Loi ELAN : retour sur les changements en matière de contentieux de l’urbanisme
Intégrant la quasi-totalité des propositions formulées par le rapport Maugüé de janvier 2018 (cf. notre bulletin) et complétant le décret n° 2018-617 du 17 juillet 2018 (cf. notre bulletin), la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi « ELAN », a une nouvelle fois modifié le régime du contentieux de l’urbanisme. Elle s’inscrit ainsi dans le processus visant à accélérer les procédures dirigées contre les autorisations délivrées et participe à l’objectif clairement affiché de « construire plus, mieux et moins cher ».
I. Procédures visant à atténuer le caractère dilatoire du contentieux de l’urbanisme
Restriction des conditions de recevabilité des requêtes
– Alors qu’aucune condition de délai n’était auparavant exigée, le nouvel article L. 600-1-1 vient encore réduire le risque de constitution d’associations dans l’unique but de contester un projet immobilier en conditionnant leur recevabilité à agir au dépôt de leurs statuts en préfecture un an avant la date d’affichage de la demande de permis de construire en mairie.
– L’article L. 600-1-2 restreignant les conditions d’intérêt à agir des tiers a été précisé. En privilégiant la notion de « projet autorisé » (en lieu et place de celle -moins adéquate- de « travaux ») susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de leur bien, la loi ELAN étend le champ de cette restriction à toute décision d’occuper le sol, y compris à l’ensemble des déclarations préalables 1.
– Surtout, une éventuelle requête en référé-suspension devra désormais être déposée, sous peine d’irrecevabilité, antérieurement au prononcé de l’ordonnance de cristallisation des moyens intervenant à l’issue d’un délai de 2 mois après communication du 1er mémoire en défense (cf. notre bulletin)(L. 600-3 C.U.).
– A cet égard, la condition d’urgence du référé suspension exercé à l’encontre d’une autorisation délivrée est désormais présumée satisfaite.
Régularisation des autorisations d’urbanisme : un office du juge renforcé
-Les articles L.600-5 et L.600-5-1 permettant au juge, respectivement, de prononcer l’annulation partielle ou de surseoir à statuer afin d’ouvrir la voie à une régularisation d’une autorisation d’urbanisme sont désormais applicables aux déclarations préalables.
– Ces mécanismes de régularisation ne sont plus circonscrits au champ d’application des P.C.M., mais à des « mesures de régularisation »2.
– Tenant compte de la jurisprudence du Conseil d’Etat, ces dispositifs de régularisation sont maintenant applicables aux constructions achevées 3.
– Ces mécanismes de régularisation semblent désormais s’imposer au juge administratif lorsque l’ensemble de leurs conditions d’application s’avèrent remplies. D’ailleurs, en cas de refus, le juge administratif devra motiver sa décision.
– Enfin, l’article L. 600-5-2 prévoit que lorsqu’un P.C.M. est délivré au cours de l’instance ouverte contre le P.C. initial, la légalité de cet acte ne peut être contestée par les parties que dans le cadre de cette même instance.
II. Autres apports
Libéralisation des recours en riposte et encadrement des transactions
– Les conditions relatives au recours en riposte contre les recours abusifs ont été assouplies en n’exigeant plus du bénéficiaire qu’il démontre le caractère « excessif » de son préjudice et en supprimant la présomption d’intérêt légitime des associations à attaquer les autorisations délivrées (art. L. 600-7 CU).
– Par ailleurs, la loi ELAN a restreint la possibilité pour une association d’effectuer une transaction financière à la seule préservation de ses biens matériels (L. 600-8 CU).
– L’obligation d’enregistrement des transactions a été étendue à celles réalisées avant l’engagement d’une procédure contentieuse (L. 600-8 CU).
– La contrepartie prévue par une transaction non enregistrée dans le délai d’un mois est réputée sans cause. Les sommes versées ou celles qui correspondent au coût des avantages consentis sont sujettes à répétition (L. 600-8 CU).
Action en démolition du préfet contre une autorisation annulée
Le préfet a désormais la possibilité d’exercer une action civile en démolition contre une autorisation d’urbanisme dès lors que deux conditions sont réunies :
-l’autorisation litigieuse devra avoir été annulée par le juge administratif ;
-le préfet devra avoir préalablement fait usage de son pouvoir de déféré préfectoral.
Elargissant considérablement les pouvoirs du préfet, la loi ELAN précise que cette faculté lui est offerte sans qu’il soit contraint par les dispositions prévues au 1° de l’article L. 480-13 du C.U. qui conditionnent la recevabilité d’une action en démolition à la construction de bâtiments dans des zones particulières (cf. notre bulletin).