Le développement des installations de production d’énergies renouvelables pose régulièrement la question de la nécessité d’obtenir une dérogation à l’interdiction de destruction, de capture ou d’enlèvement, de perturbation intentionnelle des espèces protégées ainsi que de destruction, d’altération ou de dégradation de leurs habitats, visée à l’article L. 411-2, 4° du code de l’environnement. Son octroi est soumis à trois conditions parmi lesquelles figure la circonstance que le projet réponde à une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM). Entre le 30 octobre et le 24 novembre 2023, le ministère de la transition énergétique a ouvert à la consultation du public deux projets de décrets, dont la publication interviendra vraisemblablement début 2024, visant à identifier les installations de production d’énergies renouvelables (I.) ainsi que les installations de production hydroélectrique (II.) qui sont réputées répondre à une telle définition.
I. Le projet de décret relatif aux installations de production d’énergies renouvelables
Les seuils applicables aux installations de production d’électricité à partir d’énergie solaire
Le premier projet de décret dispose que les projets de production d’électricité à partir d’énergie solaire sont réputés répondre à une RIIPM lorsque deux conditions cumulatives sont remplies.
En premier lieu, la puissance de l’installation doit être supérieure au seuil fixé par le décret :
• en ce qui concerne une installation de production d’électricité d’origine photovoltaïque, la puissance prévisionnelle doit être supérieure ou égale à
2,5 MWc sur le territoire métropolitain et supérieure ou égale à 1 MWc dans les ZNI ;
• en ce qui concerne une installation de production d’énergie solaire thermique, la puissance prévisionnelle doit être supérieure ou égale à
2,5 MW sur le territoire métropolitain et supérieure ou égale à 1 MW dans les ZNI.
En deuxième lieu, la puissance totale du parc raccordée au territoire métropolitain continental ou au territoire de la ZNI considérée, à la date de demande de la dérogation, doit être inférieure à l’objectif maximal de puissance défini dans la PPE.
Les seuils applicables aux éoliennes terrestres et aux unités de méthanisation
Le projet de décret détermine également les conditions cumulatives applicables aux éoliennes terrestres et aux unités de méthanisation.
Outre la condition relative à la non-atteinte des objectifs maximaux de puissance dans le territoire considéré, au titre de la PPE, pour chaque type d’installation et pour chaque type de territoire, les seuils applicables sont les suivants :
• la puissance prévisionnelle de l’installation de production d’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent doit être supérieure ou égale à 9 MW sur le territoire métropolitain et supérieure ou égale à 7 MW dans les ZNI.
Compte tenu de leur puissance, les projets éoliens offshore bénéficieront de la présomption de RIIPM.
• la puissance annuelle prévisionnelle de l’installation de production de biogaz à l’issue un processus de méthanisation doit être supérieure ou égale à
12 GWh/PCS/an sur le territoire métropolitain et dans les ZNI.
II. Le projet de décret relatif aux installations de production hydroélectrique
Les seuils applicables aux installations de production hydroélectrique
A l’instar des installations visées ci-dessus, deux conditions cumulatives sont requises pour qu’un projet d’installation de production hydroélectrique soit réputé répondre à une RIIPM, à savoir :
• la puissance prévisionnelle de l’installation doit être supérieure à 3 MW pour une installation située sur le territoire métropolitain continental et supérieure à 1 MW pour les installations situées dans les ZNI ;
• la puissance totale du parc hydroélectrique raccordé au territoire métropolitain continental ou au territoire de la ZNI considérée doit être inférieure à l’objectif maximal de puissance défini dans la PPE.
Les installations exclues du bénéfice de la présomption de RIIPM
Ces seuils ne s’appliquent toutefois pas aux hydroliennes fluviales ni aux installations de production d’électricité à partir d’énergie osmotique, la PPE ne prévoyant pas d’objectifs spécifiques y afférents.
Ils ne s’appliquent pas davantage aux installations hydroélectriques situées sur les cours d’eau, parties de cours d’eau ou canaux sur lesquels aucune autorisation générant un nouvel obstacle à la continuité écologique ne peut être octroyée.
Ainsi, ces installations ne sont pas réputées répondre à une RIIPM. En pratique, il reviendra au pétitionnaire de justifier, dans sa demande de dérogation « espèces protégées », en quoi son installation répond à une RIIPM au regard de sa contribution à la lutte contre le réchauffement climatique et à la sécurité d’approvisionnement en énergie.
Quelques précisions
1. Le bénéfice de la présomption de RIIPM ne dispense pas les projets concernés de remplir les deux autres conditions cumulatives, non moins exigeantes, à savoir :
• l’absence de solution alternative satisfaisante ;
• le fait que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.
2. Les syndicats et associations de professionnels du secteur ont exprimé des réserves quant aux seuils fixés par les projets de décrets, au motif que ceux-ci excluent les plus petits projets du bénéfice de la RIIPM.
En effet, en instaurant des seuils au-delà desquels les projets sont présumés répondre à une RIIPM, les projets de décrets contraignent les développeurs des plus petits projets à démontrer qu’ils répondent à une telle condition. Or pour ces installations de puissances moins importantes, il peut s’avérer délicat d’établir leur intérêt pour la lutte contre le réchauffement climatique ou pour la sécurité d’approvisionnement.
A l’occasion de la consultation publique, le SER a demandé que (i) les projets bénéficient de la RIIPM, sans condition de puissance, tant que les objectifs définis dans la PPE ne sont pas atteints et que (ii) le seuil soit abaissé à 3 MW pour l’éolien terrestre.
Abréviations
PPE : programmation pluriannuelle de l’énergie fixée par décret
RIIPM : raison impérative d’intérêt public majeur
SER : syndicat des énergies renouvelables
ZNI : zones non-interconnectées (Corse, Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte, La Réunion, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis et Futuna)