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Revenus exceptionnels et déficit global : la réforme du quotient

Si l’impôt sur le revenu est fondé, notamment, sur le principe d’annualité, le Code général des impôts prévoit (article 163-0 A) un mécanisme spécifique d’imposition des revenus exceptionnels ou différés, communément appelé système du quotient. Ce mécanisme permet de limiter les effets de la progressivité de l’impôt en « lissant » l’imposition des revenus exceptionnels ou différés.

Néanmoins, la question s’était posée de l’application de ce mécanisme en présence, avant revenus exceptionnels, d’un revenu ordinaire déficitaire. Ajoutant à la loi, l’administration fiscale avait adopté une interprétation défavorable au contribuable, que le Conseil d’Etat avait jugée illégale. Mais la loi de finances pour 2022 est venue donner force de loi à l’ancienne interprétation administrative, moins avantageuse.

LES INCERTITUDES SUR LA PRISE EN CONSIDÉRATION DU DÉFICIT GLOBAL

Le système du quotient consiste, après avoir calculé l’impôt sur les revenus ordinaires, à calculer l’impôt correspondant au revenu exceptionnel en ajoutant au revenu ordinaire le quart du revenu exceptionnel, puis en multipliant par quatre le supplément d’impôt ainsi obtenu (le coefficient étant différent s’agissant des revenus différés). Ce résultat est ensuite ajouté à l’impôt sur les revenus ordinaires.

Une incertitude était apparue dans le cas où le contribuable présente un revenu ordinaire déficitaire (déficit global) (notamment en cas d’investissement en monument historique) tout en ayant un revenu exceptionnel.

Alors que l’article 163-0 A du Code général des impôts ne prévoyait pas de modalités spécifiques en cas de déficit global, le BOFIP précisait quant à lui que « lorsque le revenu « ordinaire » est constitué par un déficit, celui-ci s’impute sur le montant du revenu exceptionnel avant l’application du système du quotient » (BOI-IR-LIQ-20-30-20).

Le Conseil d’Etat avait, au contraire, jugé qu’il n’y avait pas lieu de déroger à l’art 163-0 A du CGI : le quart du revenu exceptionnel devait s’ajouter au déficit global pour calculer le supplément d’impôt (CE, 9e et 10e chambres réunies, 28 septembre 2016, n° 284465).

Mais la loi de finances pour 2022 a complété l’article 163-0 A du Code général des impôts par la phrase suivante : « le revenu exceptionnel net s’entend après imputation, le cas échéant, du déficit constaté dans la même catégorie de revenu, du déficit global ou du revenu net global négatif » (Loi 2021-1900 du 30 décembre 2021, article 6).

QUE CHANGE CETTE RÉFORME CONCRÈTEMENT ?

Prenons, en le simplifiant, le cas d’un contribuable disposant d’un déficit ordinaire de 30 000 € et d’un revenu exceptionnel de 100 000 €.

Selon l’ancienne méthode

Pas d’impôt sur les revenus ordinaires puisque le contribuable présente un déficit global. 

Le quotient est égal au quart du revenu exceptionnel, soit 25 000 €. 

La somme du quotient et du déficit global est égale à – 5 000 €, donc négative, soit un impôt nul. 

Impôt dû : 0 + (4 x 0) = 0.
Selon la nouvelle méthode 

Pas d’impôt sur les revenus ordinaires puisque le contribuable présente un déficit global. 

Le quotient est égal au quart de la différence entre le revenu exceptionnel et le déficit global, soit 17 500 €. 

Le déficit global n’est plus pris en compte au stade du calcul de l’impôt sur le revenu exceptionnel, ce qui donne donc un impôt sur le quotient de 800, que l’on multiplie par 4. 

Impôt dû : 0 + (4 x 800) = 3200 €.

En présence d’un revenu ordinaire déficitaire, la nouvelle règle est donc moins favorable que l’ancienne. En revanche, si le revenu ordinaire reste positif, elle ne trouvera pas à s’appliquer.

Un investissement en monument historique garde toute sa pertinence en cas de revenu exceptionnel, mais la stratégie devra être adaptée aux nouveaux textes.

Qu’est-ce qu’un revenu exceptionnel ou différé

Est considéré comme exceptionnel un revenu :

  • qui n’est pas susceptible d’être recueilli annuellement : plus-value de cession, distribution de réserves (en cas d’option pour l’imposition au barème), indemnité de pas-de-porte…
  • et dont le montant dépasse la moyenne des revenus nets soumis à l’impôt au titre des trois dernières années.

Par dérogation, l’article 163-0 A du CGI prévoit que certains revenus sont exceptionnels même si cette seconde condition n’est pas remplie.

Est considéré comme différé le revenu dont le contribuable, par suite de circonstances indépendantes de sa volonté, a eu la disposition au cours d’une année, mais qui, par sa date normale d’échéance, se rapporte à une ou plusieurs années antérieures.

Comment bénéficier du système du quotient ?

Ce système n’est pas automatique, mais est une faculté offerte au contribuable.

L’option doit être mentionnée expressément sur la déclaration n° 2042. Selon les cas, certains renseignements doivent être joints à la déclaration (bénéficiaire au sein du foyer fiscal, nature du revenu…).

Attention, ce mécanisme n’a pas d’incidence sur l’assiette de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR), pour laquelle existe un mécanisme de lissage spécifique.

Application de la TVA sur la marge L’administration ajoute une condition illégale pour les reventes de terrain à bâtir : une position contestable selon nous

La doctrine administrative conditionne le bénéfice du régime de la TVA sur la marge prévu à l’article 268 du CGI à une identité de qualification entre le bien acquis et celui revendu.
L’administration fiscale se fonde sur une condition doctrinale non prévue par la loi pour redresser les professionnels de l’immobilier qui entendent appliquer ce régime.


LE CONTEXTE

 

Le régime légal 

Les cessions de terrains à bâtir (TAB) entrent dans le champ d’application de la TVA.

Le principe est la taxation sur le prix total (article 257 du CGI).

Le régime de taxation sur la marge sur option est prévu à l’article 268 du CGI pour les reventes d’immeubles bâtis ou TAB dont l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction (en cas d’acquisition auprès d’un particulier non assujetti par exemple).

La base d’imposition à la TVA est alors constituée par la différence entre le prix de revente (HT) et le prix d’achat (HT) du terrain à bâtir.


La problématique

  • Un marchand de biens (MDB) par exemple :
  • acquiert auprès d’un particulier un ensemble immobilier (immeuble bâti doté d’un terrain constructible) ; 
  • procède à une division parcellaire ;
  • revend indépendamment l’immeuble bâti du terrain à bâtir.

S’agissant de la revente du TAB, l’opération d’acquisition n’ayant pas ouvert droit à déduction, le MDB opte pour la TVA sur la marge prévue par la loi et reverse ainsi une TVA moindre.

