination.

Selon l’article 4 B du CGI, est considéré comme ayant son domicile  en France le contribuable qui y a :

  • Son foyer (lieu de résidence de la famille) ou, à titre subsidiaire, le lieu de séjour principal (il y réside plus de 183 jours par an),
  • Son activité professionnelle principale (attention, les dirigeants de grosses entreprises sont soumis à des critères spécifiques)
  • Le centre de ses intérêts économiques (principaux investis-sements, source de la majeure partie des revenus etc.)

Quelles obligations déclaratives ?

A compter de son expatriation, le contribuable relève de la compétence du SIP non-résidents. Deux déclarations doivent être déposées :

  • L’année du transfert du domicile fiscal hors de France : déclaration n°2074-ETD 
  • Au titre de chacune des années suivantes, jusqu’à exigibilité de l’impôt ou dégrèvement :  déclaration n°2074-ETS, destinée à assurer le suivi de l’imposition.

Le montant global des droits en sursis de paiement doit en outre être reporté sur la déclaration 2042 C (case 8TN).

Déclarations d’impôts : N’oubliez pas de déclarer vos comptes et contrats étrangers !

Les résidents fiscaux français sont astreints à une obligation de déclaration des comptes ouverts à l’étranger. Avec le développement des offres de prestations de services bancaires et financiers en ligne, cette obligation concerne de plus en plus de contribuables. Nous détaillons dans le présent bulletin les comptes et contrats concernés, ainsi que les sanctions auxquelles s’exposent les contrevenants.

Une obligation étendue en réponse au développement de l’offre « fintech »

L’obligation de déclaration des comptes détenus à l’étranger par des contribuables français n’est pas nouvelle, le premier texte datant de 1990 mais concernait surtout les comptes bancaires « classiques ». Le développement relativement récent de nouvelles offres bancaires et financières (néo-banques, open banking, plateformes de courtage, financements participatifs), communément appelées « fintech », a conduit l’administration fiscale à étendre le champ des obligations déclaratives. En effet, un grand nombre de ces nouveaux acteurs bancaires et financiers est implanté à l’étranger (N26 en Allemagne, Revolut en Lituanie…) et entre donc dans le champ d’application de l’obligation déclarative. Le développement des cryptoactifs (cryptomonnaie et NFT notamment) a également induit une nouvelle extension du champ de l’obligation déclarative des comptes détenus à l’étranger.

Une obligation déclarative aux larges contours

Cette obligation de déclaration, à remplir en même temps que la déclaration d’impôt sur le revenu annuelle, s’impose aux résidents fiscaux français :

  • Pour les comptes « ouverts, détenus, utilisés ou clos à l’étranger» au cours de l’année d’imposition (CGI, art. 1649 A). Étant précisé que cette obligation concerne tous les comptes ouverts auprès d’établissements bancaires, mais également de tout organisme ou personne (dont les notaires étrangers par exemple).
  • Depuis 1990, pour les contrats de capitalisation ou de placements (dont les assurances-vie) ouverts et détenus à l’étranger, ainsi que les opérations réalisées sur ces comptes au titre de l’année en cours (CGI, art. 1649 AA).
  • Depuis le 1er janvier 2020, pour les « comptes d’actifs numériques (…) ouverts, détenus, utilisés ou clos» dans l’année auprès d’organismes établis à l’étranger (CGI, art. 1649 bis C).

Cette obligation déclarative s’impose de manière particulièrement large, puisqu’elle implique la déclaration des comptes et contrats ouverts ou détenus à l’étranger quand bien même ceux-ci n’auraient pas été utilisés ou seraient totalement vides. Les contribuables doivent utiliser le formulaire n°3916 – 3916 bis, ou remplir l’annexe correspondante lors du dépôt des déclarations en ligne.

Une obligation sanctionnée strictement

Une double sanction est prévue en cas de non-respect de ces obligations, d’une part via l’application automatique d’amendes, de l’autre par la possibilité d’application d’un redressement sur les revenus non déclarés les cas échéant. S’agissant des comptes bancaires ainsi que des contrats de capitalisation ou de placement détenus à l’étranger, l’absence de déclaration est sanctionnée par une amende de 1.500 € par compte non déclaré lorsque celui-ci n’a pas servi à percevoir des revenus imposables. Cette amende est portée à 10.000 € si l’organisme dépositaire est situé dans un État ou territoire non coopératif. S’agissant des comptes d’actifs numériques, la non-déclaration est sanctionnée par une amende de 750 € par compte (portée à 1.500 € si le montant des actifs détenus par le biais du compte étranger est supérieur à 50.000 € à un moment quelconque de l’année). Les omissions ou inexactitudes sont quant à elles sanctionnées par une amende de 125 € par erreur commise, dans la limite de 10 000 € par déclaration. Notez enfin que la non-déclaration des comptes et contrats ouverts à l’étranger emporte l’application d’une présomption qui consiste à considérer toutes les sommes qui transitent par lesdits comptes comme imposables. Les droits supplémentaires éventuellement dus peuvent dans ce cas faire l’objet de majorations pouvant s’élever jusqu’à 80 %. Il appartient alors au contribuable d’être en mesure de prouver que les sommes déposées sur ces comptes ne constituent pas des revenus imposables, tâche qui n’est pas forcément aisée.

Le développement de la communication des informations

Dans le cadre du développement de la législation européenne et nationale dite « KYC » (Know Your Customer), de plus en plus de plateformes poursuivent leur mise en conformité avec la réglementation de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Dans ce contexte, la coopération entre les fintech et l’administration fiscale est amenée à se renforcer dans les prochaines années.

Une possibilité de régularisation

Si vous avez omis de déclarer un compte ou un contrat détenu à l’étranger, vous pouvez régulariser votre situation. Que le compte ou le contrat ait ou non été utilisé pour la perception de revenus normalement imposables, le recours à un avocat est conseillé. La régularisation volontaire de la situation des contribuables, preuve de bonne foi, peut faire l’objet d’une négociation avec l’administration fiscale afin d’atténuer les sanctions prévues par les textes. Les délais de prescription varient entre 3 et 10 ans suivant les situations.