La Société civile de construction-vente (SCCV) est une forme sociale incontournable dans les métiers de la promotion immobilière. Mais son régime juridique et fiscal hybride (la promotion immobilière étant juridiquement civile, mais fiscalement commerciale) rend son maniement délicat. Aussi les complexités inhérentes à la SCCV doivent-elles être appréhendées avec précaution, notamment lorsque les associés ont des objectifs différents, que ce soit en termes de gouvernance, de responsabilité ou de liquidité.
Retour sur les principales caractéristiques de la SCCV et sur les principaux moyens d’en sécuriser le fonctionnement.
Un régime fiscal favorable, mais encadré
Une société civile qui exerce une activité commerciale est imposable de plein droit à l’impôt sur les sociétés (article 8 du Code général des impôts). Mais la SCCV bénéficie d’un régime fiscal favorable : ses associés sont imposés directement sur la part du résultat leur revenant (article 239 ter du Code général de impôts), à l’instar des associés d’une société en nom collectif, à condition que la SCCV respecte plusieurs conditions :
- elle doit avoir pour objet social mais aussi pour activité effective la construction d’immeubles en vue de la revente. L’exercice d’autres activités est susceptible de remettre en cause le régime fiscal.
- Si l’exercice d’une activité de location nue n’entraîne généralement pas de risque de requalification, il peut en aller autrement si l’activité effective est commerciale (revente en l’état, location meublée…).
- A l’inverse, une société civile dont l’objet statutaire est l’acquisition et la gestion d’immeubles, mais qui réalise des opérations de promotion, relève de plein droit du régime spécial, sans possibilité d’option pour l’impôt sur les sociétés (CE, 13 octobre 2023 n° 446017), ce qui peut s’avérer très défavorable si les associés sont des personnes physiques.
- les statuts de la société doivent prévoir la responsabilité indéfinie des associés en ce qui concerne le passif social.
- En revanche, des garanties spécifiques ou des limites aux engagements d’un associé peuvent être aménagées dans un acte extrastatutaire
La responsabilité renforcée des associés
1- L’obligation aux dettes
A l’instar des associés d’une société civile, les associés de SCCV répondent du passif social sur leur patrimoine personnel à proportion de leurs droits sociaux (il est donc déconseillé aux personnes physiques de participer à une SCCV).
Mais cette obligation est renforcée, sur le modèle des sociétés en nom collectif :
- Les associés sont responsables des dettes sociales à proportion de la participation qu’ils détiennent à la date de la naissance de la dette sociale, et non à la date de son exigibilité (Civ. 3e, 6 juillet 2023, n° 21-20.620). Cette différence est sensible pour l’associé qui entre ou sort du capital alors que l’opération de construction est en cours.
- Les créanciers de la société peuvent poursuivre les associés après une simple mise en demeure adressée à la société restée infructueuse (et non après avoir vainement poursuivi la société)/
- Le pacte d’associés peut mettre en place des mécanismes permettant d’anticiper les éventuelles difficultés et leurs conséquences.
2- La contribution aux charges de construction
Contrairement au droit commun, la loi prévoit que le gérant peut appeler auprès des associés les fonds nécessaires à l’accomplissement de l’objet social à proportion des droits de chacun (art. L. 211-3 du CCH).
- Cet apport de fonds peut être réalisé, au choix de la gérance, sous forme, soit d’augmentation de capital, soit d’apport en compte courant d’associé.
- La jurisprudence a restreint le champ d’application des appels de fonds aux seules sommes nécessaires à l’exécution de contrats de VEFA déjà conclus ou à l’achèvement de programmes dont la réalisation, déjà commencée, n’est pas susceptible de division. A l’inverse, il ne peut être procédé à des appels de fonds qui ne seraient pas nécessaires à l’achèvement d’une construction (visant, par exemple, à l’apurement de dettes de la société).
Les associés sont tenus d’y répondre. A défaut, ses parts sociales sont mises aux enchères publiques.
- Le pacte d’associés peut cependant créer des mécanismes (garanties, sortie forcée) permettant d’éviter que les parts de l’associé défaillant ne soient ainsi vendues aux enchères.
Illustrations : deux situations particulières
1- SCCV et bailleurs sociaux
La loi ALUR, puis la loi ELAN, ont offert la possibilité aux bailleurs sociaux (offices publics, SA ou coopératives d’HLM) d’acquérir, « à due concurrence de leurs apports », des logements auprès d’une SCCV (art. L. 421-1 du CCH), à condition, notamment :
- que la SCCV réalise au moins 25% de logements locatifs conventionnés (PLS, PLUS, PLAI) ou en accession sociale,
- qu’elle soit constituée pour une durée n’excédant pas dix ans.
Ce régime permet d’associer pleinement le promoteur et le bailleur social à la maîtrise d’ouvrage et la réalisation de l’opération et d’en améliorer le financement.
Dans certaines circonstances, les règles de la commande publique peuvent cependant s’appliquer.
2- SCCV ou SNC ?
Contrairement à la SCCV, dont le régime fiscal de faveur est encadré (cf. ci-contre), la SNC est fiscalement translucide, quelles que soient ses activités.
En cas de réalisation d’opérations mixtes, ou de doute sur la nature précise de l’opération à venir, le recours à la SNC plutôt qu’à la SCCV permettra de conserver le bénéfice de la translucidité fiscale, sans encourir le risque d’une imposition à l’impôt sur les sociétés.