Cette application stricte de la loi est aujourd’hui remise en cause par l’administration fiscale au motif que le MDB a acquis un immeuble bâti et revendu un TAB


LA POSITION DU FISC

 

Une doctrine qui ajoute à la loi

L’administration fiscale fonde ses redressements sur la doctrine administrative qui considère que pour bénéficier du régime de taxation sur la marge, les biens (TAB ou immeuble bâti) doivent être acquis et revendus sous la même qualification 

Pour ce faire, elle requiert, dans l’acte d’acquisition, une ventilation du prix afin de détacher le prix du bâti du prix du TAB et exige, contre toute attente, une division cadastrale préalable à l’acquisition ! 

 

Un avenir limité

Cette condition d’identité de qualification fiscale requise par l’administration fiscale est contestable à plusieurs égards:

  • Elle n’est pas prévue par la loi ;
  • Elle est également non prévue par la directive TVA et doit donc être considérée comme non conforme aux règles communautaires ;
  • Elle ressort exclusivement de la doctrine.
  • L’administration ne peut fonder ses redressements sur une doctrine qui ajoute à la loi.

A noter

Deux questions écrites sur cette problématique ont été posées au Ministre des Finances et des Comptes Publics, restées sans réponse à ce jour. 

 

Que faire ?

En attendant une réponse ministérielle ou que le juge statue sur cette question, deux possibilités s’offrent aux professionnels qui réalisent des cessions de TAB issus de divisions d’ensembles immobiliers :

  • Poursuivre en l’état avec le risque d’un contentieux: 

Continuer d’appliquer le régime de la TVA sur la marge tel que prévu par la loi et en cas de rectifications, contester pour doctrine illégale.

  • Opter pour une division parcellaire préalable à toute acquisition : 

Solution très contestable selon nous : elle comporte un inconvénient économique majeur (en terme de plus-value : le particulier vendeur ne pourra plus, bénéficier, pour l’ensemble, de l’exonération en cas de cession de sa résidence principale : la cession du TAB sera soumise à plus-value).

Néanmoins, nous conseillons d’y recourir en cas de détention trentenaire de l’immeuble avec son terrain (dans ce cas, exonération totale pour durée de détention).

Régime de la TVA sur la marge sur les terrains à bâtir : les juridictions du fond renvoient l’administation fiscale dans les cordes !

Comme rappelé dans notre précédent bulletin sur le sujet (cf. Bulletin du 21/07/2016), l’administration fiscale a adopté une position qui ajoute à la loi pour restreindre l’application du régime de la TVA sur la marge tel que prévu par l’article 268 du CGI.


Pourtant, les juridictions du fond sont venues rappeler que l’application de la TVA sur la marge aux livraisons d’immeubles anciens bâtis et terrains à bâtir (« TAB ») est conditionnée au seul fait que l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction de la TVA. Pour les actes passés avec TVA sur le prix total une réclamation peut être envisagée.


RAPPEL DU CONTEXTE


La loi

Les règles applicables: 

  • Les immeubles anciens bâtis (+ de 5 ans) sont en principe exonérés de TVA (art. 261 5-1° du CGI) ) sauf option (art. 260 5e bis du CGI);
  • Les terrains à bâtir vendu par un assujetti (ex. : marchand de biens) sont en principe assujettis à la TVA sur le prix total (art. 257-I-2. du CGI).

Mais dans ces deux hypothèses, il est possible d’opter pour la TVA sur la marge (art. 268 du CGI).

Cet article prévoit toutefois que ce régime n’est applicable que lorsque l’acquisition initiale par le cédant n’a pas ouvert de droit à déduction (ex. : en cas d’acquisition auprès d’un particulier non assujetti ou d’acquisition exonérée). 

La base d’imposition à la TVA est égale à la différence entre le prix de revente et le prix d’achat.

La position de l’administration fiscale

La doctrine administrative considère que l’application du régime de la TVA sur marge serait également subordonnée à une condition d’identité entre le bien acquis et revendu.

Aux termes de quatre réponses ministérielles datant de 2016, l’administration précise que le régime de faveur ne peut s’appliquer que si les immeubles anciens bâtis et les « TAB » n’ont pas subi de changement quant à leur qualification juridique et leurs caractéristiques physiques entre l’achat et la revente.

Tel n’est pas le cas, selon elle, dans le cas d’un lot revendu comme « TAB » acquis comme terrain d’assiette d’un immeuble bâti ou en cas de division parcellaire intervenue entre l’achat et la revente entraînant de tels changements (ex. : modification des surfaces vendues).

Cette position a été assouplie récemment (cf. encadré) mais ajoute toujours à la loi.

REMISE EN CAUSE DE LA POSITION DE L’ADMINISTRATION


Désaveu de la doctrine fiscale par les juridictions du fond


L’administration a été désavouée par les juridictions du fond :

  • La CAA de Lyon a jugé, les 20 décembre 20187 mai25 juin et 27 août 2019, que « la circonstance que les caractéristiques physiques et la qualification juridique du bien ont été modifiées avant la cession est sans incidence sur l’application du régime de la TVA sur marge » ;
  • La CAA de Marseille dans un arrêt du 12 avril 2019 a également précisé qu’ « il ne résulte pas de dispositions précédemment citées (art. 268 du CGI), qui sont claires, que cette division ferait obstacle à l’application de ce régime (TVA sur la marge) ou que celle-ci serait réservée, en cas de revente de TAB aux achats de biens constitués exclusivement de tels terrains ».


Que faire suite à ce désaveu ?


La CAA de Lyon a pris soin de rappeler dans ses quatre arrêts que la doctrine administrative « ne saurait légalement fonder une imposition ».
En attendant la validation du Conseil d’Etat, les professionnels de l’immobilier, qui réalisent des cessions de « TAB » issus de divisions d’ensembles immobiliers peuvent poursuivre leurs opérations en appliquant le régime de la TVA sur la marge.


En cas de rectifications pour défaut d’identité juridique entre le bien acquis et le bien revendu (terrain d’assiette revendu comme « TAB »), les professionnels peuvent contester la position de l’administration pour doctrine illégale, en ce que celle-ci rajoute à la loi (sur ce point, voir nos précédents bulletins : ici et ici).


Une demande de restitution de la TVA acquittée à tort sur le prix total peut également être envisagée dans le délai général de réclamation (31/12 N+2).Une telle réclamation devrait être soumise à un acte rectificatif.

Assouplissement (partiel !) de la position de l’administration


Par une réponse ministérielle du 17 mai 2018, le gouvernement est revenu partiellement sur sa doctrine fiscale, précisant que « il est admis, y compris pour les opérations en cours, dans le cas de l’acquisition d’un terrain ou d’un immeuble répondant aux conditions de l’article 268 du CGI qui n’a pas ouvert droit à déduction par un lotisseur ou un aménageur qui procède ensuite à sa division en vue de la revente en plusieurs lots, que ces ventes puissent bénéficier du régime de la marge dès lors que seule la condition d’identité juridique est respectée ».


Désormais, le régime de la TVA sur la marge s’applique même si les caractéristiques physiques du bien sont modifiées (notamment par division parcellaire) entre son acquisition et sa cession.


