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Le jugement du tribunal administratif de Paris concernant le bail à construction conclu pour la réalisation de la Tour Triangle [1] pour une durée de 80 ans, projet de grande ampleur situé au parc des expositions de la porte de Versailles à Paris, offre l’occasion de revenir sur cet outil contractuel au service des personnes publiques. Le bail à construction engage le preneur à édifier des constructions sur le terrain du bailleur moyennant le versement d’un loyer. Instrument de droit privé, ce type de contrat peut être conclu par des personnes publiques (I.) ; mais les contours de son régime méritent alors d’être précisés, tant le bail à construction se rapproche des contrats soumis à des obligations de publicité et de mise en concurrence (II.).

I. La possibilité offerte aux personnes publiques de conclure des baux à construction sur leur domaine 

Sur leur domaine public

Le domaine public des personnes publiques fait l’objet d’une protection particulière par application des règles du droit public. C’est pourquoi un bail à construction, en tant qu’instrument du droit privé, ne peut pas s’envisager sur le domaine public.

Les personnes publiques peuvent toutefois y conclure des baux ayant un objet similaire (édifier des constructions et les conserver en bon état d'entretien pendant toute la durée de la convention), mais qui demeurent des contrats administratifs.

Le Conseil d’Etat a estimé que ces derniers contrats constituent des autorisations temporaires d’occupation du domaine public, constitutives de droits réels et soumises aux règles du CG3P et du CGCT [2].

Les règles spécifiques afférentes au domaine public doivent donc s’appliquer aux baux contractés sur celui-ci, quand bien même ils s’apparenteraient à des baux à construction, afin de « garantir l’utilisation du domaine public conformément à son affectation à l’utilité publique ».

Ainsi, notamment, ce type de bail ne pourra être conclu sur le domaine public pour une durée supérieure à 70 ans, en application des articles L. 1311-5 du CGCT [3] et L. 2122-6 du CG3P [4], et non pour 99 ans comme le prévoit le CCH.

Sur leur domaine privé

Si la conclusion sur le domaine public d’un contrat dont l’objet serait similaire à celui des baux à construction apparaît particulièrement contraignant, il en va différemment s’agissant de la conclusion de ce type de contrat sur le domaine privé des personnes publiques.

En effet, s’agissant de leur domaine privé, les personnes publiques sont soumises aux règles du droit privé.

Ainsi peuvent-elles sans difficulté conclure des baux à construction sous l’empire de l’article L. 251-1 du CCH. Ces baux constituent alors des contrats de droit privé.

Au cours de ce bail, le preneur doit maintenir les constructions en bon état et prendre en charge les réparations de toute nature. Il est par ailleurs tenu de toutes les charges, taxes et impôts.

Ce bail est conclu pour une durée comprise entre 18 et 99 ans. Lorsque le bail arrive à son terme, le bien revient, en principe, dans la propriété du bailleur.

En recourant à ce contrat, une personne publique permet à une personne privée de construire un immeuble, lequel reviendra dans son patrimoine à l’issue du bail. De ce fait, il constitue un instrument de valorisation extrêmement avantageux des dépendances du domaine privé des personnes publiques.

II. Les risques de soumission des baux à construction aux obligations de publicité et de mise en concurrence 

Code de la commande publique

Les articles L. 1111-1 et L. 1121-1 du CCP donnent une définition du marché public et du contrat de concession fondée notamment sur un critère s’attachant au rôle du pouvoir adjudicateur : soit celui-ci « poursuit la satisfaction de ses besoins », soit il « confie » à un tiers, avec une part de risque, l'exécution de travaux ou la gestion d'un service.

Il en résulte que, si le bail à construction se rapproche des contrats soumis au code de la commande publique, le juge ne procède pas à sa requalification dans l’hypothèse où le montage est issu d’une initiative exclusivement privée.

A titre d’exemple, s’agissant du bail à construction conclu afin de réaliser la Tour Triangle, le TA de Paris a examiné la qualification potentielle de marché public de travaux de l’opération, au regard du droit national et du droit de l’UE [5].

Il a ainsi vérifié que la ville de Paris n’avait pas eu d’influence déterminante sur la nature et la conception du projet et que sa réalisation ne répondait pas à un besoin de celle-ci, avant d’en déduire que le bail ne pouvait être requalifié, en l’espèce, en contrat de la commande publique.

Procédures de sélection sur le domaine

L’ordonnance du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques [6] a introduit à l’article L. 2122-1-1 du CG3P une obligation, pour l’autorité compétente, d’organiser « une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d’impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité (…) », lorsque celle-ci délivre des autorisations d’occupation du domaine public permettant son utilisation « en vue d’une exploitation économique ».

Si le bail à construction remplit les critères posés par le législateur, l’autorité compétente devra respecter les règles de publicité et de mise en concurrence.

En outre, une question se pose s’agissant de l’application de la jurisprudence PromoImpresa [7] de la CJUE au bail à construction conclu sur le domaine privé, laquelle soumet aux principes de transparence et de sélection préalable l’octroi de toute autorisation permettant l’exercice d’une activité économique.

Si le droit de l’UE n’opère pas de distinction selon la nature du domaine, position que le gouvernement partage [8], la jurisprudence devra se prononcer sur cette question afin de délimiter avec précision le champ du bail à construction conclu par les personnes publiques.

Quelques précisions

[1] TA Paris, 6 mai 2019, n° 1801863/ 4-2

[2] CE, 11 mai 2016, n° 390118, Rec. Leb.

[3] S’agissant du domaine public des collectivités territoriales

[4] S’agissant du domaine public de l’Etat

[5] TA Paris, préc.

[6] Ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques

[7] CJUE, 14 juillet 2016, Promoimpresa Srl et Mario Melis e.a., aff. n° C-458/14 et C-67/15

[8] Rép. Min. n° 12868, 29 janvier 2019

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