Par une décision récente n° 21-21.933 du 21 septembre 2022, publiée au bulletin, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a précisé le champ de l’obligation d’information pesant sur le vendeur d’un terrain sur lequel a été exploitée une installation classée (ICPE). Cette obligation s’applique dès lors que le terrain cédé se trouve dans le périmètre global de l’ancienne autorisation ICPE. Il s’agit là d’une information cruciale pour le porteur de projet qui pourra ainsi déterminer si le site concerné par l’implantation de son projet relève ou non de la législation sur les sites et sols pollués, source de contraintes supplémentaires. Dans le contexte actuel de raréfaction du foncier, où les anciennes friches industrielles apparaissent adaptées au développement de projets de construction ou d’aménagement, les contraintes relatives aux sites et sols pollués doivent en effet être identifiées en amont, dès lors que le code de l’environnement prévoit l’obligation, pour certains terrains seulement (I), de définir et de mettre en œuvre des mesures de gestion de la pollution des sols (II).
I. LES TERRAINS SOUMIS À L’OBLIGATION DE MISE EN ŒUVRE DE MESURES DE GESTION DE LA POLLUTION DES SOLS
Une obligation au champ d’application restreint
Le code de l’environnement identifie seulement deux catégories de terrains pour lesquels, dans le cadre d’un projet de construction ou d’aménagement, des mesures de gestion de la pollution des sols doivent être mises en œuvre :
1. Les terrains ayant accueilli une ICPE mise à l’arrêt définitif et régulièrement réhabilitée pour permettre l’usage défini lors de la cessation d’activité, lorsque le projet emporte un usage1 différent de celui ainsi défini (article L. 556-1 du code de l’environnement).
A titre d’exemple, un projet de construction d’un immeuble commercial sur un terrain où était initialement exploitée une ICPE et pour lequel l’usage agricole a été défini lors de la cessation d’activité est soumis à ces dispositions.
2. Les terrains situés dans les secteurs d’information sur les sols (SIS) établis par le préfet de département et qui comprennent les terrains dont la pollution des sols est connue (article L. 556-2 du code de l’environnement).
Point de vigilance : En principe, seuls les projets envisagés sur les terrains susmentionnés sont soumis à l’obligation de mettre en œuvre des mesures de gestion de la pollution des sols. Toutefois, tous les terrains pollués ne sont pas recensés dans les SIS. En conséquence, en cas de doute sur la pollution d’un terrain qui ne relève pas d’un tel secteur ou sur lequel aucune ICPE n’a été exploitée, il conviendra de faire réaliser une étude de levée de doute par un bureau d’études.
Les moyens d’identification des terrains concernés
L’identification des terrains concernés étant encadrée par les dispositions du code de l’environnement, il est possible d’anticiper en amont du projet les contraintes en résultant.
En premier lieu, le code de l’environnement impose au vendeur ou au bailleur d’un terrain situé en SIS d’en informer par écrit l’acquéreur ou le locataire et de communiquer les informations rendues publiques par l’État2 (article L. 125-7 du code de l’environnement).
Une obligation d’information identique pèse sur le vendeur3 d’un terrain sur lequel a été exploitée une ICPE soumise à autorisation ou à enregistrement4 (article L. 514-20 du code de l’environnement).
En deuxième lieu, l’article L.125-6 III du code de l’environnement dispose que les SIS doivent être indiqués sur un document graphique et être annexés au document d’urbanisme (PLUi, PLU, carte communale).
En troisième lieu, l’État publie et met à jour les bases de données recensant les terrains dont la pollution est avérée (BASOL), ainsi que ceux sur lesquels ont été exploitées d’anciennes activités industrielles ou de services susceptibles d’être à l’origine d’une pollution des sols (CASIAS).
Ces bases de données, disponibles sur georisques.gouv.fr, devront être consultées en cas de suspicion de pollution sur un terrain non identifié par un SIS ou sur lequel aucune ICPE n’a été exploitée.