Concrètement, cela signifie qu’un « TAB » acquis en tant que tel et revendu en plusieurs « TAB » après division serait éligible à la TVA sur marge. En revanche, un terrain d’assiette revendu comme TAB ne le serait pas.
RM Vogel, 17 mai 2018, n°04171


Cette position vient d’être confirmée dans une nouvelle réponse ministérielle.
RM Falorni, 24 septembre 2019, n°1835

Cession de titres : faut-il opter pour l’imposition de la plus-value au barème de l’IR ?

La loi de finances pour 2018 (2017-1837 du 30 décembre 2017) a simplifié la fiscalité financière des particuliers en créant le Prélèvement Forfaitaire Unique. Inspiré du principe de la « Flat Tax » (impôt proportionnel), ce prélèvement (12,8%, auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux à hauteur de 17,2%) s’applique tant aux revenus distribués (dividendes, intérêts) qu’aux plus-values sur titres de capital (actions ou parts sociales).

Néanmoins, pour tous les revenus entrant dans le champ d’application du PFU, le texte prévoit la possibilité d’opter pour l’imposition au barème de l’impôt sur le revenu. Dans certains cas, cette option peut se révéler particulièrement pertinente, notamment grâce à l’application d’abattements pour durée de détention pour les titres acquis avant 2018. 


Une option, des avantages

La loi de finances pour 2018 donne au contribuable domicilié en France qui percevrait un revenu entrant dans le champ du PFU, la possibilité d’opter pour l’imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu (voir 1° ci-contre).

S’agissant des plus-values, cette option présente plusieurs avantages :

  • l’application des règles du quotient familial,
  • la déduction du revenu imposable d’une partie de la CSG, à hauteur de 6,8% (la CSG n’étant pas déductible en cas d’application du PFU),
  • l’application des abattements pour durée de détention,
  • la possibilité de bénéficier du quotient (voir 2° ci-contre).

Les abattements pour durée de détention

Les titres acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2018 peuvent bénéficier d’abattements déterminés selon la durée de détention des titres.

L’abattement simple est applicable aux plus-values réalisées à l’occasion de tous les titres de capital, qu’ils aient été détenus en pleine propriété ou non. Il n’est soumis à aucune condition autre que la date d’acquisition des titres.

Il est égal à 50% du montant de la plus-value si les titres ont été détenus entre deux et huit ans et à 65% du montant de la plus-value si les titres ont été détenus plus de huit ans.

L’abattement renforcé est soumis à un certain nombre de conditions.

Il est égal à :
50% lorsque les titres ont été détenus entre un et quatre ans,
65% lorsque les titres ont été détenus entre quatre et huit ans,
85% lorsque les titres ont été détenus plus de huit ans.

Conditions de l’abattement renforcé

Le législateur a prévu un abattement renforcé pour les sociétés ayant une activité opérationnelle et respectant les conditions suivantes :

  • la société doit être une PME au sens du droit communautaire (plafond de 250 salariés, 50 millions d’euros de chiffre d’affaires, 43 millions d’euros de total du bilan),
  • elle doit avoir été créée depuis moins de 10 ans à la date de souscription ou d’acquisition des titres par le cédant,
  • elle ne doit délivrer aucune garantie en capital,
  • elle exerce une activité commerciale, industrielle, artisanale ou agricole, ce qui exclut l’activité de gestion de son propre patrimoine financier ou immobilier.
  • Les activités de promotion immobilière et de marchand de biens sont considérées comme commerciales.

En revanche, la location d’immeuble en meublé n’est pas éligible.

Un arbitrage a mener au cas par cas

L’arbitrage doit se faire en prenant en compte la globalité de l’option et au regard des régimes de faveur applicables en cas d’option. L’application de l’abattement de 85% se révèle souvent plus intéressante que le PFU.

D’autres régimes de faveur sont susceptibles d’être appliqués, notamment l’exonération des plus-values de cession de titres réalisées par le dirigeant à l’occasion de son départ en retraite, l’apport-cession suivi d’un réinvestissement économique (qui fera l’objet d’un prochain bulletin) ou le système du quotient (ci-contre).

De surcroît, l’impôt résiduel peut être réduit par certains investissements venant diminuer le revenu global imposable (monuments historiques notamment).

Il conviendra donc, au cas par cas, d’analyser soigneusement les conséquences fiscales des différentes options ouvertes.


1° Une option globale et irrévocable

L’option est exercée lors de la souscription de la déclaration des revenus n° 2042 (case 20P).

Elle concerne l’ensemble des revenus de l’année entrant dans le champ d’application du PFU et est irrévocable.

Il convient donc de prendre en compte l’ensemble de ses revenus, et pas seulement la plus-value de cession, pour mesurer l’impact de l’option pour le barème, et le cas échéant, ne pas hésiter à répartir les opérations sur plusieurs années fiscales.


2° Combiner l’option pour le barème et le quotient

Lorsqu’une personne cède sa société, le prix de cession constitue un revenu exceptionnel (qui n’est pas susceptible d’être recueilli annuellement).

En cas d’option pour l’imposition de la plus-value au barème progressif, le contribuable pourra solliciter l’application du système du quotient.

Ce mécanisme permet de lisser la progressivité de l’impôt :

  • en calculant d’abord l’impôt sur les revenus ordinaires,
  • puis en calculant l’impôt sur les revenus ordinaires augmentés d’un quart du revenu exceptionnel,
  • enfin en ajoutant à l’impôt ordinaire un montant égal à quatre fois la différence entre ce dernier et l’impôt sur le quart du revenu extraordinaire.

Projets immobiliers & évaluations environnementales : comment composer au mieux avec l’état du droit

Retour sur deux ans d’évolution des procédures d’études d’impact qui renouvellent le logiciel de gestion des enjeux environnementaux dans les projets immobiliers et qui contraignent le porteur de projet à intégrer systématiquement cette problématique désormais incontournable dans l’élaboration d’une opération immobilière. Deux conseils : anticiper la nécessité de réaliser une évaluation environnementale (I.) et rester vigilant quant aux enjeux environnementaux lorsqu’il s’agit d’adapter un projet (II.).


I. ANTICIPER LA NÉCESSITÉ DE RÉALISER UNE ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE

Un flou juridique depuis l’annulation des seuils…

La nomenclature annexée à l’article R. 122-2 C. env. dresse la liste des projets soumis à étude d’impact « au cas par cas » et de ceux y sont automatiquement assujettis, en fonction de seuils qui se rapportent principalement à la dimension des projets.

A ce titre, le seuil de création de 10 000 m2 de surface de plancher permettait de déclencher la réalisation d’une étude au cas par cas, et celui de 40 000 m2 d’emprise au sol rendait obligatoire l’évaluation environnementale du projet hors zones urbanisées1. 

Le Conseil d’État a toutefois jugé que cette nomenclature ne permettait pas de garantir que tous les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine fassent l’objet d’une évaluation environnementale (CE, 15 avril 2021, n° 425424 – cf. notre bulletin). 

