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Revenus exceptionnels et déficit global : la réforme du quotient

Si l’impôt sur le revenu est fondé, notamment, sur le principe d’annualité, le Code général des impôts prévoit (article 163-0 A) un mécanisme spécifique d’imposition des revenus exceptionnels ou différés, communément appelé système du quotient. Ce mécanisme permet de limiter les effets de la progressivité de l’impôt en « lissant » l’imposition des revenus exceptionnels ou différés.

Néanmoins, la question s’était posée de l’application de ce mécanisme en présence, avant revenus exceptionnels, d’un revenu ordinaire déficitaire. Ajoutant à la loi, l’administration fiscale avait adopté une interprétation défavorable au contribuable, que le Conseil d’Etat avait jugée illégale. Mais la loi de finances pour 2022 est venue donner force de loi à l’ancienne interprétation administrative, moins avantageuse.

LES INCERTITUDES SUR LA PRISE EN CONSIDÉRATION DU DÉFICIT GLOBAL

Le système du quotient consiste, après avoir calculé l’impôt sur les revenus ordinaires, à calculer l’impôt correspondant au revenu exceptionnel en ajoutant au revenu ordinaire le quart du revenu exceptionnel, puis en multipliant par quatre le supplément d’impôt ainsi obtenu (le coefficient étant différent s’agissant des revenus différés). Ce résultat est ensuite ajouté à l’impôt sur les revenus ordinaires.

Une incertitude était apparue dans le cas où le contribuable présente un revenu ordinaire déficitaire (déficit global) (notamment en cas d’investissement en monument historique) tout en ayant un revenu exceptionnel.

Alors que l’article 163-0 A du Code général des impôts ne prévoyait pas de modalités spécifiques en cas de déficit global, le BOFIP précisait quant à lui que « lorsque le revenu « ordinaire » est constitué par un déficit, celui-ci s’impute sur le montant du revenu exceptionnel avant l’application du système du quotient » (BOI-IR-LIQ-20-30-20).

Le Conseil d’Etat avait, au contraire, jugé qu’il n’y avait pas lieu de déroger à l’art 163-0 A du CGI : le quart du revenu exceptionnel devait s’ajouter au déficit global pour calculer le supplément d’impôt (CE, 9e et 10e chambres réunies, 28 septembre 2016, n° 284465).

Mais la loi de finances pour 2022 a complété l’article 163-0 A du Code général des impôts par la phrase suivante : « le revenu exceptionnel net s’entend après imputation, le cas échéant, du déficit constaté dans la même catégorie de revenu, du déficit global ou du revenu net global négatif » (Loi 2021-1900 du 30 décembre 2021, article 6).

QUE CHANGE CETTE RÉFORME CONCRÈTEMENT ?

Prenons, en le simplifiant, le cas d’un contribuable disposant d’un déficit ordinaire de 30 000 € et d’un revenu exceptionnel de 100 000 €.

Selon l’ancienne méthode

Pas d’impôt sur les revenus ordinaires puisque le contribuable présente un déficit global. 

Le quotient est égal au quart du revenu exceptionnel, soit 25 000 €. 

La somme du quotient et du déficit global est égale à – 5 000 €, donc négative, soit un impôt nul. 

Impôt dû : 0 + (4 x 0) = 0.
Selon la nouvelle méthode 

Pas d’impôt sur les revenus ordinaires puisque le contribuable présente un déficit global. 

Le quotient est égal au quart de la différence entre le revenu exceptionnel et le déficit global, soit 17 500 €. 

Le déficit global n’est plus pris en compte au stade du calcul de l’impôt sur le revenu exceptionnel, ce qui donne donc un impôt sur le quotient de 800, que l’on multiplie par 4. 

Impôt dû : 0 + (4 x 800) = 3200 €.

En présence d’un revenu ordinaire déficitaire, la nouvelle règle est donc moins favorable que l’ancienne. En revanche, si le revenu ordinaire reste positif, elle ne trouvera pas à s’appliquer.

Un investissement en monument historique garde toute sa pertinence en cas de revenu exceptionnel, mais la stratégie devra être adaptée aux nouveaux textes.

Qu’est-ce qu’un revenu exceptionnel ou différé

Est considéré comme exceptionnel un revenu :

  • qui n’est pas susceptible d’être recueilli annuellement : plus-value de cession, distribution de réserves (en cas d’option pour l’imposition au barème), indemnité de pas-de-porte…
  • et dont le montant dépasse la moyenne des revenus nets soumis à l’impôt au titre des trois dernières années.

Par dérogation, l’article 163-0 A du CGI prévoit que certains revenus sont exceptionnels même si cette seconde condition n’est pas remplie.

Est considéré comme différé le revenu dont le contribuable, par suite de circonstances indépendantes de sa volonté, a eu la disposition au cours d’une année, mais qui, par sa date normale d’échéance, se rapporte à une ou plusieurs années antérieures.

Comment bénéficier du système du quotient ?

Ce système n’est pas automatique, mais est une faculté offerte au contribuable.

L’option doit être mentionnée expressément sur la déclaration n° 2042. Selon les cas, certains renseignements doivent être joints à la déclaration (bénéficiaire au sein du foyer fiscal, nature du revenu…).