II. LES MESURES OBLIGATOIRES DE GESTION DE LA POLLUTION DES SOLS
La réalisation d’une étude de sols
Lorsqu’un projet de construction ou d’aménagement est envisagé sur un terrain situé en SIS ou sur lequel une ICPE a été exploitée (à condition que, dans ce dernier cas, le projet emporte un changement d’usage non anticipé – cf I.), le maître d’ouvrage du projet devra mettre en œuvre des mesures de gestion de la pollution des sols afin d’assurer la compatibilité entre l’état des sols et l’usage futur du terrain en question.
A cet effet, le maître d’ouvrage devra faire réaliser une étude de sols par un bureau d’études (articles
R. 556-1 et R. 556-2 du code de l’environnement).
Cette étude de sols doit comprendre :
- un diagnostic5 (étude historique, documentaire et historielle, éléments relatifs à la vulnérabilité du milieu, investigations sur le terrain, schéma conceptuel, etc.) ;
- un plan de gestion5 définissant les mesures de gestion de pollution à mettre en œuvre. Ce plan présente au moins deux scénarios de gestion (après réalisation d’un bilan coûts-avantages) ainsi que les mesures de surveillance et de contrôle à mettre en œuvre pour s’assurer de l’efficacité des mesures de gestion en phase travaux.
L’obtention d’une attestation ATTES
Le maître d’ouvrage devra par ailleurs solliciter un bureau d’études certifié dans le domaine des sites et sols pollués pour obtenir l’attestation dite « ATTES » justifiant de :
- la réalisation d’une étude de sols ;
- la prise en compte des préconisations de l’étude de sols dans la conception du projet.
Cette attestation devra être jointe au dossier de demande de permis de construire ou d’aménager.
Deux exceptions sont toutefois prévues6 s’agissant de terrains situés en SIS :
- pour un permis d’aménager, dans le cadre d’une expropriation pour cause d’utilité publique, « dès lors que l’opération de lotissement a donné lieu à la publication d’une déclaration d’utilité publique » ;
- pour un permis de construire, « lorsque la construction projetée est située dans le périmètre d’un lotissement autorisé ayant fait l’objet d’une demande comportant une attestation ATTES. »
Ces deux types de projets sont dispensés de l’obligation de joindre l’attestation ATTES au dossier de demande d’autorisation.
Quelques précisions
1 L’article L. 556-1-A du code de l’environnement définit l’usage « comme la fonction ou la ou les activités ayant cours ou envisagées pour un terrain ou un ensemble de terrains donnés, le sol de ces terrains ou les constructions et installations qui y sont implantées. »
Les types d’usages doivent être définis par décret. Dans cette optique, un projet de décret « relatif à la définition des types d’usages dans la gestion des sites et sols pollués » a été soumis à consultation du public du 21 avril 2022 au 11 mai 2022. A ce jour, ce décret n’a pas été publié.
2 A cet égard, le décret du 1er octobre 2022 relatif à l’information des acquéreurs et des locataires renforce l’obligation d’information à compter du 1er janvier 2023.
3 A noter que l’article L. 514-20 du code de l’environnement ne prévoit pas explicitement cette obligation pour le bailleur, mais il n’y aurait guère de logique à l’en dispenser.
4 Point de vigilance: cette obligation ne concerne pas l’exploitation des ICPE soumises à déclaration. Il conviendra donc de vérifier, sur les bases de données publiques, qu’aucune ICPE de ce type n’a été exploitée sur le terrain d’assiette du projet.
5 Le code de l’environnement ne définit ni la démarche, ni les outils de gestion de la pollution des sols à mettre en œuvre. Ceux-ci relèvent de la méthodologie nationale de gestion des sites et sols pollués, établie par une circulaire du ministère de l’environnement en date du 19 avril 2017.
6 Article L. 556-2 du code de l’environnement.
Abréviations
ICPE : installation classée pour la protection de l’environnement
CASIAS : carte des anciens risques industriels
BASOL : Base de données des sites et sols pollués par les activités industrielles appelant une action des pouvoirs publics, à titre préventif ou curatif