La loi ELAN du 23/11/2018, portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, donne la possibilité aux agglomérations volontaires de rétablir l’encadrement des loyers, initialement prévu par la loi ALUR de 2014, à titre expérimental et ce pour 5 ans.
LES MODALITÉS D’APPLICATION DE L’ENCADREMENT DES LOYERS
Dispositif et champ d’application
Le dispositif d’encadrement des loyers a vocation à s’appliquer dans les zones dites « tendues », à savoir, les zones d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements.
Un loyer de référence est fixé par le préfet par rapport aux valeurs fournies par l’observatoire des loyers de chaque agglomération. Un loyer de référence majoré de 20% et un loyer de référence minoré de 30% sont également mis en place. Chaque loyer soumis au dispositif doit être compris dans cet intervalle. Les loyers de référence varient en fonction du nombre de pièces principales, du caractère meublé ou non du bien, de l’année de construction et de la zone géographique.
Ne sont concernés que les logements du parc privé, qu’ils soient loués nus ou meublés, à condition qu’ils servent de résidence principale (exclusion des logements HLM, des logements conventionnés APL ou Anah et des locations saisonnières).
Le complément de loyer
Un complément de loyer, justifié par des caractéristiques de localisation ou de confort et mentionné dans le contrat de bail, peut être stipulé.
Un décret du 10 juin 2015 précise que ces caractéristiques :
Ne doivent pas déjà avoir été prises en compte pour déterminer le loyer de référence.
Doivent être déterminantes par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique.
Ne peuvent donner lieu à récupération par le bailleur au titre des charges ou des travaux d’économie d’énergie.
Une décision du Tribunal d’Instance de Paris, en date du 1er décembre 2016, précise que la remise à neuf d’un logement ne suffit pas à justifier un complément de loyer.
LES CONSÉQUENCES D’UN NON-RESPECT DU DISPOSITIF
Les sanctions administratives et civiles
Concernant les sanctions administratives, le locataire peut saisir le préfet, via le service de la DRIHL, s’il estime que son loyer ne respecte pas le dispositif. Si, après mise en demeure du préfet de se conformer à l’encadrement des loyers, le bailleur ne s’exécute pas dans les deux mois suivant cette injonction ou qu’il ne formule pas d’observations, le préfet peut prononcer une amende ne pouvant excéder 5 000€ pour une personne physique et 15 000€ pour une personne morale.
Si le locataire souhaite ester en justice, il devra d’abord saisir la Commission départementale de conciliation, et, en cas de constatation par cette dernière d’un défaut d’accord entre les parties, le juge pourra être saisi avant le terme du bail.
Les sanctions en pratique
Le prononcé d’une amende par le préfet n’empêche pas le locataire de porter le litige devant le juge civil afin d’obtenir une réduction de loyer.
Concernant l’action en justice du locataire et à titre d’exemple, le Tribunal Judiciaire de Paris, dans une décision en date du 9 novembre 2020, s’est prononcé sur un litige entre un bailleur et son locataire. Le loyer d’espèce dépassait de 33% le loyer de référence majoré applicable. Le bailleur s’est vu dans l’obligation de diminuer le loyer et de reverser le trop-perçu au locataire.
Concernant les amendes administratives, 5 amendes ont été prononcées par le préfet d’Île-de-France au dernier trimestre 2020 dont 4 à l’encontre de sociétés immobilières familiales et 1 à l’encontre d’une personne physique.
Précision
Ce dispositif est d’ores et déjà applicable à Paris, Lille, sur l’intercommunalité Plaine commune (93), sur l’intercommunalité Est Ensemble (93) et à Lyon. Il devrait être prochainement applicable à Montpellier et à Bordeaux.
Nota Bene
Le dispositif mis en place par l’article 140 de la loi Elan est à ne pas confondre avec le dispositif d’encadrement des loyers qui prohibe notamment les augmentations de loyer en cas de renouvellement de bail ou de relocation, sauf exceptions.
Créé par la loi Pacte (2109-486 du 22 mai 2019), le Plan d’Epargne Retraite (PER) a vocation à se substituer aux produits de retraite antérieurs (retraites supplémentaires d’entreprise, Perco, contrats Madelin etc.). Le PER constitue un cadre global, qui regroupe plusieurs produits : des plans d’épargne retraite collectifs institués dans le cadre de l’entreprise (PERO et PERECO), et un plan d’épargne retraite individuel (PERIN) ouvert à toute personne, qu’elle ait ou non une activité professionnelle.
Il offre un cadre juridique unifié ainsi qu’un régime fiscal particulièrement favorable. Les sommes versées sur le PER sont déductibles des revenus du contribuable y compris pour les versements faits sur les PER ouverts au nom des enfants rattachés. Attention néanmoins à la prise en compte effective de ces versements : vérifiez vos avis d’imposition et réclamez si nécessaire !
UN OUTIL D’ÉPARGNE RETRAITE – MAIS PAS SEULEMENT
Le PER permet aux personnes physiques de se constituer une retraite supplémentaire (rente viagère ou capital). Il prend la forme d’un compte-titres géré par un établissement financier (PER-titres), ou d’un contrat d’assurance ouvert auprès d’une compagnie d’assurance (PER-assurance).
Les montants investis sont bloqués jusqu’à ce que le titulaire fasse valoir ses droits à la retraite. Néanmoins, le texte prévoit des possibilités de liquidation (totale ou partielle) avant échéance, d’une part dans des situations accidentelles (décès du conjoint, invalidité, surendettement etc.), d’autre part en cas d’affectation des sommes par le titulaire à l’acquisition de sa résidence principale.
UN CADRE FISCAL PLUS FAVORABLE ET UNIFIÉ
Lors des versements, l’un des principaux apports de la réforme est de généraliser la possibilité de déduire les versements de l’assiette de l’impôt sur le revenu. Ainsi :
Les versements obligatoires des entreprises à un PERO ou un PERECO ne constituent pas un complément de salaire pour les bénéficiaires, et sont donc exonérés d’impôt sur le revenu.
Les versements volontaires des titulaires de BIC ou de BNC sont déductibles du revenu catégoriel, dans la limite d’un plafond.
Les autres versements volontaires sont déductibles du revenu global, dans la limite d’un plafond (cf. ci-contre).