Attention, ce mécanisme n’a pas d’incidence sur l’assiette de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR), pour laquelle existe un mécanisme de lissage spécifique.

Le certificat de projet : un outil aux bénéfices mesurés

Créé à titre expérimental par l’ordonnance n° 2014-356 du 20 mars 2014 relative à l’expérimentation d’un certificat de projet, puis pérennisé par l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale, le certificat de projet codifié aux articles L. 181-5 et suivants du code de l’environnement se distingue du certificat de projet institué à titre expérimental par la loi « climat et résilience » du 22 août 2021 dont les modalités d’application restent à déterminer. En matière d’autorisation environnementale, le certificat de projet permet au pétitionnaire d’identifier les régimes, procédures et décisions nécessaires pour réaliser son projet, en lui offrant un cadrage en amont du dépôt de la demande d’autorisation environnementale et en réduisant les risques d’irrégularité du dossier, dont le montage s’avère souvent complexe (I). Toutefois, son utilité doit être nuancée eu égard à ses effets, somme toute limités (II).

I. UN CADRAGE EN AMONT CLARIFIANT LA PROCÉDURE DE DEMANDE D’AUTORISATION ENVIRONNEMENTALE

L’identification des régimes applicables

Le porteur d’un projet soumis à autorisation environnementale (certains projets immobiliers de grande importance, parc éolien, etc.) peut déposer une demande de certificat de projet auprès du préfet de département, en amont du dépôt de sa demande d’autorisation environnementale (art. L. 181-5 c. env.
et s.). 

Dans un délai de deux mois1 et en fonction des informations transmises par le pétitionnaire, le préfet établit un document indiquant :

  • les régimes, procédures et décisions relevant de sa compétence, auxquels le projet envisagé est soumis (autorisation de défrichement, DDEP, loi sur l’eau, etc.) ;
  • les principales étapes de l’instruction et la liste des pièces requises pour chacune d’elles, permettant de s’assurer du caractère complet du dossier ;
  • la situation du projet au regard des dispositions relatives à l’archéologie préventive.

De plus, il est loisible au préfet de mentionner les autres régimes, procédures et décisions dont le projet est susceptible de relever ainsi que de transmettre des informations qu’il estime utiles, notamment les éléments de nature juridique ou technique qui pourraient faire obstacle à la réalisation du projet.

La mention obligatoire des délais d’instructions

Outre une vision plus claire des étapes procédurales, le certificat de projet comporte également l’indication des délais d’instruction règlementairement prévus. 

A cet égard, le préfet peut fixer un calendrier d’instruction dérogatoire aux délais règlementaires pour les procédures et décisions identifiées, qui engage l’administration et le pétitionnaire, à condition que ce dernier :

  • contresigne le calendrier d’instruction ;
  • le retourne au préfet dans un délai d’un mois après la notification. 

Toutefois, ces calendriers d’instruction dérogatoires ne semblent que très rarement mis en œuvre, le guichet unique instauré par les ordonnances de 2014 et 2017 ayant généré un engorgement des services instructeurs.

La DRIEE Île de France a ainsi constaté en 2020 que la durée globale d’instruction des procédures n’avait pas diminuée, avec une instruction moyenne de 10 mois et 27 jours pour l’autorisation environnementale d’une ICPE2

 II. LA PORTÉE LIMITÉE DU CERTIFICAT DE PROJET POUR LE PÉTITIONNAIRE

Une cristallisation réservée aux friches

Initialement, le certificat de projet mis en place par l’ordonnance du 20 mars 2014 avait pour effet de cristalliser les règles applicables pendant dix-huit mois à l’instar du certificat d’urbanisme. 

En ce sens, si une demande d’autorisation environnementale était déposée dans les dix-huit mois suivant la notification du certificat, la règlementation applicable à cette demande était celle en vigueur à la date de la délivrance dudit certificat. 

Cet effet cristallisateur ayant été jugé trop complexe à mettre en œuvre3, il n’a pas été repris par l’ordonnance de 2017. Dès lors, une évolution des règles juridiques applicables au projet entre le moment de la délivrance du certificat de projet et celui de la délivrance de l’autorisation environnementale n’est pas à exclure, générant incertitudes et insécurité pour le porteur de projet. 

Toutefois, il est intéressant de relever que la loi « climat et résilience » du 22 août 2021 a prévu à titre expérimental et pour une durée de trois ans, la possibilité pour le porteur d’un projet immobilier intégralement  situé sur une friche, sous certaines conditions, de demander un certificat de projet, avec une cristallisation des règles d’urbanisme applicables 4.

Une responsabilité de l’administration limitée

Le certificat de projet revêtant un caractère indicatif et ne préjugeant pas de la délivrance future de l’autorisation environnementale, les informations qu’il contient ne peuvent être invoquées à l’appui d’un éventuel refus ultérieur d’autorisation environ-nementale

Par ailleurs, si le pétitionnaire n’est pas dépourvu de toute possibilité d’action puisque les informations contenues dans le certificat de projet engagent la responsabilité de l’administration « lorsque leur inexactitude ou la méconnaissance des engagements du calendrier a porté préjudice au bénéficiaire du certificat » (art. L. 181-6 c. env.) ce recours semble également limité puisque ces informations dépendent de celles transmises par le pétitionnaire.