Sommé de mettre en conformité, dans un délai de 9 mois, les critères de sélection des projets soumis à évaluation environnementale avec ceux de l’annexe III de la directive  « Projets » du 13 décembre 2011 (à savoir leurs dimensions, certes, mais également leur nature, leur localisation, la sensibilité environnementale des zones géographiques possiblement affectées et leurs impacts), le ministère de la transition écologique entend soumettre un projet de décret au CNTE le15 décembre 2021.

… que ne semble pas dissiper le décret annoncé

Il ressort des termes du projet de décret qu’une « clause-filet » serait introduite : les projets situés en deçà des seuils mais qui apparaissent susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement seraient soumis à un examen au cas par cas par l’autorité compétente 2 (art. R. 122-2-1 C. env.).

Une telle formulation n’est pas de nature à lever toutes les incertitudes et il nous semble que les risques suivants demeurent :

  • refus de permis de construire, en raison de l’incomplétude du dossier, dès lors que le code de l’urbanisme impose que soit jointe l’étude d’impact ou la décision dispensant d’évaluation environnementale (art. R. 431-16 C. urb.) ;
  • « référé-étude d’impact » permettant d’obtenir une suspension de l’autorisation délivrée en cas, soit d’absence de saisine de l’autorité environnementale pour une étude au cas par cas, soit d’absence d’étude d’impact alors que celle-ci était nécessaire, sans que les autres critères du référé (urgence/doute sérieux quant à la légalité) ne doivent être remplis (art. L. 122-2 C. env.).


Contre-mesure : le plus prudent est encore de faire évaluer par un bureau d’études les enjeux environnementaux des terrains sur lesquels des opérations sont projetées, afin de se ménager la preuve de l’absence de nécessité de déposer une demande d’étude d’impact au cas par cas.

II. MESURER LES MARGES D’ÉVOLUTION D’UN PROJET SUSCEPTIBLE D’ÊTRE SOUMIS À ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE

Modifier un projet

Le Conseil d’État a pu indiquer la marche à suivre dans l’hypothèse où un projet n’est pas soumis à évaluation environnementale mais le devient à la suite d’une modification notable de ses caractéristiques (CE, 20 octobre 2020 n° 433404, cf. notre bulletin). 

En l’espèce, un projet d’aménagement d’un complexe sportif avait fait l’objet d’une dispense d’évaluation environnementale. Ce projet avait ensuite été significativement étendu (de 4,4 à 10,2 ha). Or, un décret du 4 juin 2018 avait entretemps soumis à étude d’impact systématique les opérations d’aménagement portant sur un terrain d’assiette supérieur ou égal à 10 000 m2. Le projet concerné, pris dans sa totalité, entrait donc, en raison de son extension, dans le champ de cette obligation.

Ce faisant, et en vertu du principe d’application immédiate des règles de procédure, le pétitionnaire ne pouvait se prévaloir d’un quelconque droit acquis de la dispense d’étude d’impact qui prévalait dans le cadre du projet initial. Il était désormais tenu de réaliser une telle étude.

La plus grande prudence doit donc être de mise, et ce d’autant plus depuis l’annulation des seuils (cf. supra). 

« Phaser », mais avec précaution

Par principe, l’ensemble des effets d’un projet sur l’environnement doit être étudié le plus en amont possible. 

En conséquence, il ressort de la jurisprudence européenne que le phasage d’une opération ne saurait avoir pour effet de se soustraire aux obligations en matière d’évaluation environnementale. Cette manœuvre a pu être observée, notamment lorsque les seuils étaient encore en vigueur, pour des opérations dont chaque phase avoisinait 10 000 m2.

Le Conseil d’État rappelle toutefois qu’il convient de « rechercher s’il existe des liens de nature à caractériser le fractionnement d’un projet unique » (CE, 1er février 2021, n° 429790) .

Même s’il semble ressortir de cette décision qu’une deuxième phase hypothétique, ou l’expiration d’un délai particulièrement long séparant deux phases pourraient faire obstacle à la qualification de « projet unique » nécessitant la réalisation d’une évaluation environnementale globale, la vigilance reste de mise. 

Quelques précisions

  1. Le décret n° 2020-1169 du 24 septembre 2020 avait recentré l’évaluation environnementale sur la lutte contre l’artificialisation des sols en limitant l’étude systématique aux projets de plus de 40 000 m2 situés dans un espace non artificialisé, et non plus quelle que soit la nature du lieu d’implantation.
  2. Extrait de la note de présentation transmise par le MTE au CNTE le 15 décembre 2021 : « Un tel dispositif a vocation à n’être soulevé qu’exceptionnellement pour ‘rattraper’ d’éventuels projets situés en deçà des seuils (…) et susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement notamment en raison de leur localisation ».

Explications de la jurisprudence européenne portant sur le « saucissonnage » des études d’impact : 
« [La CJUE] juge ainsi avec constance que l’objectif de la directive – qui est que les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une évaluation en ce qui concerne leur incidence – ne saurait être détourné par le fractionnement d’un projet, l’absence de prise en considération de l’effet cumulatif de plusieurs projets ne devant pas avoir pour résultat pratique de les soustraire dans leur totalité à l’obligation d’évaluation alors que, pris ensemble, ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement », Concl. Odinet sous CE, 28 novembre 2018, Cne de Turballe, n° 419315.

Caractère suffisant des études d’impact et solutions alternatives
Le juge administratif contrôle le caractère satisfaisant des études d’impact au regard de l’article R. 122-5 C. env. qui dresse la liste des pièces devant y être jointes et précise ce qu’elles doivent contenir ; il censure les études insuffisantes de ce point de vue. Parmi ces pièces, se trouvent la description des solutions de substitution raisonnables examinées par le maître d’ouvrage et les raisons pour lesquelles le projet a été retenu.

Dans un arrêt inédit récent, le Conseil d’État a rappelé que l’étude d’impact pouvait s’abstenir de présenter une solution alternative lorsque sa mise en œuvre n’a pas été réellement envisagée par le maître d’ouvrage dans la mesure où elle a été écartée en amont.

C’était le cas en l’espèce, s’agissant de l’implantation d’une centrale à cycle combiné gaz, dont l’aire d’implantation avait été entérinée par le pacte électrique de la région. Aucune autre localisation à l’extérieur de cette aire ne devait donc être envisagée (CE, 15 novembre 2021, n° 432819).

Abréviations

C. env. : code de l’environnement
C. urb. : code de l‘urbanisme
CNTE : conseil national de la transition écologique

Loi ELAN : le dispositif d’encadrement des loyers

La loi ELAN du 23/11/2018, portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, donne la possibilité aux agglomérations volontaires de rétablir l’encadrement des loyers, initialement prévu par la loi ALUR de 2014, à titre expérimental et ce pour 5 ans. 

LES MODALITÉS D’APPLICATION DE L’ENCADREMENT DES LOYERS 

Dispositif et champ d’application 

Le dispositif d’encadrement des loyers a vocation à s’appliquer dans les zones dites « tendues », à savoir, les zones d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements.

