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Instauration d’une taxation minimale de 20 % : quel impact sur les investissements visant à protéger le patrimoine immobilier historique (Malraux et Monuments Historiques) ?

Le projet de loi de finances pour 2025 comporte un nouveau dispositif fiscal destiné à assurer une imposition minimale de 20 % des plus hauts revenus : la Contribution Différentielle sur les Hauts Revenus (CDHR).

Bien que ses modalités d’application préservent partiellement les investissements visant à sauvegarder et rénover le patrimoine immobilier historique, cette nouvelle contribution les limitera inévitablement.

Ce bulletin traite du dispositif tel qu’il est contenu dans le projet de loi de finances pour 2025 présenté par le Gouvernement. En l’état, celui-ci est prévu pour s’appliquer jusqu’au 31 décembre 2026 mais pourrait être pérennisé à la faveur de la navette parlementaire.

Les contribuables concernés

Schématiquement, la CDHR a vocation à s’appliquer aux contribuables concernés par la CEHR, c’est-à-dire ceux dont le revenu fiscal de référence (RFR)  excède :

  • 250 000 € pour une personne célibataire ;
  • 500 000 € pour un couple pacsé ou marié.

Le RFR est constitué des revenus  :

  • Soumis au barème de l’impôt sur le revenu (toutes catégories) ;
  • Soumis à prélèvement forfaitaire, libératoire ou non (plus-values et revenus de capitaux mobiliers éligibles flat-tax, plus-values immobilières, etc.).

N.B. : Le RFR de la CDHR ferait l’objet de certains retraitements.

Taux d’imposition minimal de 20 %

La CDHR a vocation à établir, pour les contribuables concernés, une imposition globale minimale de 20 % de l’ensemble des revenus perçus au cours de l’année.

Concrètement la CDHR rehausse automatiquement à 20 % du RFR la totalité de l’impôt effectivement payé sur l’année (IR, CEHR, prélèvements) après application des réductions et crédits d’impôts.

Les contribuables dont une part substantielle des revenus est imposée au PFU (taux forfaitaire de 12,8  %) seront particulièrement impactés.

N.B. : Le texte prévoit un mécanisme de décote afin d’atténuer l’effet de seuil de la mesure.

Un impact dès 2024 pour les « déficits fonciers » et les « Monuments Historiques »

L’impact fiscal d’un investissement « déficit foncier » ou « monument historique » peut se trouver affaibli, inchangé ou amélioré par la réforme.

Les conséquences concrètes pour chaque contribuable sont susceptibles de varier en fonction de sa situation avant et après la prise en compte des conséquences fiscales de l’investissement (la CDHR répond à un calcul complexe lié à la composition du revenu du foyer).

Un impact à partir de 2025 pour les « Malraux » et les « Denormandie »

Les modalités de calcul de la CDHR au titre de la seule année 2024 prévoient que le montant de cette contribution serait calculé en retenant l’impôt dû avant imputation de certaines réductions d’impôt, dont notamment celles dites « Malraux » et « Denormandie » : celles-ci conserveraient donc leur plein effet au titre de cette année.

En revanche, à partir de 2025, le montant de la CDHR due sera calculé en retenant l’impôt réellement payé après application de ces mêmes réductions d’impôt : cette nouvelle contribution pourrait donc, en raison du niveau de revenu des contribuables concernés, priver ces dispositifs de tout ou partie de leurs effets alors même que leurs conditions d’application seraient respectées.

Conseil pratique pour les Malraux

Pour le Malraux, le texte précise que toutes les dépenses payées avant le 31 décembre 2024 ne seront pas concernées.

Il pourrait donc être opportun de ne pas retarder à 2025 le versement des dépenses éligibles.


Néanmoins, en l’état, le texte ne précise pas le sort du report de réduction d’impôt excédentaire éventuel à partir de 2025.

Étudier sa situation fiscale pour éviter de voir les effets fiscaux de l’investissement neutralisés à partir de 2025

Les contribuables concernés par la réforme devront donc faire étudier leur situation d’ensemble (et projetée) avant d’engager une dépense qui répondrait pourtant à un régime d’incitation fiscale souhaité par le législateur.