Conseil opérationnel : le caractère complet du certificat de projet étant subordonné aux informations transmises par le pétitionnaire lors de la demande du certificat de projet
(art. L. 181-6 du code de l’env.), il convient de fournir des informations précises et détaillées afin d’optimiser les bénéfices conférés par le certificat de projet.

Quelques précisions

Le délai de deux mois court à compter de l’accusé de réception du dossier complet de la demande. Il peut être prolongé d’un mois par le préfet qui en informe le demandeur et motive cette prolongation.

Cf. la charte d’engagement entre la DRIEE Île-de-France et les bureaux d’études publiée par la DRIEE en septembre 2020 pour instruire plus vite les dossiers de demande d’autorisation environ-nementale.

Rapport ministériel de décembre 2015 sur l’évaluation des expérimentations de simplification en faveur des entreprises dans le domaine environnemental.

Article 212 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (dite « loi climat et résilience ») pour lequel un décret en Conseil d’État définissant les modalités d’application était initialement prévu en janvier 2022.

Les tiers peuvent-ils contester un certificat de projet ? (non)

Dans une décision du 27 décembre 2018, n° 17BX00034, la CAA de Bordeaux a jugé que les tiers ne disposaient pas d’un intérêt à agir à l’encontre d’un certificat de projet. Eu égard aux effets qu’il produit, les informations qu’il contient n’affectent que le porteur de projet.

Abréviations

CAA : cour administrative d’appel

DDEP : dérogation à l’interdiction de destruction des espèces protégées et de leurs habitats

DRIEE: Direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie 

ICPE: installation

Expropriation – Impossibilité de renoncer au droit de rétrocession (non acquis)

Dans une décision n° 20-19.351 du 19 janvier 2022, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a précisé les modalités de mise en œuvre du droit de rétrocession. Elle a ainsi jugé que l’expropriant ne peut pas, en amont, demander au propriétaire exproprié de renoncer à son droit de rétrocession dans l’hypothèse où l’opération d’expropriation ne serait pas réalisée.
Cette jurisprudence condamne donc avec fermeté la pratique tendant à faire signer à l’exproprié une clause de renonciation à son droit de rétrocession concomitamment au versement des indemnités d’expropriation par acte notarié.

La Cour a donc réaffirmé la protection du droit de rétrocession des expropriés (I.) tout en précisant les modalités dans lesquelles il reste possible d’y renoncer (II.)

I. LA PROTECTION DU DROIT DE RÉTROCESSION 

La définition du droit de rétrocession

L’article L. 421-1 du code de l’expropriation dispose que :

« Si les immeubles expropriés n’ont pas reçu, dans le délai de cinq ans à compter de l’ordonnance d’expropriation, la destination prévue ou ont cessé de recevoir cette destination, les anciens propriétaires ou leurs ayants droit à titre universel peuvent en demander la rétrocession pendant un délai de trente ans à compter de l’ordonnance d’expropriation, à moins que ne soit requise une nouvelle déclaration d’utilité publique. »

Cet article permet aux propriétaires expropriés, dans les cas où l’opération d’expropriation ne serait finalement pas réalisée, et ce même après leur indemnisation et leur départ, de se voir rétrocéder leur bien.

La nullité des clauses de renonciation par anticipation

Par un arrêt du 19 janvier 2022, la troisième chambre civile de la Cour de cassation juge que « l’exproprié peut renoncer au droit de rétrocession, qui relève de l’ordre public de protection, une fois celui-ci acquis ».

Ainsi le droit de rétrocession relève de l’ordre public et, conformément à la jurisprudence constante en la matière (1), « nul ne peut valablement renoncer à un droit d’ordre public avant qu’il ne soit acquis ».

Dès lors, toute clause qui aurait pour effet de faire renoncer l’exproprié à son droit de rétrocession, alors que celui-ci n’est pas encore né, sera considérée comme nulle.

II. QUAND PEUT-ON RENONCER À SON DROIT DE RÉTROCESSION ? 

Après un délai 5 ans (destination non conforme à la DUP)

La Cour énonce que le droit de rétrocession est acquis « 5 ans après l’ordonnance d’expropriation si les biens n’ont pas reçu la destination prévue par la déclaration d’utilité publique ou ont cessé de recevoir cette destination ».

Il s’agit du cas où l’exproprié constate, à l’issue de ce délai, que le projet envisagé par la DUP n’a pas été mis en œuvre par l’expropriant, ou bien qu’il a été réalisé dans ce délai mais que la destination des biens expropriés a, depuis, été modifiée et ne correspond plus au projet prévu par la DUP.

L’expropriant ne dispose que de 5 ans pour réaliser un projet conforme à celui déclaré d’utilité publique. Une fois ce délai expiré, l’exproprié peut demander la rétrocession de son bien s’il s’avère que le projet est, en l’état, non conforme à la déclaration d’utilité publique.

La Cour estime alors que son droit de rétrocession est né et qu’il peut ainsi valablement y renoncer à compter de cette date.