Un loyer de référence est fixé par le préfet par rapport aux valeurs fournies par l’observatoire des loyers de chaque agglomération. Un loyer de référence majoré de 20% et un loyer de référence minoré de 30% sont également mis en place. Chaque loyer soumis au dispositif doit être compris dans cet intervalle. 
Les loyers de référence varient en fonction du nombre de pièces principales, du caractère meublé ou non du bien, de l’année de construction et de la zone géographique.

Ne sont concernés que les logements du parc privé, qu’ils soient loués nus ou meublés, à condition qu’ils servent de résidence principale (exclusion des logements HLM, des logements conventionnés APL ou Anah et des locations saisonnières).

Le complément de loyer

Un complément de loyer, justifié par des caractéristiques de localisation ou de confort et mentionné dans le contrat de bail, peut être stipulé. 

  • Un décret du 10 juin 2015 précise que ces caractéristiques : 
  • Ne doivent pas déjà avoir été prises en compte pour déterminer le loyer de référence.
  • Doivent être déterminantes par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique.
  • Ne peuvent donner lieu à récupération par le bailleur au titre des charges ou des travaux d’économie d’énergie. 

Une décision du Tribunal d’Instance de Paris, en date du 1er décembre 2016, précise que la remise à neuf d’un logement ne suffit pas à justifier un complément de loyer. 

LES CONSÉQUENCES D’UN NON-RESPECT DU DISPOSITIF

Les sanctions  administratives et civiles

Concernant les sanctions administratives, le locataire peut saisir le préfet, via le service de la DRIHL, s’il estime que son loyer ne respecte pas le dispositif. Si, après mise en demeure du préfet de se conformer à l’encadrement des loyers, le bailleur ne s’exécute pas dans les deux mois suivant cette injonction ou qu’il ne formule pas d’observations, le préfet peut prononcer une amende ne pouvant excéder 5 000€ pour une personne physique et 15 000€ pour une personne morale.

Si le locataire souhaite ester en justice, il devra d’abord saisir la Commission départementale de conciliation, et, en cas de constatation par cette dernière d’un défaut d’accord entre les parties, le juge pourra être saisi avant le terme du bail. 

Les sanctions en pratique

Le prononcé d’une amende par le préfet n’empêche pas le locataire de porter le litige devant le juge civil afin d’obtenir une réduction de loyer. 

Concernant l’action en justice du locataire et à titre d’exemple, le Tribunal Judiciaire de Paris, dans une décision en date du 9 novembre 2020, s’est prononcé sur un litige entre un bailleur et son locataire. Le loyer d’espèce dépassait de 33% le loyer de référence majoré applicable. Le bailleur s’est vu dans l’obligation de diminuer le loyer et de reverser le trop-perçu au locataire. 

Concernant les amendes administratives, 5 amendes ont été prononcées par le préfet d’Île-de-France au dernier trimestre 2020 dont 4 à l’encontre de sociétés immobilières familiales et 1 à l’encontre d’une personne physique. 

Précision


Ce dispositif est d’ores et déjà applicable à Paris, Lille, sur l’intercommunalité Plaine commune (93), sur l’intercommunalité Est Ensemble (93) et à Lyon. 
Il devrait être prochainement applicable à Montpellier et à Bordeaux.


Nota Bene 


Le dispositif mis en place par l’article 140 de la loi Elan est à ne pas confondre avec le dispositif d’encadrement des loyers qui prohibe notamment les augmentations de loyer en cas de renouvellement de bail ou de relocation, sauf exceptions.

Le Plan d’Epargne Retraite Individuel : un outil d’épargne – et de transmission ?

Créé par la loi Pacte (2109-486 du 22 mai 2019), le Plan d’Epargne Retraite (PER) a vocation à se substituer aux produits de retraite antérieurs (retraites supplémentaires d’entreprise, Perco, contrats Madelin etc.). Le PER constitue un cadre global, qui regroupe plusieurs produits : des plans d’épargne retraite collectifs institués dans le cadre de l’entreprise (PERO et PERECO), et un plan d’épargne retraite individuel (PERIN) ouvert à toute personne, qu’elle ait ou non une activité professionnelle. 

Il offre un cadre juridique unifié ainsi qu’un régime fiscal particulièrement favorable. Les sommes versées sur le PER sont déductibles des revenus du contribuable y compris pour les versements faits sur les PER ouverts au nom des enfants rattachés. Attention néanmoins à la prise en compte effective de ces  versements : vérifiez vos avis d’imposition et réclamez si nécessaire !

UN OUTIL D’ÉPARGNE RETRAITE – MAIS PAS SEULEMENT

Le PER permet aux personnes physiques de se constituer une retraite supplémentaire (rente viagère ou capital). Il prend la forme d’un compte-titres géré par un établissement financier (PER-titres), ou d’un contrat d’assurance ouvert auprès d’une compagnie d’assurance (PER-assurance).

Les montants investis sont bloqués jusqu’à ce que le titulaire fasse valoir ses droits à la retraite. Néanmoins, le texte prévoit des possibilités de liquidation (totale ou partielle) avant échéance, d’une part dans des situations accidentelles (décès du conjoint, invalidité, surendettement etc.), d’autre part en cas d’affectation des sommes par le titulaire à l’acquisition de sa résidence principale.

UN CADRE FISCAL PLUS FAVORABLE ET UNIFIÉ

Lors des versements, l’un des principaux apports de la réforme est de généraliser la possibilité de déduire les versements de l’assiette de l’impôt sur le revenu. Ainsi :

  • Les versements obligatoires des entreprises à un PERO ou un PERECO ne constituent pas un complément de salaire pour les bénéficiaires, et sont donc exonérés d’impôt sur le revenu.
  • Les versements volontaires des titulaires de BIC ou de BNC sont déductibles du revenu catégoriel, dans la limite d’un plafond.
  • Les autres versements volontaires sont déductibles du revenu global, dans la limite d’un plafond          (cf. ci-contre).

Lors de la liquidation du PER, la part des versements ayant donné lieu à déduction fiscale « à l’entrée » sera imposable « à la sortie » (selon le régime des pensions de retraite), et pourra éventuellement bénéficier du système du quotient.

Néanmoins, il est possible de renoncer à la déduction fiscale des versements « à l’entrée » afin de bénéficier d’une fiscalité allégée « à la sortie »Ce choix s’effectuant versement par versement, un arbitrage devra donc être soigneusement réalisé à l’occasion de chaque abondement, son intérêt dépendant du taux marginal d’imposition du souscripteur et de ses anticipations.

La quote-part de la rente ou du capital représentant les produits réalisés pendant la durée du PER demeure imposable lors de sa perception (soit comme rente viagère, soit comme revenu de capitaux mobiliers). 