Pour toute précision et pour le calcul de l’impact de ce nouvel impôt :

cdhr@riviereavocats.com

Dans quelles conditions un contentieux fiscal peut-il basculer vers le pénal ?


En matière de fraude fiscale, la mise en mouvement de l’action publique a longtemps été subordonnée au dépôt d’une plainte préalable de l’administration fiscale, sur avis conforme de la Commission des infractions fiscales, saisie par le ministre chargé du Budget. On parle du « verrou de Bercy ».

Parce qu’il constituait une exception au monopole dont dispose en principe le parquet dans l’exercice des poursuites pénales, il a fait l’objet de nombreuses critiques. La loi fraude du 23 octobre 2018 a desserré le verrou pour les dossiers les plus graves, qui font désormais l’objet d’une dénonciation automatique au parquet.

Cette transmission automatique est-elle inévitable ? 

I. Les applications de la dénonciation automatique

Application matérielle

La loi fraude a mis en place un système de poursuites dit alternatif (article L. 228 du LPF) :

  1. Obligation de dénonciation au parquet des dossiers :
    • dont les droits sont supérieurs à 100 000 € (ou 50 000 € si le contribuable est soumis à la HATVP),
    • et ayant fait l’objet d’une majoration de 100 %, 80 % ou 40 % (cf. zoom ci-dessous).
  2. Maintien de l’ancien système de transmission (verrou de Bercy) pour les dossiers ne répondant pas à ces critères de gravité. Une plainte ne peut alors être déposée que sur avis conforme de la CIF.

Application temporelle

La transmission au parquet se fait au stade de l’avis de mise en recouvrement. À défaut d’abandon des pénalités précitées avant la mise en recouvrement, la transmission au parquet sera automatique.

II. Les exclusions de la dénonciation automatique

Le dépôt d’une déclaration rectificative spontanée acceptée par l’Administration

L‘article L. 228 du LPF prévoit que la dénonciation automatique n‘est pas applicable aux contribuables ayant déposé spontanément une déclaration rectificative.

Dans un arrêt du 23 mai 2024 (n°23-80.025), la chambre criminelle a estimé que cette exception devait être appréciée strictement :

  • Une déclaration rectificative spontanée rejetée par l’administration ne permet pas d’échapper à la dénonciation automatique ;
  • Il n’appartient pas au juge pénal d’apprécier la validité de ce rejet, qui relève du seul contrôle du juge de l’impôt.

Transaction ou règlement d’ensemble : quel impact ?

L’article L. 247 du LPF applicable avant 2018 interdisait à l’administration fiscale de transiger lorsqu’elle envisageait de mettre en mouvement l’action publique. La loi fraude a supprimé cette interdiction.

Transaction et dénonciation automatiqueRèglement d’ensemble et dénonciation automatique
Définition : La transaction fiscale vise à atténuer les pénalités encourues. En revanche, elle ne peut pas conduire à une réduction de l’impôt dû au principal.

Régime : L’article L. 228 du LPF énonce que lorsqu’une transaction est conclue avant la mise en recouvrement, l’application des majorations s’apprécie au stade des dernières conséquences financières portées à la connaissance du contribuable. Si les pénalités après transaction ne correspondent plus aux critères de la dénonciation automatique, l’administration est tout de même tenue de dénoncer les faits en fonction des pénalités initialement envisagées.

Une transaction n’a donc aucune incidence sur la transmission automatique au parquet.
Définition : Le règlement d’ensemble est un accord sui generis qui couvre tant le montant des bases notifiées que les pénalités envisagées.

Régime : L’article L. 228 du LPF ne prévoit aucunement l’incidence de la conclusion d’un règlement d’ensemble sur la dénonciation automatique au parquet. Lorsque le règlement intervient avant la mise en recouvrement, il pourra conduire à l’évitement de la dénonciation automatique dès lors que les pénalités résultant du règlement n’entrent pas dans les conditions de l’article L. 228 I du LPF, peu important à cet égard les pénalités initialement envisagées.

Un règlement d’ensemble peut donc avoir une incidence sur la transmission automatique au parquet.  