Avant l’expiration du délai de 5 ans (incompatibilité avec le projet prévu par la DUP)

La Cour rappelle qu’il existe une seconde hypothèse ouvrant le droit de rétrocession : « avant même l’expiration du délai de 5 ans, si le projet réalisé est incompatible avec celui déclaré d’utilité publique ».

Le droit de rétrocession est acquis avant l’expiration du délai de 5 ans prévu par la loi dans le cas où le projet serait réalisé dans ce délai mais serait incompatible avec celui ayant justifié la déclaration d’utilité publique. L’exproprié pourrait, alors, dans cette hypothèse être susceptible de faire valoir son droit à rétrocession. Il sera donc également en mesure d’y renoncer. La Cour avait déjà admis cette possibilité et n’effectue ici qu’un rappel. (4)

Si la personne publique décide de mettre en vente le bien exproprié, elle doit informer en priorité l’exproprié de sa décision de vendre, et l’inviter à opter entre l’exercice immédiat du droit de rétrocession ou la renonciation à ce droit.L’exproprié a 2 mois pour faire connaître son acceptation et proposer un prix de vente. S’il n’y a pas d’accord sur le prix de vente, la personne publique doit saisir le juge de l’expropriation.

Quelques précisions

(1) Voir notamment : Civ 2e, 25 mars 1991, n°89-21 ; 3e Civ., 27 octobre 1975, n° 74-11.656  

(2)  Civ. 3e, 26 mars 2014, n° 13-13.670

(3)  Civ. 3e, 18 avril 2019, n° 18-11.414

(4) Civ. 3e, 19 février 1992, n° 90-12.652

Point de vigilance 

Droit de rétrocession et droit au délaissement

Il est constant que l’exercice du droit de délaissement, constituant une réquisition d’achat à l’initiative du propriétaire du bien, ne permet pas au cédant de solliciter la rétrocession de ce bien sur le fondement de l’article L. 421-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, même lorsque le juge de l’expropriation a donné acte aux parties de leur accord sur la fixation du prix et ordonné le transfert de propriété au profit de la collectivité publique. (2)

Par ailleurs, un propriétaire qui a fait usage du droit de délaissement ne pourra bénéficier ensuite de son droit à rétrocession. Il pourra seulement obtenir une indemnisation en cas d’atteinte au droit au respect des biens, notamment lorsque la commune vend ledit bien à un prix nettement supérieur au prix d’achat. (3)

Abréviations

Civ. Chambre civile de la Cour de cassation

DUP Déclaration d’utilité publique

Publication du décret relatif à l’évaluation environnementale des projets ou l’introduction de la « clause-filet » : les projets de moins de 10 000 m² désormais concernés !

Publié le 26 mars 2022 et applicable aux déclarations et demandes d’autorisations déposées dès le 27 mars 2022, le décret n° 2022-422 du 25 mars 2022 relatif à l’évaluation environnementale des projets instaure un nouveau dispositif afin de soumettre certains projets situés en deçà des seuils fixés à l’annexe de l’article R. 122-2 du code de l’environnement, à la réalisation d’une évaluation environnementale. Ce décret fait suite à l’annulation par le Conseil d’État du décret n° 2018-435 du 4 juin 2018 en tant qu’il ne prévoyait pas d’autres critères que la dimension des projets pour soumettre ces derniers à évaluation environnementale. L’introduction de la « clause-filet » vient donc pallier l’inconformité du droit français à la directive européenne 2011/92/UE du 13 décembre 2011 qui impose de prendre en compte la localisation des projets et leurs impacts. Bien que ce nouveau dispositif suscite certaines interrogations (I), nous tenterons de proposer une illustration de l’application de cette clause-filet à un projet immobilier soumis à une déclaration au titre de la loi sur l’eau (II).

I. MODE D’EMPLOI (PARTIEL) DU NOUVEAU DISPOSITIF POUR LES PROJETS SITUÉS EN DEÇÀ DES SEUILS FIXÉS A L’ANNEXE DE L’ARTICLE R. 122-2 DU CODE DE L’ENVIRONNEMENT

Cliquer ici pour voir le schéma.

II. ILLUSTRATION : NOUVEAU PROJET IMMOBILIER DE 7 000 M2  DE SURFACE DE PLANCHER OU D’EMPRISE AU SOL SOUMIS À DÉCLARATION « LOI SUR L’EAU » (PAR EX : RUBRIQUES 2.1.5.0, 1.1.1.0).

Dans notre cas, le projet est situé en-deçà des seuils fixés à l’annexe de l’article R. 122-2 du code de l’environnement

(cf. rubrique 39. Travaux, constructions et opérations d’aménagement).

Cliquer ici pour voir le schéma.

Précisions

1 Lorsque le projet nécessite plusieurs autorisations relevant de législations indépendantes, seule la première autorité saisie de la première demande se prononcera dans les 15 jours sur la nécessité ou non de saisir l’autorité en charge de l’examen au cas par cas.

Afin d’assurer la coordination des différentes autorités amenées à se prononcer sur un volet du projet, le décret impose au pétitionnaire de mentionner les déclarations et autorisations déjà déposées, la date du dépôt et l’autorité compétente.