UN CADRE FAVORABLE À LA TRANSMISSION

PER ouvert au nom des enfants rattachés : la donation d’une somme d’argent à un enfant rattaché au foyer fiscal (qui bénéficie de l’abattement de 100 000 euros tous les 15 ans) suivie d’un versement sur un PER ouvert au nom de celui-ci permet :

  • De constituer un capital à son profit, que l’enfant pourra débloquer en vue de l’acquisition de sa résidence principale,
  • Tout en déduisant les sommes versées du revenu imposable du foyer fiscal.

La déduction de ces versements n’est pas toujours effective : vérifiez vos avis d’imposition et réclamez si besoin !

PER-Assurance transmissible au conjoint survivant : si le régime du PER est moins favorable que celui de l’assurance-vie à l’occasion de la succession (notamment en cas de décès du souscripteur du PER  après 70 ans), l’exonération de droits de mutation au profit du conjoint survivant, couplée à la déduction fiscale à l’entrée, en fait un outil de transmission appréciable (a fortiori si le taux moyen d’imposition du souscripteur est élevé).

Les plafonds de versement

Les versements sur un PERIN sont déductibles dans la limite de :

  • 10 % des revenus professionnels de l’année précédente retenus dans la limite de 8 fois le PASS de l’année en cause,
  • Ou, si ce montant est plus élevé, 10 % du PASS de l’année précédente.

Ce plafond s’apprécie pour chaque membre du foyer fiscal.

Il est réduit du montant des autres versements d’épargne retraite déductibles ou exonérés d’impôt.

Les sommes excédant le plafond ne sont pas reportables sur les années suivantes. En revanche, lorsque les versements volontaires réalisés au titre d’une année sont inférieurs à la limite admise, la différence est reportable sur les trois années suivantes.


Retraiter ses anciennes assurances-vie

La loi Pacte a prévu la possibilité de transférer, dans des conditions avantageuses, les contrats d’assurance-vie de plus de huit ans vers un PER avant le 31 décembre 2022, à condition que le souscripteur soit à plus de cinq ans de l’âge légal de la retraite.

Le montant transféré est imposé comme un rachat d’assurance-vie, après application d’abattements majorés. En revanche, le versement sur le PER correspondant est déductible du revenu global, dans la limite des plafonds rappelés ci-dessus.

De l’utilité de multiplier les dérogations aux règles du PLU

La loi du 22 août 2021 dite « Climat et résilience » crée de nouvelles possibilités de déroger aux règles du PLU dans le cadre de la délivrance d’autorisations d’urbanisme et donne ainsi l’occasion de revenir sur cette procédure et les difficultés pratiques de sa mise en œuvre. En effet, les porteurs de projets ont parfois le sentiment que l’encouragement législatif à déroger aux règles du PLU pour poursuivre des objectifs de mixité sociale, de construction de logements en zones tendues, et désormais de réalisation de constructions réputées vertueuses, dépend uniquement de la volonté politique locale. S’il est vrai que le maire est libre d’accorder les dérogations, il ne peut qu’être conseillé aux porteurs de projets d’apporter un soin particulier à la demande.

Des possibilités élargies de recourir aux dérogations

 

 

Extension des dérogations dans certaines zones

Comme précédemment indiqué, l’objectif des dérogations issues de l’ordonnance de 2013 consistait à inciter à la construction dans certaines zones (zones tendues et communes ne respectant pas leurs obligations en matière de logements sociaux)1.

Le législateur avait ainsi prévu des systèmes de dérogation aux règles relatives au gabarit, à la densité ou aux obligations en matière de création d’aires de stationnement pour autoriser la réalisation de constructions destinées à l’habitation, de surélévations, de reconstructions, rénovations ou réhabilitations.

La loi Climat et Résilience va plus loin : elle étend les zones concernées et les possibilités de dérogation au sein de celles-ci.

Sont désormais concernées les opérations situées au sein du périmètre d’une GOU, ou d’un secteur d’intervention comprenant un centre-ville d’une ORT. Dans ces nouveaux secteurs, le maire peut en outre accorder une dérogation supplémentaire de 15% (dans la limite de 50% de dépassement) aux règles de gabarit pour les constructions « contribuant à la qualité du cadre de vie, par la création d’espaces extérieurs en continuité des habitations, assurant un équilibre entre les espaces construits et les espaces libres ».

Extension des dérogations possibles sur tout le territoire

La loi Climat et Résilience prévoit en outre divers mécanismes de dérogations applicables en tous lieux :

  • dérogation en matière de hauteur et aspect extérieur pour autoriser l’installation de dispositifs de végétalisation des façades et des toitures en zones U et AU;
  • dérogation en matière de hauteur pour autoriser les constructions faisant preuve « d’exemplarité environnementale »3. Il est précisé qu’un décret en Conseil d’État devra définir les exigences auxquelles doit satisfaire une telle construction ;
  • dérogation en matière de stationnement : réduction des obligations à raison d’une aire de stationnement pour véhicule motorisé en contrepartie de la création d’infrastructures ou de l’aménagement d’espaces permettant le stationnement sécurisé d’au moins six vélos par aire4 ;
  • dérogation aux règles de gabarit (dans la limite de 30%) et aux obligations en matière de stationnement lorsque les travaux portent sur une friche5.

Des décrets devraient pouvoir préciser certaines notions pour l’heure encore un peu incertaines.

Une procédure toujours imparfaite ne facilitant pas l’octroi des dérogations 

Forme de la demande

Comme le rappelle le Conseil d’État dans sa décision du 17 décembre 2020 (n° 432561), l’article R. 431-31-2 du code de l’urbanisme impose au pétitionnaire de former une demande de dérogation. La démarche est donc à l’initiative du pétitionnaire.

Cette demande est accompagnée d’une note précisant la nature de la ou des dérogations sollicitées et justifiant pour chacune d’entre elles du respect des objectifs et des conditions fixés.

Compte tenu du caractère apparemment discrétionnaire des dérogations, un grand soin doit être apporté à la rédaction de ces notes et demandes de dérogation.

Il nous semble à cet égard qu’une standardisation de ces notes – le cas échéant à travers un formulaire dédié – serait de nature à permettre au pétitionnaire de mieux connaître les critères posés, à encourager la délivrance de dérogations ou justifier leur refus. 

 

Majoration délai d‘instruction et délivrance

L’article R. 423-24 du code de l‘urbanisme prévoit que le délai d’instruction est majoré d’un mois lorsque le projet nécessite une dérogation en application de l’article L. 152-6 du code de l’urbanisme (cf. supra sur les dérogations possibles dans des zones particulières). Cette disposition ne semble pas devoir s’appliquer s’agissant des autres demandes de dérogation. 

Le code de l’urbanisme indique en outre que la décision de permis de construire accordant une dérogation doit être motivée (art. L. 424-3 C. urb.). On constate qu’en pratique, les dérogations sont peu nombreuses et accordées de façon plutôt aléatoire.

En revanche, on peut déplorer qu’un refus à une demande de dérogation n’est soumis à aucune obligation de motivation. 

Aussi, il nous semble qu’une obligation législative d’accorder les dérogations dès lors que les conditions sont remplies serait plus à même de permettre d’atteindre les objectifs fixés par le législateur.