Zoom sur les majorations :

Les majorations évoquées à l’article L. 228 du LPF entraînant une dénonciation automatique recouvrent :

  • Soit la majoration de 100 % de l’article 1732 du CGI pour :
    • Obstacle au contrôle de l’impôt,
    • Opposition à fonction.
  • Soit la majoration de 80 % pour :
    • activité occulte,
    • abus de droit,
    • manœuvres frauduleuses,
    • manquement aux obligations de déclaration des comptes, contrats assurance-vie et trust à l’étranger,
    • libre disposition par un contribuable de biens ou sommes d’argent en lien avec certaines infractions pénales.
  • Soit la majoration de 40 % lorsque dans les 6 ans précédant son application, le contribuable a déjà fait l’objet des majorations précédentes pour :
    • les cas où la déclaration ou l’acte n’a pas été déposé dans les 30 jours suivant la réception d’une mise en demeure,
    • manquement délibéré,
    • abus de droit.

Abréviations :

  • CGI : Code général des impôts
  • CIF : Commission des infractions fiscales
  • HATVP : Haute autorité pour la transparence de la vie publique
  • LPF : Livre des procédures fiscales

Ont participé à ce bulletin :

Marie-Bénédicte Rivière-Pain | Avocat associé sénior

Lucas Thieurmel | Avocat

Manon de Saint-Léger | Docteur en Droit – Élève-avocat

A vos marques, prêts, accélérez les délais de recours contre les ICPE et les IOTA… depuis le 1er septembre 2024

Le décret n° 2024-423 du 10 mai 2024, publié au JORF du 11 mai 2024, porte adaptation de la procédure contentieuse relative aux ouvrages hydrauliques agricoles, aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) en matière d’élevage et aux autorisations environnementales. Comme son intitulé le suggère, il modifie les mesures procédurales relatives aux ouvrages hydrauliques agricoles, aux ICPE en matière d’élevage (I). Toutefois, il modifie aussi les dispositions du code de l’environnement relatives aux délais de recours contentieux de l’ensemble des ICPE et des installations, ouvrages, travaux et activités ayant une incidence sur l’eau et les milieux aquatiques (IOTA), sans restriction aux ouvrages hydrauliques et ICPE en matière d’élevage (II).

I. Une modification de la procédure contentieuse en matière d’ICPE d’élevage et d’ouvrages hydrauliques agricoles

Rationalisation des modalités procédurales

Le nouvel article R. 77-15-1 du CJA, institue une obligation de notification à l’auteur et au bénéficiaire de la décision par les tiers introduisant : 

  • un recours contentieux, à peine d’irrecevabilité ; 
  • un recours administratif, à peine de non-prorogation du délai de recours contentieux ;
  • un recours tendant à annuler ou réformer une décision juridictionnelle concernant un litige relatif aux ICPE d’élevage et aux ouvrages hydrauliques agricoles (art. R. 811-1-3 et 
    R. 811-1-4).  

Le décret instaure également la cristallisation automatique des moyens pour les litiges relatifs aux ICPE d’élevage et aux ouvrages hydrauliques, s’alignant ainsi avec le contentieux des permis de construire (art. R. 600-5 du code de l’urbanisme) et des autorisations environnementales en matière d’éolien (art. R. 611-7-2 du CJA). 

II. La réduction du délai de traitement des recours de toutes les ICPE et IOTA

Le décret réduit également le délai de recours des tiers de 4 à 2 mois s’agissant des installations soumises à autorisations environnementales
(art. R. 181-50 du code de l’environnement) ainsi que, plus généralement, pour toutes les ICPE et les IOTA (art. R. 514-3-1 du code de l’environnement).

Quelques précisions

Ce décret s’applique aux décisions administratives prises à compter du 1er septembre 2024.

Le recours gracieux proroge un nouveau délai de 2 mois (et non prolonge) pour tous les contentieux ICPE et IOTA visés par le décret.

Abréviations

CJA : code de justice administrative.

C. env. : code de l’environnement

ICPE : Installations classées pour la protection de l’environnement.

IOTA : installations, ouvrages, travaux et activités.