2 Il s’agit des critères énumérés à l’annexe III de la directive 2011/92/ UE du 13 décembre 2011 (caractéristiques, localisation, impacts du projet).

3 Le décret se borne à indiquer que le délai de 15 jours dont dispose l’autorité saisie court à compter du dépôt de dossier de demande. Il apparaît toutefois vraisemblable que ce dossier doit présenter un caractère complet. Cette précision a d’ailleurs été faite dans les nouvelles dispositions relatives à la procédure d’autorisation de défrichement (article 5 du décret). 

4 L’hypothèse la plus stricte voudrait que le silence de l’administration vaille obligation pour le pétitionnaire de déposer un dossier de demande d’examen au cas par cas. Néanmoins, en l’absence de précisions en ce sens par le décret, et compte tenu de la rédaction de l’article R. 122-2-1 (II) c. env., ce silence pourrait seulement emporter la reprise de l’instruction.

5 L’article R.122-3 c. env. auquel le décret renvoie ne précise pas le délai dont dispose le maître d’ouvrage pour saisir l’autorité en charge de l’examen au cas par cas.

Fiscalité immobilière post-Brexit : résidents britanniques, à vos réclamations !

Un an après, les conséquences fiscales du Brexit ne sont pas encore tout à fait arrêtées. En sortant de l’Union européenne le 1er janvier 2021, le Royaume-Uni est devenu un État tiers à l’Union Européenne et n’entrait plus, à ce titre, dans le champ de l’exonération des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine. Néanmoins, par une mise à jour de sa documentation informative, la direction générale des finances publiques (DGFiP) prévoit la possibilité de maintenir l’exonération de CSG/CRDS pour les britanniques à trois conditions.

Les prélèvements sociaux des non-résidents

Pour rappel (cf. notre précédent bulletin sur le sujet), le régime des prélèvements sociaux afférents aux revenus du patrimoine (revenus locatifs, plus-values immobilières…) applicable aux non-résidents fiscaux dépend du pays au sein duquel ces personnes sont affiliées à un régime de sécurité sociale :​

  • Soit le non-résident fiscal est affilié à un régime de sécurité sociale d’un Etat membre de l’UE, de l’EEE, de la Suisse ou d’un Etat ayant conclu avec la France une convention bilatérale de sécurité sociale : il est alors exonéré de CSG et de CRDS mais reste soumis au prélèvement de solidarité au taux de 7,5 % (CGI, art. 235 ter).​​
  • Soit le non-résident fiscal n’est pas affilié à un régime de sécurité sociale dans l’un des Etats susvisés : il est alors assujetti aux prélèvements sociaux au taux global de 17,2 % dans les mêmes conditions qu’un résident fiscal français.​

Le changement de paradigme lié au Brexit

L’exonération de la CSG/CRDS est prévue au profit des ressortissants des États parties au règlement (CE) n°883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, en raison du principe européen d’unicité du régime de protection sociale des ressortissants des Etats membres. En sortant de l’Union européenne, le Royaume-Uni n’était plus, de facto, partie à ce règlement.​

Par conséquent nombre de commentateurs avaient logiquement considéré que les ressortissants britanniques qui procédaient à des ventes immobilières en France post Brexit n’entraient plus dans le champ d’application de l’exonération de prélèvements sociaux. ​

A partir de cette date, la pratique a donc consisté à assujettir aux prélèvements sociaux au taux global de 17,2 % les plus-values immobilières de source française.

Une exonération finalement maintenue à trois conditions​

Le 14 janvier 2022, la DGFiP a publié un document intitulé « Liste de questions/réponses à destination des particuliers », relatif aux conséquences fiscales du Brexit. ​

L’administration fiscale confirme l’analyse selon laquelle les ressortissants britanniques ne sont plus, en principe, concernés par les exonérations de prélèvements sociaux. ​

Néanmoins, cette exonération est maintenue pour les revenus du patrimoine des contribuables qui respectent les trois conditions suivantes :​

  • être affiliés à la sécurité sociale britannique ;​
  • être ressortissants ou résidants légaux de France, du Royaume-Uni ou d’un autre État membre de l’Union européenne ;​
  • ne pas être à la charge d’un régime obligatoire de sécurité sociale français.  ​

L’administration fiscale précise toutefois que les ressortissants britanniques concernés demeurent en tout état de cause assujettis au prélèvement de solidarité de 7,5 %. ​

Une incitation à corriger les impositions indues au titre de l’année 2021

L’administration fiscale incite les contribuables ayant indûment payés 17,2 % de prélèvements sociaux sur leurs plus-values immobilières à solliciter leur restitution dans les délais de réclamation contentieuse de droit commun. ​

Les demandes de restitution, qui doivent intervenir par voie de réclamation contentieuse, peuvent être introduites jusqu’au 31 décembre de la deuxième année qui suit celle du paiement de l’impôt.​

S’agissant de prélèvements sociaux payés à tort sur des plus-values en 2021 par exemple, les contribuables ont jusqu’au 31 décembre 2023 pour réclamer.​

Les revenus fonciers 2021 qui n’ont pas encore été déclarés et donc non encore imposés ne sont pas concernés par ces réclamations. Il conviendra de vérifier qu’ils ne soient pas soumis à CSG/CRDS au titre de l’impôt sur le revenu 2021.​