Quelques précisions

1 Art. L. 152-6 du code de l’urbanisme 

2 Art. L. 152-5-1 du code de l’urbanisme 

3 Art. L. 152-5-2 du code de l’urbanisme 

4 Art. L. 152-6-1 du code de l’urbanisme 

5 Art. L. 152-6-2 du code de l’urbanisme. Une définition de la friche a en outre été introduite au sein du code de l’urbanisme, à l’article L. 111-26 : « au sens du présent code, on entend par “ friche ” tout bien ou droit immobilier, bâti ou non bâti, inutilisé et dont l’état, la configuration ou l’occupation totale ou partielle ne permet pas un réemploi sans un aménagement ou des travaux préalables. Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret ».

Dans un souci d’exhaustivité, il pourra être indiqué que le Conseil d’État considère qu’une demande sollicitant une dérogation au règlement du PLU permet de régulariser un permis de construire sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme (sursis à statuer impartissant au pétitionnaire un délai pour obtenir une mesure de régularisation) (CE, 17 décembre 2020, n° 432561).

Distinction entre dérogation et adaptation mineure : il ressort de l’article L. 152-3 du code de l’urbanisme que les règles et servitudes définies par un PLU peuvent faire l’objet d’adaptations mineures uniquement si celles-ci sont « rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes ». Ces adaptations doivent être limitées mais sont observées d’office par les services instructeurs (CE, 11 février 2015, n° 367414).

Abréviations

C. urb. : code de l’urbanisme

GOU : grande opération d’urbanisme

ORT : opération de revitalisation de territoire 

L’application du Pinel plus / Pinel dans le temps

La Loi de finances 2021 a prorogé le dispositif « Pinel » jusqu’au 31 décembre 2024 mais a instauré une diminution successive et progressive du taux de cette réduction d’impôt pour les acquisitions réalisées à compter du 1er janvier 2023. Toutefois, un nouveau dispositif dénommé « Pinel plus » prévoit une exception afin de pallier cette diminution dont certains contours restent encore à définir.    


I. LES ÉVOLUTIONS CERTAINES DU DISPOSITIF « PINEL » 


Une dégressivité du taux de réduction

Pour rappel, la réduction d’impôt dont peuvent bénéficier les contribuables au titre du dispositif Pinel varie selon la durée de l’engagement de location du bien : 

  • 6 ans jusqu’au 31 décembre 2022 : 12%*
  • 9 ans jusqu’au 31 décembre 2022 : 18%*
  • 12 ans jusqu’au 31 décembre 2022 : 21%*

La Loi de Finances pour 2022 a revu à la baisse ces taux pour :

Les acquisitions du 1er janvier au 31 décembre 2023 :

  • 6 ans : 10.5%*
  • 9 ans : 15%*
  • 12 ans : 17.5%*

Les acquisitions du 1er janvier au 31 décembre 2024 :

  • 6 ans : 9%*
  • 9 ans : 12%* 
  • 12 ans : 14%*

* du prix de revient du bien frais de notaire inclus 

Une première exception affirmée

L’Etat, afin de favoriser le développement des quartiers dits « prioritaires » prévoit une exception à la dégressivité des taux. 

Ces quartiers dits « prioritaires » ont notamment été déterminés par le Décret  du 30 décembre 2014 qui a établi une liste de quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPPV). 

Ainsi, à titre d’exemples, les contribuables qui acquièrent des biens situés dans les quartiers de communes suivants pourront toujours bénéficier du taux applicable jusqu’au 31 décembre 2022 de la réduction d’impôt : 

Paris : 10ème ; 11ème ; 13ème ; 14ème ; 17ème ; 18ème ; 19ème ; 20ème 
Lyon : 1er ; 2ème 3ème ; 4ème ; 5ème ; 6ème  7ème ; 8ème ; 9ème  
Bordeaux : Saint-Michel ; Bacalan ; Le lac

Voir liste : https://sig.ville.gouv.fr/

II. LES INCERTITUDES QUANT AU DISPOSITIF « PINEL PLUS »

La double condition du « Pinel plus » 

Dans le neuf, pour les ventes conclues à partir du 1er janvier 2023, c’est-à-dire soumises aux nouveaux taux (réduits), il est possible de conserver les anciens taux à condition de respecter les deux conditions suivantes : 

  1. Les constructions devront répondre aux exigences de la norme environnementale RE2020 dont le décret a été publié le 29 juillet 2021. 
  2. Les constructions devront répondre à un « référentiel de qualité d’usage » correspondant, selon le rapport Girometti-Leclerc, à des critères de confort tels qu’une hauteur sous plafond de 2.70m ; logements à partir du T3 devant être traversant etc. 

Le « Pinel plus » dans l’ancien

La RE2020 ne s’appliquant que pour les immeubles neufs, nous ne savons pas si le seul respect du référentiel de qualité d’usage pour les bâtiments anciens suffira à leur voir appliquer le dispositif « Pinel plus ». 

En effet, le Gouvernement ne fait pour l’instant aucune distinction entre le bâtiment neuf et le bâtiment ancien concernant l’applicabilité du dispositif « Pinel plus ». 

Des décrets à venir permettront de préciser à la fois les exigences environnementales mais également ce qui est attendu en ce qui concerne le « référentiel de qualité d’usage » dans l’ancien. 

Précision

Le dispositif « Pinel plus » n’étant qu’une annonce gouvernementale, une loi est désormais attendue afin de le  mettre en place ainsi qu’un décret qui viendra en préciser les conditions. 

Pour un référé-suspension plus efficace à l’encontre d’un refus de permis de construire

Le refus de transmission récente d’une QPC s’agissant du refus de permis de construire (CE, 7 octobre 2021, n° 451827) met en lumière l’écart progressivement creusé entre le régime du contentieux du permis de construire et celui du refus, qui ne bénéficie d’aucune particularité procédurale (absence de suppression d’un degré d’appel, de cristallisation automatique des moyens, de présomption du caractère urgent en matière de référé, durée de jugement non limitée à 10 mois, etc.). Pourtant, compte tenu des enjeux en matière de production de logements, le contentieux du refus nécessite tout autant d’attention et de célérité. Dans cet ordre d’idée, le référé-suspension mériterait d’évoluer afin de constituer un outil véritablement utile à l’encontre d’un refus de permis de construire.

I. L’APPRÉCIATION TROP RESTRICTIVE DE L’URGENCE

 

Condition suspensive et préjudice financier

Deux moyens ont déjà pu être accueillis pour justifier de l’urgence en matière de refus de PC (V. les Nota, colonne de gauche) : d’une part, celui s’appuyant sur une promesse de vente contenant une condition suspensive dont le terme arrive prochainement à échéance ; d’autre part, celui faisant état d’un préjudice financier.

Pour ce qui est de la condition suspensive, la rédaction de celle-ci est essentielle : -le défaut de condition suspensive d’obtention d’un permis de construire a pu être perçu comme un indice d’ « imprudence caractérisée » de nature à neutraliser la condition d’urgence;-le défaut de réalisation d’une condition stipulée dans l’intérêt exclusif de l’acquéreur n’a ni pour objet, ni pour effet de rendre caduque une promesse, de sorte que le refus dont est demandée la suspension ne fait pas obstacle à l’acquisition du bien2.