Lors de la liquidation du PER, la part des versements ayant donné lieu à déduction fiscale « à l’entrée » sera imposable « à la sortie » (selon le régime des pensions de retraite), et pourra éventuellement bénéficier du système du quotient.
Néanmoins, il est possible de renoncer à la déduction fiscale des versements « à l’entrée » afin de bénéficier d’une fiscalité allégée « à la sortie ». Ce choix s’effectuant versement par versement, un arbitrage devra donc être soigneusement réalisé à l’occasion de chaque abondement, son intérêt dépendant du taux marginal d’imposition du souscripteur et de ses anticipations.
La quote-part de la rente ou du capital représentant les produits réalisés pendant la durée du PER demeure imposable lors de sa perception (soit comme rente viagère, soit comme revenu de capitaux mobiliers).
UN CADRE FAVORABLE À LA TRANSMISSION
PER ouvert au nom des enfants rattachés : la donation d’une somme d’argent à un enfant rattaché au foyer fiscal (qui bénéficie de l’abattement de 100 000 euros tous les 15 ans) suivie d’un versement sur un PER ouvert au nom de celui-ci permet :
De constituer un capital à son profit, que l’enfant pourra débloquer en vue de l’acquisition de sa résidence principale,
Tout en déduisant les sommes versées du revenu imposable du foyer fiscal.
La déduction de ces versements n’est pas toujours effective : vérifiez vos avis d’imposition et réclamez si besoin !
PER-Assurance transmissible au conjoint survivant : si le régime du PER est moins favorable que celui de l’assurance-vie à l’occasion de la succession (notamment en cas de décès du souscripteur du PER après 70 ans), l’exonération de droits de mutation au profit du conjoint survivant, couplée à la déduction fiscale à l’entrée, en fait un outil de transmission appréciable (a fortiori si le taux moyen d’imposition du souscripteur est élevé).
Les plafonds de versement
Les versements sur un PERIN sont déductibles dans la limite de :
10 % des revenus professionnels de l’année précédente retenus dans la limite de 8 fois le PASS de l’année en cause,
Ou, si ce montant est plus élevé, 10 % du PASS de l’année précédente.
Ce plafond s’apprécie pour chaque membre du foyer fiscal.
Il est réduit du montant des autres versements d’épargne retraite déductibles ou exonérés d’impôt.
Les sommes excédant le plafond ne sont pas reportables sur les années suivantes. En revanche, lorsque les versements volontaires réalisés au titre d’une année sont inférieurs à la limite admise, la différence est reportable sur les trois années suivantes.
Retraiter ses anciennes assurances-vie
La loi Pacte a prévu la possibilité de transférer, dans des conditions avantageuses, les contrats d’assurance-vie de plus de huit ans vers un PER avant le 31 décembre 2022, à condition que le souscripteur soit à plus de cinq ans de l’âge légal de la retraite.
Le montant transféré est imposé comme un rachat d’assurance-vie, après application d’abattements majorés. En revanche, le versement sur le PER correspondant est déductible du revenu global, dans la limite des plafonds rappelés ci-dessus.
La loi du 22 août 2021 dite « Climat et résilience » crée de nouvelles possibilités de déroger aux règles du PLU dans le cadre de la délivrance d’autorisations d’urbanisme et donne ainsi l’occasion de revenir sur cette procédure et les difficultés pratiques de sa mise en œuvre. En effet, les porteurs de projets ont parfois le sentiment que l’encouragement législatif à déroger aux règles du PLU pour poursuivre des objectifs de mixité sociale, de construction de logements en zones tendues, et désormais de réalisation de constructions réputées vertueuses, dépend uniquement de la volonté politique locale. S’il est vrai que le maire est libre d’accorder les dérogations, il ne peut qu’être conseillé aux porteurs de projets d’apporter un soin particulier à la demande.
Des possibilités élargies de recourir aux dérogations
Extension des dérogations dans certaines zones
Comme précédemment indiqué, l’objectif des dérogations issues de l’ordonnance de 2013 consistait à inciter à la construction dans certaines zones (zones tendues et communes ne respectant pas leurs obligations en matière de logements sociaux)1.
Le législateur avait ainsi prévu des systèmes de dérogation aux règles relatives au gabarit, à la densité ou aux obligations en matière de création d’aires de stationnement pour autoriser la réalisation de constructions destinées à l’habitation, de surélévations, de reconstructions, rénovations ou réhabilitations.
La loi Climat et Résilience va plus loin : elle étend les zones concernées et les possibilités de dérogation au sein de celles-ci.
Sont désormais concernées les opérations situées au sein du périmètre d’une GOU, ou d’un secteur d’intervention comprenant un centre-ville d’une ORT. Dans ces nouveaux secteurs, le maire peut en outre accorder une dérogation supplémentaire de 15% (dans la limite de 50% de dépassement) aux règles de gabarit pour les constructions « contribuant à la qualité du cadre de vie, par la création d’espaces extérieurs en continuité des habitations, assurant un équilibre entre les espaces construits et les espaces libres ».
Extension des dérogations possibles sur tout le territoire
La loi Climat et Résilience prévoit en outre divers mécanismes de dérogations applicables en tous lieux :
dérogation en matière de hauteur et aspect extérieur pour autoriser l’installation de dispositifs de végétalisation des façades et des toitures en zones U et AU2 ;
dérogation en matière de hauteur pour autoriser les constructions faisant preuve « d’exemplarité environnementale»3.Il est précisé qu’un décret en Conseil d’État devra définir les exigences auxquelles doit satisfaire une telle construction ;
dérogation en matière de stationnement : réduction des obligations à raison d’une aire de stationnement pour véhicule motorisé en contrepartie de la création d’infrastructures ou de l’aménagement d’espaces permettant le stationnement sécurisé d’au moins six vélos par aire4 ;
dérogation aux règles de gabarit (dans la limite de 30%) et aux obligations en matière de stationnement lorsque les travaux portent sur une friche5.
Des décrets devraient pouvoir préciser certaines notions pour l’heure encore un peu incertaines.
Une procédure toujours imparfaite ne facilitant pas l’octroi des dérogations
Forme de la demande
Comme le rappelle le Conseil d’État dans sa décision du 17 décembre 2020 (n° 432561), l’article R. 431-31-2 du code de l’urbanisme impose au pétitionnaire de former une demande de dérogation. La démarche est donc à l’initiative du pétitionnaire.