La portée concrète de cette position

Le document informatif visant les « prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine », le maintien de l’exonération de CSG/CRDS s’applique, pour les résidents britanniques, aux :​

  • plus-values immobilières ;​
  • revenus fonciers ;​
  • revenus tirés de location meublée ;​
  • et plus généralement à tous les « revenus d’immeubles sis en France ou de droits relatifs à ces immeubles ». ​

Pour tous ces revenus, seul le prélèvement de solidarité de 7,5 % reste applicable. ​

Les résidents britanniques restent tenus à la représentation fiscale

Par principe, les ressortissants étrangers réalisant des plus-values en France sont tenus de désigner un représentant fiscal responsable du bon déroulement de l’imposition des plus-values en France (CGI, art. 244 bis A). ​

Par exception, les ressortissants de pays membres de l’UE ou de l’EEE (sous certaines conditions) sont dispensés de cette obligation. ​

Le Royaume-Uni ne faisant plus partie ni de l’UE, ni de l’EEE, ses ressortissants sont donc tenus de désigner un représentant fiscal à l’occasion des plus-values réalisées en France. 

Détermination de la plus-value imposable dans la rénovation immobilière

Les dépenses permettant de majorer le prix d’acquisition, et donc de réduire le montant de la plus-value imposable, sont limitativement énumérées par l’article 150 VB du CGI mais dépendent également du régime fiscal choisi à l’occasion de l’opération de restauration immobilière.

LES DÉPENSES DE TRAVAUX MAJORANT LE PRIX D’ACQUISITION

Le prix d’acquisition doit être majoré des frais notariés, des éventuelles commissions d’intermédiaires, des droits d’enregistrement et de certaines dépenses de travaux, à savoir les dépenses d’amélioration et les dépenses de (re)construction, d’agrandissement ou de démolition, sous réserve qu’elles n’aient pas déjà été déduites de l’assiette de l’impôt sur le revenu ou du revenu global ou été incluses dans la base d’une réduction ou d’un crédit d’impôt (article 150 VB II 4°du CGI).

Les dépenses d’entretien et de réparation sont, quant à elles, exclues des dépenses pouvant être prises en compte pour le calcul de la plus-value.

PLUS-VALUE ET NATURE JURIDIQUE DE L’OPÉRATION

Que l’opération soit effectuée dans le cadre d’une VIR (article 150 VB I du CGI) ou d’une ASL (et de manière générale, pour toute vente en l’état avec réalisation de travaux par l’acquéreur), les modalités de majoration du prix d’acquisition pour le calcul de la plus-value immobilière restent les mêmes.

Ainsi, tant en VIR qu’en ASL, les dépenses de travaux qui sont déduites de l’assiette de l’impôt ou incluses dans la base d’une réduction ou d’un crédit d’impôt ne peuvent venir majorer également le prix d’acquisition de l’immeuble.

C’est aussi le cas des opérations pour lesquelles la doctrine fiscale est revenue sur sa position dans une réponse ministérielle en date du 10 janvier 2019. Désormais, même pour les opérations « Malraux » réalisées en VIR, les dépenses de travaux incluses dans la réduction d’impôt ne peuvent plus venir majorer le prix d’acquisition pour réduire le montant de plus-value imposable. Il reste toutefois possible de contester la position de l’administration fiscale relative à la VIR dès lors que la rédaction de l’article 150 VB I du CGI n’a pas été modifiée (cf. bulletin du 5 mars 2019).

PLUS-VALUE ET RÉGIME FISCAL DE L’OPÉRATION

Comme indiqué, le contribuable ne peut en principe inclure les dépenses de travaux déjà comprises dans la base d’une réduction d’impôt afin de majorer le prix d’acquisition pour le calcul de la plus-value immobilière quelle que soit la nature de l’opération, en VIR ou en ASL.

Il existe néanmoins une différence fondamentale entre le régime « Pinel » et le régime « Malraux ».

En effet, afin de ne pas pénaliser les contribuables qui investissent dans l’ancien, une mesure de tempérament bénéficie aux régimes fiscaux qui sont ouverts tant aux acquisitions de logements anciens qu’aux acquisitions de logements neufs ou en l’état futur d’achèvement, tel que le régime Pinel (BOI-RFPI-PVI-20-10-20-265). Ainsi dans le  « Pinel ancien » comme dans le « Pinel neuf », il est possible de venir majorer le prix d’acquisition des dépenses de travaux déjà comprises dans la réduction d’impôt et ce, tant dans les opérations en VIR qu’en ASL.

Il serait opportun de questionner l’administration fiscale sur la possibilité d’étendre cette mesure de tempérament aux opérations réalisées en « Denormandie » dès lors que certaines d’entre elles peuvent aboutir à la livraison d’un immeuble neuf.

A l’inverse, l’administration fiscale en écarte totalement le régime fiscal « Malraux » puisque circonscrit aux seules acquisitions de bâtiments anciens.

