fermer menu

La cour administrative d’appel de Paris a fait une récente application de l’adage « fraus omnia corrumpit » (la fraude corrompt tout) en contentieux contractuel. Dans cet arrêt du 29 juillet 2016 (n° 15PA02427), la Cour a jugé que la prise en compte par le pouvoir adjudicateur d’informations mensongères transmises par un candidat attributaire du marché dans son mémoire technique constitue un vice d’une particulière gravité justifiant l’annulation du marché. Cet arrêt fournit également une occasion de rappeler l’étendue de l’obligation de contrôle des offres incombant au pouvoir adjudicateur.  

Le mensonge du candidat a un marché public : un vice d’une particulière gravite

Le mensonge de la société attributaire

En l’espèce, la ville de Paris avait lancé un appel d’offre ouvert tendant à l’attribution d’un marché à bon de commande relatif aux opérations d’enlèvement de la voie publique et de mise en fourrière des véhicules en stationnement illicite.

Si le marché avait été résilié par le tribunal en première instance au motif que des éléments d’appréciation n’avaient pas été portés à la connaissance des candidats, c’est sur le fondement de la fraude que la Cour a prononcé l’annulation du contrat.

En effet, dans son mémoire technique, l’attributaire du marché avait prétendu disposer de trois ateliers de réparation fixes à proximité de Paris… alors qu’il s’avérait que ce n’était pas le cas. 

Un vice d’une particulière gravité

Alors même que l’élément sur lequel la société attributaire avait fourni des informations mensongères ne tenait qu’une place résiduelle dans l’évaluation globale de son offre (seuls quatre points lui avaient été attribués à cet égard), la Cour a jugé que le marché était entaché d’un vice d’une particulière gravité.

Ainsi, quand bien même le mensonge de la société attributaire n’aurait pas eu une influence significative sur le choix final, le comportement déloyal vis-à-vis de la personne publique et des entreprises concurrentes suffit à disqualifier ce candidat.

Cette position rigoureuse du juge admi-nistratif n’est pas nouvelle et la jurispru-dence fournit quelques exemples similaires1

L’exigence de contrôle des offres par la personne publique

L’étendue de l’obligation du pouvoir adjudicateur

Le CE2 a récemment jugé que lorsque le pouvoir adjudicateur fixe un critère d’attribution technique précis, « il lui incom-be d’exiger la production de justificatifs lui permettant de vérifier l’exactitude des informations données par les candidats3 ».

La Haute juridiction ne va cependant pas jusqu’à imposer au pouvoir adjudicateur la vérification de l’authenticité des candida-tures, celles-ci devant être examinées sur la foi des informations fournies par les can-didats3.

Le fait de demander les justificatifs de la valeur technique des offres permet à la fois de s’assurer de la réelle capacité des candidats et de garantir l’égalité de la compétition.

 

L’efficacité du référé précontractuel pour sanctionner ce manquement

La prise en compte par le pouvoir adjudicateur de renseignements erronés relatifs aux capacités professionnelles, techniques et financières d’un candidat est susceptible de fausser l’appréciation portée sur les mérites de cette candidature au détriment des autres candidatures et, en conséquence, d’attenter au principe d’égalité de traitement entre les candidats.

Dans ces conditions, il est possible pour un requérant évincé de se prévaloir d’un tel vice, non seulement à l’occasion d’un recours en contestation de la validité du contrat, mais également devant le juge du référé précontractuelsur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative.

À noter

Dans un recours au fond en contestation de la validité du contrat, le mensonge de la société attributaire pourra entraîner l’annulation du contrat à condition que celle-ci ne porte pas une atteinte excessive à l’intérêt général.

Si le mensonge de la société attributaire est soulevé à l’occasion d’un référé précontractuel, il pourra conduire à l’annulation de la procédure de passation.

En dehors de la fraude du candidat, un vice ne sera pas considéré comme d’une particulière gravité s’il n’a entraîné aucune conséquence sur le choix des entreprises ou sur la dévolution du marché. 

L’offre de la société candidate qui ne produit pas la pièce exigée doit être regardée comme irrégulière et  éliminée par le pouvoir adjudicateur.

Abréviations & Compléments

*1 CAA Marseille, 28 septembre 2015, req. n° 14MA00612 ;

*2 Conseil d’Etat ;

*3 CE, 9 novembre 2015, req. n° 392785, Société Autocars de l’Ile de beauté ; CE, 22 juillet 2016, req. n° 396597 ;

*4 CE, 3 octobre 2012, req. n° 360952, Déménagements Le Gars.

[dkpdf-button]