Cette demande est accompagnée d’une note précisant la nature de la ou des dérogations sollicitées et justifiant pour chacune d’entre elles du respect des objectifs et des conditions fixés.
Compte tenu du caractère apparemment discrétionnaire des dérogations, un grand soin doit être apporté à la rédaction de ces notes et demandes de dérogation.
Il nous semble à cet égard qu’une standardisation de ces notes – le cas échéant à travers un formulaire dédié – serait de nature à permettre au pétitionnaire de mieux connaître les critères posés, à encourager la délivrance de dérogations ou justifier leur refus.
Majoration délai d‘instruction et délivrance
L’article R. 423-24 du code de l‘urbanisme prévoit que le délai d’instruction est majoré d’un mois lorsque le projet nécessite une dérogation en application de l’article L. 152-6 du code de l’urbanisme (cf. supra sur les dérogations possibles dans des zones particulières). Cette disposition ne semble pas devoir s’appliquer s’agissant des autres demandes de dérogation.
Le code de l’urbanisme indique en outre que la décision de permis de construire accordant une dérogation doit être motivée (art. L. 424-3 C. urb.). On constate qu’en pratique, les dérogations sont peu nombreuses et accordées de façon plutôt aléatoire.
En revanche, on peut déplorer qu’un refus à une demande de dérogation n’est soumis à aucune obligation de motivation.
Aussi, il nous semble qu’une obligation législative d’accorder les dérogations dès lors que les conditions sont remplies serait plus à même de permettre d’atteindre les objectifs fixés par le législateur.
Quelques précisions
1 Art. L. 152-6 du code de l’urbanisme
2 Art. L. 152-5-1 du code de l’urbanisme
3 Art. L. 152-5-2 du code de l’urbanisme
4 Art. L. 152-6-1 du code de l’urbanisme
5 Art. L. 152-6-2 du code de l’urbanisme. Une définition de la friche a en outre été introduite au sein du code de l’urbanisme, à l’article L. 111-26 : « au sens du présent code, on entend par “ friche ” tout bien ou droit immobilier, bâti ou non bâti, inutilisé et dont l’état, la configuration ou l’occupation totale ou partielle ne permet pas un réemploi sans un aménagement ou des travaux préalables. Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret ».
Dans un souci d’exhaustivité, il pourra être indiqué que le Conseil d’État considère qu’une demande sollicitant une dérogation au règlement du PLU permet de régulariser un permis de construire sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme (sursis à statuer impartissant au pétitionnaire un délai pour obtenir une mesure de régularisation) (CE, 17 décembre 2020, n° 432561).
Distinction entre dérogation et adaptation mineure : il ressort de l’article L. 152-3 du code de l’urbanisme que les règles et servitudes définies par un PLU peuvent faire l’objet d’adaptations mineures uniquement si celles-ci sont « rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes ». Ces adaptations doivent être limitées mais sont observées d’office par les services instructeurs (CE, 11 février 2015, n° 367414).
La Loi de finances 2021 a prorogé le dispositif « Pinel » jusqu’au 31 décembre 2024 mais a instauré une diminution successive et progressive du taux de cette réduction d’impôt pour les acquisitions réalisées à compter du 1er janvier 2023. Toutefois, un nouveau dispositif dénommé « Pinel plus » prévoit une exception afin de pallier cette diminution dont certains contours restent encore à définir.
I. LES ÉVOLUTIONS CERTAINES DU DISPOSITIF « PINEL »
Une dégressivité du taux de réduction
Pour rappel, la réduction d’impôt dont peuvent bénéficier les contribuables au titre du dispositif Pinel varie selon la durée de l’engagement de location du bien :
6 ans jusqu’au 31 décembre 2022 : 12%*
9 ans jusqu’au 31 décembre 2022 : 18%*
12 ans jusqu’au 31 décembre 2022 : 21%*
La Loi de Finances pour 2022 a revu à la baisse ces taux pour :
Les acquisitions du 1er janvier au 31 décembre 2023 :
6 ans : 10.5%*
9 ans : 15%*
12 ans : 17.5%*
Les acquisitions du 1er janvier au 31 décembre 2024 :
6 ans : 9%*
9 ans : 12%*
12 ans : 14%*
* du prix de revient du bien frais de notaire inclus
Une première exception affirmée
L’Etat, afin de favoriser le développement des quartiers dits « prioritaires » prévoit une exception à la dégressivité des taux.
Ces quartiers dits « prioritaires » ont notamment été déterminés par le Décret du 30 décembre 2014 qui a établi une liste de quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPPV).
Ainsi, à titre d’exemples, les contribuables qui acquièrent des biens situés dans les quartiers de communes suivants pourront toujours bénéficier du taux applicable jusqu’au 31 décembre 2022 de la réduction d’impôt :
II. LES INCERTITUDES QUANT AU DISPOSITIF « PINEL PLUS »
La double condition du « Pinel plus »
Dans le neuf, pour les ventes conclues à partir du 1er janvier 2023, c’est-à-dire soumises aux nouveaux taux (réduits), il est possible de conserver les anciens taux à condition de respecter les deux conditions suivantes :
Les constructions devront répondre aux exigences de la norme environnementale RE2020 dont le décret a été publié le 29 juillet 2021.
Les constructions devront répondre à un « référentiel de qualité d’usage » correspondant, selon le rapport Girometti-Leclerc, à des critères de confort tels qu’une hauteur sous plafond de 2.70m ; logements à partir du T3 devant être traversant etc.
Le « Pinel plus » dans l’ancien
La RE2020 ne s’appliquant que pour les immeubles neufs, nous ne savons pas si le seul respect du référentiel de qualité d’usage pour les bâtiments anciens suffira à leur voir appliquer le dispositif « Pinel plus ».
En effet, le Gouvernement ne fait pour l’instant aucune distinction entre le bâtiment neuf et le bâtiment ancien concernant l’applicabilité du dispositif « Pinel plus ».
Des décrets à venir permettront de préciser à la fois les exigences environnementales mais également ce qui est attendu en ce qui concerne le « référentiel de qualité d’usage » dans l’ancien.