La majoration forfaitaire du prix d’acquisition

Au lieu de majorer son prix d’acquisition des dépenses de travaux pour leur montant réel, le contribuable peut opter pour une majoration forfaitaire de 15% de ce prix s’il cède son bien plus de 5 ans après son acquisition sans qu’il y ait lieu de rechercher si les dépenses de travaux ont déjà été déduites de l’assiette de l’impôt ou même simplement réalisées.

Précisions concernant l’imposition de la plus-value immobilière

La plus-value est imposable au titre de l’IR (au taux de 19%) ainsi qu’au titre des prélèvements sociaux (au taux de 17,2%), soit une imposition totale au taux de 36,2%.

Précisions sur les abattements pour durée de détention

Concernant l’IR :

  • De la 1e année à la 5e : aucun
  • De la 6e à la 21e inclue : 6% par an
  • 22e année révolue : 4%
  • Au-delà : exonération

Concernant les prélèvements sociaux :

  • De la 1e année à la 5e : aucun
  • De la 6e à la 21e inclue : 1,65% par an
  • 22e  année : 1,6%
  • De la 22e à la 30e : 9% par an
  • Au-delà : exonération

Dirigeant de société : comment anticiper sa succession ?

La transmission des titres d’une société peut être largement anticipée, tant sur le plan juridique (donation, donation-partage, réserve d’usufruit…) que sur le plan fiscal (notamment par la conclusion d’un pacte Dutreil). Mais la succession à la tête de la société mérite également d’être anticipée bien avant la transmission : elle seule peut garantir la continuité de l’exploitation, notamment en cas de décès prématuré du dirigeant.

Plusieurs mécanismes peuvent être envisagés, certains relevant du droit civil, d’autres du droit des sociétés, le choix devant être guidé, au cas par cas, selon les enjeux en cause, tant professionnels que familiaux.

METTRE EN PLACE UN MANDAT A EFFET POSTHUME

Prévu par les articles 812 et suivants du Code civil, le mandat à effet posthume permet de donner à une ou plusieurs personnes (physiques ou morales) le pouvoir d’administrer ou de gérer tout ou partie de sa succession, pour le compte et dans l’intérêt d’un ou plusieurs héritiers nommément désignés.

Reçu obligatoirement en la forme authentique, ce mandat a une durée de cinq ans (qui peut être prorogée) s’il est motivé par « un intérêt sérieux et légitime », notamment l’inaptitude ou l’âge des héritiers, ou la nécessité de gérer des biens professionnels.

Si la succession comporte des titres de société, le mandataire aura qualité pour voter en assemblée générale, voire se désigner dirigeant. Toutefois, si en règle générale, le mandataire peut exercer les actes d’administration, il n’en est pas de même pour les actes de disposition (à moins qu’ils ne soient nécessaires à la conservation ou la valorisation du patrimoine successoral).

Par ailleurs, le caractère temporaire du mandat, son ouverture limitée mais également la complexité de sa mise en place (concurrence avec l’exécuteur testamentaire) en font un outil imparfait.

CONSTITUER UNE HOLDING FAMILIALE

Le recours à une holding familiale permet de conforter la position de l’un des héritiers en tant que successeur dans la direction de la société, sans avoir à transmettre par avance les titres à l’ensemble des héritiers.

Soit, par exemple, le cas d’une société, dont le capital est divisé en 1000 actions détenues par une personne X, qui a trois enfants ; l’un d’eux (que l’on appellera Z) a vocation à lui succéder comme dirigeant. Si rien n’est fait, les titres de la société seront transmis à égalité entre les enfants et le successeur sera minoritaire (333 actions).

La constitution d’une holding familiale permettra  de bénéficier d’un effet de levier juridique et d’éviter cet écueil :

  • X donne 160 actions à Z ;
  • Constitution d’une société holding, Z apporte les 160 actions reçues, X apporte 240 actions. Z est désigné mandataire social (cf. ci-après).

 Au décès de X :

  • Dans la holding, chaque héritier recevra 80 actions ; Z disposera donc de 160 + 80 = 240 actions.
  • Dans la filiale, la holding détiendra 400 actions et les héritiers 200 actions chacun.

Dans la mesure où il contrôle la holding, Z détient donc, directement ou indirectement, la majorité des droits de vote dans la filiale (400 + 200) et est assuré d’y conserver le pouvoir.

DESIGNER PAR AVANCE SON SUCCESSEUR

Si le droit des sociétés ne connaît pas de mécanisme général permettant de désigner par avance la personne qui succèdera au mandataire social à son décès, plusieurs options sont ouvertes, qui dépendent avant tout de la forme de la société.

S’agissant d’une société civile, la cogérance est admise, tout comme la désignation d’une personne morale (holding familiale) en qualité de gérant.

Si la société est une SARL, la désignation d’un gérant suppléant n’est pas admise, ni celle d’une personne morale. En revanche, il est possible de désigner une cogérance, soit en organisant les pouvoirs entre cogérants (mais la limitation des pouvoirs ne serait pas opposable aux tiers), soit en repoussant dans le temps la prise d’effet des fonctions de l’un d’eux (par exemple au décès ou à l’incapacité de l’autre). La modification devra être publiée au RCS à la date de sa prise de fonction (Avis CCRCS n° 2012-010 du 23 mars 2012).