Pour ce qui est du préjudice financier, la preuve d’une urgence en procédant est particulièrement difficile à rapporter : -l’urgence n’est pas caractérisée lorsque la signature de contrats de réservation révèle une imprudence du pétitionnaire qui aurait dû attendre la « purge » du permis de construire (en l’espèce, contestation du retrait d’un permis)3 ;-un retard dans le début de l’exploitation commerciale est purement éventuel et ne permet pas de qualifier l’urgence à suspendre un refus4.

 

De l’intérêt d’une présomption d’urgence

L’appréciation très restrictive des critères relatifs à la qualification de l’urgence fait obstacle au succès d’un référé-suspension en ce domaine. 

Pourtant, la pratique témoigne d’une certaine instrumentalisation du refus de permis, opposé par des maires de manière parfois « abusive » aux pétitionnaires. 

Si le législateur a pu identifier ce phénomène et si la jurisprudence Préfet des Yvelines a constitué un signal fort en permettant au juge d’enjoindre de délivrer un permis de construire à la suite de l’annulation d’un refus, ce régime demeure très largement perfectible. 

En effet, les délais de jugement font obstacle à la bonne exécution de projets qui, bien que parfaitement légaux, sont souvent abandonnés de ce fait. Or, les enjeux sus-rappelés en matière de production de logements libres comme sociaux justifieraient une adaptation du régime du référé-suspension intenté contre les refus d’autorisation d’urbanisme.

Il apparaîtrait à cet égard opportun, à tout le moins dans les « zones tendues » (cf. art. 232 CGI) et dans les communes carencées, d’instituer une présomption d’urgence en ce qui concerne les référés-suspension introduits à l’encontre non seulement des retraits de permis de construire (cf. notre bulletin sur le rapport Rebsamen II) mais également des refus de permis de construire portant sur des opérations de logements.

II. UNE SUSPENSION AUX EFFETS ENCORE LIMITÉS

Le permis provisoire

Le juge des référés, après avoir suspendu un acte administratif, peut enjoindre à l’autorité compétente de réexaminer la demande5. Néanmoins, il est considéré que les décisions prises à la suite de ce réexamen disposent d’un caractère par nature provisoire jusqu’à ce qu’il soit statué sur le recours en annulation6.

La jurisprudence a précisé le régime applicable aux permis éventuellement délivrés à la suite de l’injonction de réexamen de la demande consécutive à la suspension d’un refus de permis.

Il en ressort qu’un tel permis, parce qu’il revêt un caractère provisoire, peut être retiré en raison de son illégalité ultérieurement révélée par le jugement au fond, rejetant le recours contre la décision initiale de refus. Ce retrait intervient alors à l’issue d’une procédure contradictoire, dans un délai de trois mois suivant la notification à l’administration dudit jugement7.

Le Conseil d’État a précisé qu’il en allait de même dans l’hypothèse où le bénéficiaire du permis provisoire se désiste de son recours en annulation du refus dont il a obtenu la suspension.

Tout cela est de nature à relativiser l’intérêt de la suspension du refus de permis de construire.

Un intérêt encore restreint

Si le chemin pour y parvenir peut apparaître tortueux, obtenir la suspension d’un refus de permis de construire n’est toutefois pas neutre.

Tout d’abord, elle représente un signal fort. En effet, la reconnaissance du caractère d’urgence ne suffit pas à emporter la suspension d’un refus de permis de construire. Il faut encore démontrer qu’un doute sérieux quant aux motifs de refus du permis de construire est constitué. 

Eu égard à ce doute sérieux sur la légalité de son refus, la commune se trouve amenée à reconsidérer sa position ; plus encore, elle ne peut pas, en raison de la force obligatoire de l’ordonnance de suspension, et sauf circonstances nouvelles, prendre une nouvelle décision de refus en se fondant sur des motifs identiques à ceux de la décision de refus initiale8.

Enfin, une ordonnance de suspension d’une décision a normalement pour effet d’accélérer le traitement de l’affaire au principal, avantage qui ne saurait être négligé. 

Il serait toutefois pertinent, pour conférer une plus grande puissance au mécanisme, que le juge du fond soit contraint de statuer dans un délai déterminé (de l’ordre de 6 mois) à la suite d’une suspension.

Quelques précisions

L’urgence s’apprécie par la mise en perspective de l’atteinte grave et immédiate aux intérêts du pétitionnaire portée par le refus et de l’atteinte grave et immédiate à un intérêt public qui pourrait résulter de la suspension dudit refus (exemple de l’atteinte à une zone naturelle – contentieux éolien, CE, 25 novembre 2002, n° 248423 : « l’octroi du permis sollicité et l’installation de l’éolienne, avant l’intervention du jugement à rendre sur la légalité de la décision du préfet, porterait atteinte à l’intérêt public qui s’attache à la protection contre une atteinte non justifiée de la zone naturelle dans laquelle M. X… souhaite l’installer »).

Nota : le juge a pu retenir l’urgence lorsque la décision (en l’espèce, un sursis à statuer) est de nature à faire perdre le bénéfice de la promesse consentie sous condition suspensive de délivrance du permis (CE, 23 janvier 2004, n° 257779 – jurisprudence isolée) ; l’urgence a également été caractérisée dans le cas où le vendeur a indiqué attendre l’issue de la procédure de référé pour décider de poursuivre ou non la vente (malgré la caducité) (CE, 22 avril 2005, n° 276043)

Nota bis : un pétitionnaire qui fait état de l’incidence du refus sur son chiffre d’affaires et, surtout, de l’importance dudit projet dans ses perspectives d’activité et ses résultats d’exploitation a pu convaincre de l’atteinte grave et immédiate à ses intérêts, et donc de l’urgence à suspendre le refus de permis de construire (TA Nice, 7 juillet 2009, n° 0901719) ; De même, l’urgence a été reconnue dans le cas d’un troisième refus de permis opposé à la suite de deux refus ayant fait l’objet de suspensions. Dans cette hypothèse, il a été considéré que la situation financière était suffisamment affectée par des retards successifs apportés à l’instruction de sa demande de permis (CE, 2 février 2004, n° 257450).

Voir également à ce sujet :

Fabre Emilie, « Refus et retraits d’autorisations d’urbanisme : le trou béant dans la raquette de la régularisation », Opérations immobilières, mai 2021.

1 CE, 23 novembre 2016, n° 398068

CE, 3 février 2017, n° 403846

3 TA Nice, 5 mai 2010, n° 1001324

4 TA Toulon, 11 juillet 2012, n° 1201526

5 CE, 11 août 2005, n° 281486

6 CE, 13 juillet 2007, n° 294721

7 CE, 7 octobre 2016, n° 395211

8 Ibid.

Abréviations

CE : Conseil d’État

CGI : code général des impôts

PC : permis de construire