Précision
Le dispositif « Pinel plus » n’étant qu’une annonce gouvernementale, une loi est désormais attendue afin de le mettre en place ainsi qu’un décret qui viendra en préciser les conditions.
Le refus de transmission récente d’une QPC s’agissant du refus de permis de construire (CE, 7 octobre 2021, n° 451827) met en lumière l’écart progressivement creusé entre le régime du contentieux du permis de construire et celui du refus, qui ne bénéficie d’aucune particularité procédurale (absence de suppression d’un degré d’appel, de cristallisation automatique des moyens, de présomption du caractère urgent en matière de référé, durée de jugement non limitée à 10 mois, etc.). Pourtant, compte tenu des enjeux en matière de production de logements, le contentieux du refus nécessite tout autant d’attention et de célérité. Dans cet ordre d’idée, le référé-suspension mériterait d’évoluer afin de constituer un outil véritablement utile à l’encontre d’un refus de permis de construire.
I. L’APPRÉCIATION TROP RESTRICTIVE DE L’URGENCE
Condition suspensive et préjudice financier
Deux moyens ont déjà pu être accueillis pour justifier de l’urgence en matière de refus de PC (V. les Nota, colonne de gauche) : d’une part, celui s’appuyant sur une promesse de vente contenant une condition suspensive dont le terme arrive prochainement à échéance ; d’autre part, celui faisant état d’un préjudice financier.
Pour ce qui est de la condition suspensive, la rédaction de celle-ci est essentielle : -le défaut de condition suspensive d’obtention d’un permis de construire a pu être perçu comme un indice d’ « imprudence caractérisée » de nature à neutraliser la condition d’urgence1 ;-le défaut de réalisation d’une condition stipulée dans l’intérêt exclusif de l’acquéreur n’a ni pour objet, ni pour effet de rendre caduque une promesse, de sorte que le refus dont est demandée la suspension ne fait pas obstacle à l’acquisition du bien2.
Pour ce qui est du préjudice financier, la preuve d’une urgence en procédant est particulièrement difficile à rapporter : -l’urgence n’est pas caractérisée lorsque la signature de contrats de réservation révèle une imprudence du pétitionnaire qui aurait dû attendre la « purge » du permis de construire (en l’espèce, contestation du retrait d’un permis)3 ;-un retard dans le début de l’exploitation commerciale est purement éventuel et ne permet pas de qualifier l’urgence à suspendre un refus4.
De l’intérêt d’une présomption d’urgence
L’appréciation très restrictive des critères relatifs à la qualification de l’urgence fait obstacle au succès d’un référé-suspension en ce domaine.
Pourtant, la pratique témoigne d’une certaine instrumentalisation du refus de permis, opposé par des maires de manière parfois « abusive » aux pétitionnaires.
Si le législateur a pu identifier ce phénomène et si la jurisprudence Préfet des Yvelines a constitué un signal fort en permettant au juge d’enjoindre de délivrer un permis de construire à la suite de l’annulation d’un refus, ce régime demeure très largement perfectible.
En effet, les délais de jugement font obstacle à la bonne exécution de projets qui, bien que parfaitement légaux, sont souvent abandonnés de ce fait. Or, les enjeux sus-rappelés en matière de production de logements libres comme sociaux justifieraient une adaptation du régime du référé-suspension intenté contre les refus d’autorisation d’urbanisme.
Il apparaîtrait à cet égard opportun, à tout le moins dans les « zones tendues » (cf. art. 232 CGI) et dans les communes carencées, d’instituer une présomption d’urgence en ce qui concerne les référés-suspension introduits à l’encontre non seulement des retraits de permis de construire (cf. notre bulletin sur le rapport Rebsamen II) mais également des refus de permis de construire portant sur des opérations de logements.
II. UNE SUSPENSION AUX EFFETS ENCORE LIMITÉS
Le permis provisoire
Le juge des référés, après avoir suspendu un acte administratif, peut enjoindre à l’autorité compétente de réexaminer la demande5. Néanmoins, il est considéré que les décisions prises à la suite de ce réexamen disposent d’un caractère par nature provisoire jusqu’à ce qu’il soit statué sur le recours en annulation6.
La jurisprudence a précisé le régime applicable aux permis éventuellement délivrés à la suite de l’injonction de réexamen de la demande consécutive à la suspension d’un refus de permis.
Il en ressort qu’un tel permis, parce qu’il revêt un caractère provisoire, peut être retiré en raison de son illégalité ultérieurement révélée par le jugement au fond, rejetant le recours contre la décision initiale de refus. Ce retrait intervient alors à l’issue d’une procédure contradictoire, dans un délai de trois mois suivant la notification à l’administration dudit jugement7.
Le Conseil d’État a précisé qu’il en allait de même dans l’hypothèse où le bénéficiaire du permis provisoire se désiste de son recours en annulation du refus dont il a obtenu la suspension.
Tout cela est de nature à relativiser l’intérêt de la suspension du refus de permis de construire.
Un intérêt encore restreint
Si le chemin pour y parvenir peut apparaître tortueux, obtenir la suspension d’un refus de permis de construire n’est toutefois pas neutre.
Tout d’abord, elle représente un signal fort. En effet, la reconnaissance du caractère d’urgence ne suffit pas à emporter la suspension d’un refus de permis de construire. Il faut encore démontrer qu’un doute sérieux quant aux motifs de refus du permis de construire est constitué.
Eu égard à ce doute sérieux sur la légalité de son refus, la commune se trouve amenée à reconsidérer sa position ; plus encore, elle ne peut pas, en raison de la force obligatoire de l’ordonnance de suspension, et sauf circonstances nouvelles, prendre une nouvelle décision de refus en se fondant sur des motifs identiques à ceux de la décision de refus initiale8.
Enfin, une ordonnance de suspension d’une décision a normalement pour effet d’accélérer le traitement de l’affaire au principal, avantage qui ne saurait être négligé.
Il serait toutefois pertinent, pour conférer une plus grande puissance au mécanisme, que le juge du fond soit contraint de statuer dans un délai déterminé (de l’ordre de 6 mois) à la suite d’une suspension.
Quelques précisions
L’urgence s’apprécie par la mise en perspective de l’atteinte grave et immédiate aux intérêts du pétitionnaire portée par le refus et de l’atteinte grave et immédiate à un intérêt public qui pourrait résulter de la suspension dudit refus (exemple de l’atteinte à une zone naturelle – contentieux éolien, CE, 25 novembre 2002, n° 248423 : « l’octroi du permis sollicité et l’installation de l’éolienne, avant l’intervention du jugement à rendre sur la légalité de la décision du préfet, porterait atteinte à l’intérêt public qui s’attache à la protection contre une atteinte non justifiée de la zone naturelle dans laquelle M. X… souhaite l’installer »).
Nota : le juge a pu retenir l’urgence lorsque la décision (en l’espèce, un sursis à statuer) est de nature à faire perdre le bénéfice de la promesse consentie sous condition suspensive de délivrance du permis (CE, 23 janvier 2004, n° 257779 – jurisprudence isolée) ; l’urgence a également été caractérisée dans le cas où le vendeur a indiqué attendre l’issue de la procédure de référé pour décider de poursuivre ou non la vente (malgré la caducité)(CE, 22 avril 2005, n° 276043)
Nota bis : un pétitionnaire qui fait état de l’incidence du refus sur son chiffre d’affaires et, surtout, de l’importance dudit projet dans ses perspectives d’activité et ses résultats d’exploitation a pu convaincre de l’atteinte grave et immédiate à ses intérêts, et donc de l’urgence à suspendre le refus de permis de construire(TA Nice, 7 juillet 2009, n° 0901719) ; De même, l’urgence a été reconnue dans le cas d’un troisième refus de permis opposé à la suite de deux refus ayant fait l’objet de suspensions. Dans cette hypothèse, il a été considéré que la situation financière était suffisamment affectée par des retards successifs apportés à l’instructionde sa demande de permis (CE, 2 février 2004, n° 257450).
Voir également à ce sujet :
Fabre Emilie, « Refus et retraits d’autorisations d’urbanisme : le trou béant dans la raquette de la régularisation », Opérations immobilières, mai 2021.
Depuis 1994, le législateur se saisit des spécificités et préoccupations inhérentes au contentieux de l’urbanisme (enjeux financiers, nécessité de produire des logements, contentieux triangulaires etc.) afin d’accélérer le traitement des dossiers et lutter contre les recours malveillants. Le 28 octobre dernier, la commission présidée par M. François Rebsamen a rendu des propositions sur le thème de « la relance durable de la construction de logements ».
Parmi les 24 propositions, certaines portent sur le contentieux des permis de construire, et d’autres, d’un caractère nouveau, sont relatives au contentieux du refus de permis de construire, ce dernier pouvant être également le théatre de comportements que l’on pourrait qualifier « d’abusifs ». Dans l’attente de leur concrétisation, voici le décryptage des mesures proposées.
I. L’APPROFONDISSEMENT DU DISPOSITIF D’ENCADREMENT DES RECOURS CONTENTIEUX DES TIERS
Accélérer
L’allongement des procédures juridictionnelles est l’un des principaux freins à la construction de logements et justifie, selon le rapport, l’approfondissement de mécanismes existants.
La cristallisation des moyens prévue à l’article R. 600-5 du code de l’urbanisme est d’ores et déjà automatiquement acquise à compter d’un délai de deux mois suivant la communication aux parties du premier mémoire en défense.
D’après les membres de la commission Rebsamen, dès lors que le juge conserve la possibilité de fixer une nouvelle date de cristallisation des moyens lorsque le jugement de l’affaire le justifie, la date à laquelle le délai de deux mois commence à courir pourrait être avancée.
Il est ainsi proposé de :
(1) fixer le point de départ du délai de cristallisation automatique1 à compter du dépôt de la requête initiale du pétitionnaire ;
(2) réduire le délai maximal de jugement de 10 mois prévu lorsque font l’objet de recours les permis autorisant la construction de logements collectifs ;
(3) pérenniser ou a minima prolonger le dispositif de la suppression de l’appel en zones tendues2, expérimentée pour l’heure jusqu’au 31.12.2022.
Lutter contre les recours non sérieux
Deux mécanismes – non sans lien avec les précédents – permettraient, selon les auteurs du rapport, de mieux encadrer les procédures contentieuses.
Les auteurs partent du postulat selon lequel certains recours sont « clairement irrecevables et devraient donc pouvoir être jugés rapidement ».
Aussi, ils proposent de permettre au défendeur de présenter dans un délai d’un mois suivant la communication de la requête un mémoire en irrecevabilité. Le juge serait alors tenu de se prononcer sur ladite irrecevabilité sous un délai de deux mois.
Les membres de la commission se sont ensuite penchés sur la sanction des recours dits abusifs au sens du code de justice administrative.
Pour rappel, le requérant peut à la fois être condamné à verser des dommages et intérêts au pétitionnaire (art. L. 600-7 C. urb.3), et à verser une amende au trésor public (art. R. 741-12 CJA).
Il est proposé de relever le montant maximal de l’amende pour recours abusif, à ce jour fixé à 10 000 euros.
Nota bene : compte tenu de la rareté des condamnations au paiement d’une amende pour recours abusif, il semble que cette proposition emporte des effets limités.
II. VERS LA PRISE EN COMPTE DES REFUS/RETRAITS « ABUSIFS » DE PERMIS DE CONSTRUIRE ?
La problématique des refus abusifs
Le législateur s’était jusqu’alors limité à l’adaptation du contentieux des permis de construire et n’avait fait que peu de cas du contentieux du retrait, et surtout du refus.
Seule l’appréciation constructive des articles L. 600-2 et L. 424-3 C. urb. par laquelle le Conseil d’État dans son avis Préfet des Yvelines4 a permis au juge d’enjoindre à délivrer un permis de construire à la suite de l’annulation d’un refus, et marquait enfin la prise en compte des spécificités du refus de permis de construire.
En effet, il ressort de la pratique, d’une part, que compte tenu des enjeux en matière de production de logements, le contentieux du refus nécessite tout autant de célérité et, d’autre part, que l’abus peut trouver un terrain fertile dans les rapports noués entre les autorités compétentes et les porteurs de projet.
En cela, le régime contentieux du refus reste perfectible et les mesures proposées dans le rapport Rebsamen apparaissent à cet égard opportunes.
Mesures proposées
La commission propose différentes mesures s’agissant du contentieux du refus et du retrait.
(1) D’abord, est suggéré de mettre en place une commission locale de médiation présidée par le préfet lorsque les maîtres d’ouvrages sont en conflit avec les communes au sujet de la délivrance de permis.
(2) Ensuite, certaines mesures auraient vocation à être étendues : selon le rapport, le délai de jugement (10 mois à ce jour) devrait être applicable aux contentieux des refus et des retraits d’autorisations d’urbanisme. De même, il est proposé que les tribunaux statuent en premier et dernier ressort (suppression du degré d’appel) sur des contentieux de refus et de retrait, en zones tendues.
(3) Les auteurs du rapport Rebsamen s’intéressent enfin à la procédure de référé-suspension : est proposé d’étendre la présomption d’urgence (art. L. 600-3 C. urb.) au contentieux du retrait de permis de construire (et non au refus, ce qui apparaît regrettable).
Quelques précisions
1Rappel sur la cristallisation des moyens : passé un délai déterminé par le juge ou, comme en urbanisme, automatiquement fixé, les parties ne peuvent plus invoquer de nouveaux moyens (art. R. 600-5 C. urb.). Il importe en droit de l’urbanisme de défendre dans les plus brefs délais afin de permettre de déclencher le délai de deux mois au-delà duquel aucun moyen nouveau ne pourra être soulevé.
2Les zones dites tendues correspondent aux communes citées à l’article 232 du CGI, c’est-à-dire celles soumises à une taxe sur les logements vacants.
3L’article L. 600-7 permet au pétitionnaire de déposer des conclusions reconventionnelles par lesquelles il requiert des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison du recours introduit. Pour ce faire, il faut que le recours soit mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant.
4 Conseil d’Etat, avis, 25 mai 2018,n° 417350, Rec. Leb.
Quid de l’application des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme aux contentieux du retrait et/ou du refus ?
Le Conseil d’État a récemment refusé de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité (CE, 7 octobre 2021, n° 451827) portant sur l’application des mécanismes d’annulation partielle et de sursis à statuer en matière de refus de permis de construire, au motif que ni le droit à un recours juridictionnelle effectif ni le principe d’égalité n’étaient susceptibles d’être atteints par la différence de traitement contentieux des autorisations d’urbanisme et des refus de ces dernières.
Il appartiendra au législateur d’évaluer l’opportunité de l’extension de tels dispositifs aux contentieux du refus et du retrait.
Voir également à ce sujet :
Fabre Emilie, « Refus et retraits d’autorisations d’urbanisme : le trou béant dans la raquette de la régularisation », Opérations immobilières, mai 2021 ;
Bonneau Olivier, Morot-Monomy Camille, « Refus « abusifs » » de permis de construire ? Pas de fatalisme, de la méthode et quelques outils », Gaz. Pal., mai 2021.
Le décret du n° 2021-1345 du 13 octobre 2021 portant modification des dispositions relatives à l’évaluation environnementale des documents d’urbanisme et des unités touristiques nouvelle « parachève la transposition dans le code de l’urbanisme de la directive 2001/42 du 27 juin 2001 relative à l’évaluation de l’incidence de certains plans et programmes sur l’environnement« . Il permet de tirer un trait sur l’annulation par décision du Conseil d’Etat du 19 juillet 2017 (req. n° 400420) des dispositions des articles R. 104-1 et s. du code de l’urbanisme portant sur les modalités de soumission à évaluation environnementale des documents d’urbanisme. Ce bulletin décrit les nouvelles modalités du champ d’application de l’évaluation environnementale aux PLUi, SCoT et cartes communales.
I. L’ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE DES SCOT
II. L’ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE DES PLU
III. L’ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE DES CARTES COMMUNALES
Quelques précisions
Le décret remanie également l’ensemble des dispositions relatives aux obligations en matière d’évaluation environnementale pour les unités touristiques nouvelles.
Le décret prévoit une adaptation du délai d’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme (PC/PA) en cas de mise en compatibilité nécessitant une évaluation environnementale commune (portant sur plusieurs documents d’urbanisme, ou sur un document et un projet en même temps). Dans ce cas, le délai d’instruction ne court qu’à compter de la décision rendant exécutoire la mise en compatibilité (cf. art. R. 423-21_1 C. urb.).
Mesure transitoire : le texte entre en vigueur le lendemain de sa publication, hormis pour les dispositions du décret qui s’appliquent aux procédures d’élaboration et de révision des plans locaux d’urbanisme pour lesquelles une décision de dispense d’évaluation environnementale, prise par l’autorité environnementale en application de l’article R. 104-28 du code de l’urbanisme, est intervenue avant son entrée en vigueur. Les autres procédures pour lesquelles une décision de l’autorité environnementale est intervenue en application de l’article R. 104-28 du code de l’urbanisme avant la date d’entrée en vigueur du présent décret restent régies par les dispositions antérieurement applicables.
Le contenu des enjeux traités par l’éval. env. des PLU et SCoT est précisé (santé humaine, diversité biologique, faune, flore, bruit, climat, patrimoine etc – cf art. R. 151-3 et R. 161-3 CU).
Dans quelles conditions les opérations d’acquisition ou de prise à bail en l’état futur d’achèvement par une personne publique peuvent-elles être exclues du champ de la commande publique et donc être exemptées des procédures de publicité et de mise en concurrence préalables ? Si certains doutes avaient pu être émis sur les opérations de vente et de location en l’état futur d’achèvement à la suite de la réforme de 2015, par deux décisions, l’une nationale (CAA Nancy, 15 avril 2021, n° 19NC02073) et l’autre européenne (CJUE, 22 avril 2021, aff. C-537/19), d’importantes précisions ont été apportées sur l’articulation entre le droit de la commande publique et ces opérations immobilières des personnes publiques. Ces deux décisions reviennent sur les critères permettant d’écarter l’application du code de la commande publique, notamment sur la question de la temporalité entre l’obtention du permis de construire et la signature du contrat d’acquisition ou de location.
I. UNE APPRÉCIATION EUROPÉENNE FAVORABLE AUX LOCATIONS EN L’ÉTAT FUTUR D’ACHÈVEMENT
Une exclusion conditionnelle des BEFA du champ d’application du droit des marchés publics
Au niveau Européen, la CJUE a eu à traiter d’une affaire qui concernait la prise à bail en l’état futur d’achèvement d’un bien immobilier par une entité publique (BEFA).
Par principe, les contrats d’acquisition et de location portant sur des immeubles existants conclus par les personnes publiques sont exclus des règles de publicité et de mise en concurrence. Effectivement, la directive relative à la passation des marchés publics de 2004 alors applicable en l’espèce, puis celle de 2014, ont explicitement exclu ces contrats de leur champ d’application1. Si les directives ne concernent que les immeubles existants, dans l’affaire d’espèce, la Cour a précisé que cette exclusion pouvait également « s’étendre aux locations de bâtiments non existants, c’est-à-dire non encore construits ».
Toutefois, de tels contrats peuvent être requalifiés en marchés publics de travaux et ainsi être soumis aux obligations de publicité et de mise en concurrence lorsque le pouvoir adjudicateur a pris des mesures afin de définir les caractéristiques de l’ouvrage ou, à tout le moins, d’exercer une influence déterminantesur sa conception2:
• Tel est notamment le cas lorsque les spécifications demandées par le pouvoir adjudicateur vont au-delà des exigences habituelles d’un locataire 3.
Une appréciation souple des critères de requalification par le juge européen
La cour, en adoptant une position résolument pragmatique, considère que le contrat litigieux ne pouvait être qualifié de marché public de travaux et s’écarte des conclusions de son avocat général.
Pour arriver à une telle conclusion, la cour retient que « selon une pratique commerciale courante, les projets architecturaux (…) sont mis en location bien avant la finalisation des plans de construction détaillés, de telle sorte que le propriétaire du site (…) n’entame la procédure formelle d’obtention d’un permis de construire que lorsqu’il dispose d’engagements de la part de locataires futurs ». Ainsi, le juge européen ne fait pas de la date d’obtention du permis de construire un critère déterminant.
La CJUE exclut ensuite une éventuelle influence de l’entité publique sur la conception et la réalisation de l’ouvrage constatant même qu’il « est usuel qu’une entreprise, qu’elle soit privée ou publique, qui cherche à louer un immeuble de bureaux, fasse préciser certains souhaits quant aux caractéristiques que ce site devrait, dans la mesure du possible, réunir 4 ». Dès lors, une certaine adaptation des biens aux personnes publiques semble désormais envisageable. L’appréciation relativement souple des critères par la Cour apparaît ainsi propice au recours, par les acteurs publics, aux locations en l’état futur d’achèvement.
II. UNE JURISPRUDENCE INTERNE RASSURANTE SUR LE RECOURS AUX VEFA PAR LES PERSONNES PUBLIQUES
Un recours à la VEFA classiquement limité par la jurisprudence nationale
La CAA de Nancy a quant à elle été saisie de l’acquisition par un contrat de vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) du nouveau siège de Metz Métropole.
La cour précise que le contrat de VEFA est un contrat par lequel « le vendeur transfère immédiatement à l’acquéreur ses droits sur le sol ainsi que la propriété des constructions existantes. Les ouvrages à venir deviennent la propriété de l’acquéreur au fur et à mesure de leur exécution ; l’acquéreur est tenu d’en payer le prix à mesure de l’avancement des travaux »5.
La cour a d’abord pris le soin de rappeler la jurisprudence interne, constante en la matière, selon laquelle « aucune disposition législative n’interdit aux collectivités publiques de procéder à l’acquisition de biens immobiliers au moyen de contrats de vente en l’état futur d’achèvement »6.
Toutefois, le recours à de tels contrats sans respect des obligations de mise en concurrence est uniquement admis lorsque :
• l’opération ne consiste pas à la construction même d’un immeuble pour le compte de personne publique ;
• l’immeuble n’a pas été conçu en fonction des besoins propres de la personne publique ;
• l’immeuble n’a pas vocation à devenir entièrement sa propriété.
Une décision précisant la frontière entre l’acquisition en VEFA et le marché public
Dans sa décision, la CAA se livre à une appréciation très concrète de l’acquisition portée par Metz Métropole afin d’écarter l’application du droit de la commande publique.
Selon la cour « Metz Métropole n’a (…) exercé aucune influence déterminante sur sa nature ou la conception de l’ensemble immobilier, lequel n’a été conçu ni à l’initiative de Metz Métropole, ni en fonction de ses besoins, de sorte que l’opération en cause ne peut être qualifiée de marché public de travaux ».
Plusieurs indices ont conduit la CAA à écarter l’application du droit de la commande publique. D’abord, concernant l’initiative du projet, le permis de construire a été demandé puis obtenu par le constructeur le 4 décembre 2014 alors que les premiers échanges entre la société de construction et la Métropole ne sont intervenus qu’à partir de 2015. Dans le même ordre d’idée, la société de construction avait débuté les démarches de commercialisation avant même que la collectivité ne commence à éprouver de l’intérêt pour le bien. Au regard du droit de l’UE précédemment évoqué, le critère lié à la date d’obtention du permis de construire n’apparait pas absolu, à l’instar de ce qui a été jugé par la CJUE.
Ensuite, l’ensemble immobilier ne comportait pas de caractéristiques particulières qui auraient eu pour objet de répondre aux besoins spécifiques de Metz Métropole. D’autant plus et enfin, Metz Métropole a procédé à la passation de plusieurs marchés publics pour l’aménagement intérieur du bien immobilier.
Quelques précisions :
1 C’est l’article 16 de la directive 2004/18 puis l’article 10 de la directive 2014/24 qui prévoient cette exclusion. Celle-ci est désormais reprise par le code de la commande publique à l’article L. 2512-5;
4 Pour exemple, certaines exigences supérieures aux standards alors en vigueur avaient été émises notamment en matière de performance énergétique du bâtiment ;
6 Conseil d’État, 8 février 1991, Région Midi-Pyrénées, n° 57679 puis Conseil d’État, 14 mai 2008, Communauté de communes de Millau-Grands Causses, n° 280370.
Depuis 25 ans, Rivière | Avocats | Associés est le cabinet de référence dans l’accompagnement d’investisseurs, la sécurisation juridique et la garantie fiscale d’opérations d’investissement immobilier à effet de levier fiscal. Travaillant principalement par l’intermédiaire de conseillers professionnels (CGP, Family Offices, banque privée), le cabinet est régulièrement sollicité pour des questions patrimoniales.
En conséquence, Rivière | Avocats | Associés dispose d’une équipe de spécialistes qui travaille avec les conseillers professionnels sur ces matières. Depuis cet automne 2021, deux nouveaux avocats sont venus renforcer l’équipe.
DROIT ET FISCALITÉ DU PATRIMOINE
Les avocats du Pôle patrimonial de Rivière | Avocats | Associés sont spécialisés dans la résolution des problématiques juridiques et fiscales se rapportant à la structuration et la transmission du patrimoine, tant privé que professionnel.
Apportant son expertise technique dans les diverses disciplines du droit patrimonial (droit des personnes et des sociétés, droit fiscal, immobilier, financier…), le Pôle patrimonial est le garant de la validité et de l’efficacité des solutions mises en œuvre.
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Marie-Bénédicte Pain dirige le Pôle patrimonial. Avocat depuis 2000, elle a rejoint le cabinet en 2008 et est devenue responsable du département fiscalité en 2012. Elle a acquis une compétence particulièrement reconnue en contentieux fiscal, notamment en défiscalisation immobilière.
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La CJUE vient de rendre sa décision tant attendue (affaire C-299/20, 30 septembre 2021, Icade Promotion) : le régime de la TVA sur marge nécessite une condition d’identité juridique entre le bien acquis et le bien revendu mais il ne requiert pas une condition d’identité physique (pour rappel du contexte cf. notre bulletin sur le sujet). En revanche, la Cour indique que ce régime n’a pas vocation à s’appliquer lorsque l’acquisition initiale n’a pas été soumise à TVA alors que la doctrine en vigueur à ce jour prévoit l’inverse …
Le feuilleton jurisprudentiel
Les ventes de terrains à bâtir (« TAB ») sont en principe soumises à la TVA sur le prix total. Toutefois, il est possible d’opter à la TVA sur la seule marge réalisée par le cédant, si l’acquisition du bien n’a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (article 268 du CGI qui correspond à la transposition de l’article 392 de la directive TVA). L’application de ce régime est à l’origine de nombreux contentieux :
1/ Le fisc soutenait que cette possibilité d’option était conditionnée à une identité entre le bien acquis et revendu (le TAB cédé devait avoir été acquis en tant que tel et un TAB issu de la division d’un bien acquis bâti ne pouvait donc bénéficier de l’option sur la marge).
2/ Les juges du fond estimaient que l’application de la TVA sur la marge était conditionnée au seul fait que l’acquisition par le cédant n’ait pas ouvert droit à déduction de la TVA (application littérale de l’article 268 du CGI) et censuraient les redressements fondés sur la condition d’identité juridique ou physique.
3/ Par un arrêt PROMIALP en date du 27 mars 2020, le Conseil d’État a mis fin au débat et a confirmé qu’il devait y avoir identité entre le bien acquis et le bien revendu pour que la TVA sur marge soit applicable.
4/ Il restait des zones d’incertitude quant à la portée de la condition d’identité, raison pour laquelle le CE, dans le cadre d’une nouvelle affaire, a décidé de saisir la CJUE de cette problématique.
Consécration de la condition d’identité juridique par la CJUE
Pour la CJUE : –Le régime de la TVA sur marge requiert une condition d’identité juridique : il faut acheter un TAB et revendre un TAB pour en bénéficier ; –Mais ne requiert pas une condition d’identité « physique » : le TAB peut avoir été divisé en lots avant d’être revendu ou avoir subi des travaux d’aménagement permettant l’installation de réseaux (gaz ou électricité).
Incertitudes quant au champ d’application de la TVA sur marge
Dans son arrêt, la Cour précise que le régime de la TVA sur marge : –s’appliquelorsque l’acquisition des TAB a été soumise à TVA sans que l’assujetti qui les revend ait eu le droit de déduire la taxe ; –mais ne s’applique pas lorsque l’acquisition initiale n’a pas été soumise à TVA (hors champ ou exonérée), ce qui est le cas lorsque le revendeur achète son terrain auprès d’un particulier. La Cour ajoute une exception : si l’acquisition initiale n’est pas soumise à TVA mais que le prix auquel le revendeur a acquis le bien incorpore un montant de TVA acquitté en amont par le vendeur initial (vente grevée d’une TVA devenue précédemment définitive), le régime de la TVA sur marge peut s’appliquer. En pratique il faudrait donc aller vérifier les antécédents de propriété du terrain du vendeur initial qui doit avoir supporté de la TVA lorsqu’il l’a acheté ! Cette position est contraire à la doctrine fiscale en vigueur qui prévoit que le régime de la TVA sur marge s’applique « s’il est établi que l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction ». Elle précise que n’a notamment pas ouvert droit à déduction une acquisition d’immeuble réalisée auprès d’un non-assujetti (particulier) ou une acquisition exonérée de TVA. Si la décision de la CJUE devait être transposée dans la doctrine, cela réduirait considérablement l’application du régime de la TVA sur marge. Affaire à suivre…
La doctrine reste opposable
A ce jour, le BOFIP (BOI-TVA-IMM-10-20-10 §30) prévoit toujours que le régime de la TVA sur marge s’applique lorsque l’acquisition initiale n’a pas été soumise à TVA (hors champ ou exonérée). Sur le fondement de l’article L80 A du LPF, les contribuables pourront donc s’en prévaloir pour continuer à appliquer la TVA sur marge dans l’hypothèse d’acquisition réalisée auprès d’un non-assujetti.
Sécuriser ses opérations immobilières avec la division préalable
En cas d’acquisition d’un immeuble bâti en vue de la revente en TAB du terrain d’assiette, afin de bénéficier du régime de la TVA sur marge, il convient de procéder à des divisions parcellaires avant l’achat. Ainsi le terrain aura été, dès l’acquisition, acquis en tant que TAB. Une telle opération peut présenter un inconvénient économique pour le vendeur (le privant de l’exonération de plus-value sur cession du terrain d’assiette de sa résidence principale par exemple). Pour rappel toute plus-value immobilière réalisée par un particulier est, en tout état de cause, exonérée d’impôt au bout de 30 ans de détention.