Si la société est une SAS, il n’est pas possible de désigner une co-présidence, mais a été admise la désignation, par voies statutaire ou assemblée générale :

  • d’un suppléant, qui sera amené à exercer la présidence en cas de décès ou d’empêchement de l’actuel président, jusqu’au terme du mandat de celui-ci ;

d’un successeur, qui deviendra de plein droit président au décès de son prédécesseur.

Pacte Dutreil : l’encadrement des fonctions de direction

Lorsque la transmission de la société bénéficie du régime du Pacte Dutreil (cf nos précédents bulletins), l’exercice des fonctions de direction est restreint.

Avant la transmission, la direction de la société (gérant de SARL, président de société par action…) doit être exercée par l’un des signataires de l’engagement collectif de conservation.

Après la transmission, la direction de la société peut être exercée :

  • Soit par l’un des signataires de l’engagement collectif de conservation,
  • Soit par l’un des bénéficiaires de la transmission qui a souscrit un engagement individuel de conservation.

Des modalités spécifiques sont prévues, par exemple au cas où l’engagement collectif n’a pas été souscrit, ou lorsque la direction de la société est exercée par une personne morale.

Que faire ?

Afin d’anticiper sa succession, il convient :

  • de bien identifier la personne qui sera susceptible d’occuper les fonctions de dirigeant,
  • de vérifier et, le cas échéant, modifier les clauses statutaires relatives, tant à la désignation du successeur qu’à la répartition des pouvoirs (notamment en cas de démembrement des titres).

Expatriation : anticiper l’exit tax

Face aux changements de domicile entre Etats, si les Etats adoptent des mesures fiscales de nature à encourager les nouveaux arrivants, ils ont également le souci d’éviter les expatriations dictées par le seul motif d’éluder l’impôt.

L’ « Exit tax », prévue à l’article 167 bis du Code général des impôts poursuit cet objectif : son régime et ses conséquences doivent être anticipés bien en amont de l’expatriation.

QUI EST CONCERNÉ PAR L’EXIT TAX ?

Les contribuables qui ont été domiciliés en France pendant au moins 6 des 10 dernières années sont imposables lors du transfert de leur domicile hors de France sur :

  • Les plus-values latentes liées soit à une participation représentant au moins 50 % du capital d’une société, soit un portefeuille de titres, droits sociaux et autres droits financiers dont la valeur excède 800.000 € ;
  • Les créances représentatives d’un complément de prix (clause d’indexation du prix des titres cédés sur les résultats futurs de la société) ;

En outre, les plus-values en report d’imposition (notamment au titre de l’art. 150-O B Ter du CGI) sont également imposables, sans condition de durée de résidence en France du contribuable.

Depuis le 1er janvier 2018, ces plus-values et créances sont imposables :

  • Soit au taux forfaitaire de 12,8 % (PFU),
  • Soit sur option globale du contribuable, au barème progressif de l’impôt sur le revenu (moyennant quelques retraitements prévus par le texte).

Elles sont également soumises aux prélèvements sociaux en vigueur lors du transfert du domicile fiscal hors de France.

COMMENT AVOIR DROIT AU SURSIS DE PAIEMENT

En cas de sursis de paiement, l’impôt n’est pas payé à l’occasion du transfert du domicile hors de France, mais à l’occasion d’évènements ultérieurs (cf. ci-dessous). Ce sursis est de droit ou optionnel selon les situations :

• Sursis de droit et sans prise de garanties lorsque le contribuable transfère son domicile fiscal dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État (hors Etats non coopératifs) ayant conclu avec la France une convention de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales ainsi qu’une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement ;

• Dans les autres cas, le sursis est  subordonné au respect des conditions suivantes :

– Demande expresse déposée au service des impôts des non-résidents via le formulaire 2074-ETD, dans les 90 jours précédant le transfert

– Constitution de garanties (caution bancaire, hypothèque…) égales au montant de l’impôt en sursis

– Désignation d’un représentant fiscal (organisme accrédité, banque…) en charge des formalités  déclaratives.

JUSQU’À QUAND COURT LE SURSIS DE PAIEMENT

Le sursis de paiement court, soit jusqu’à certains évènements qui rendent l’impôt exigible, soit jusqu’au dégrèvement

Evènements rendant l’impôt exigible •Pour les plus-values latentes : cession à titre onéreux, rachat, remboursement ou annulation des titres ;•Pour les créances de complément de prix : perception du complément de prix, apport ou cession de la créance ou donation de la créance lorsque le donateur est fiscalement domicilié dans un ETNC ou un État ou territoire tiers à l’UE n’ayant pas conclu les conventions (sauf si cette donation n’a pas été faite dans un but principalement fiscal) ;•Pour les plus-values placées précédemment en report d’imposition : cession à titre onéreux (hors opérations d’échange ou d’apport), rachat, remboursement, annulation des titres reçus lors de l’échange ou de l’apport à l’origine du report ;•Non-respect des obligations déclaratives (cf ci-contre).Evènements ouvrant droit à dégrèvement •Décès du contribuable ;•Retour en France du contribuable ;•Transmission à titre gratuit des valeurs mobilières ;•A l’issue d’un délai de conservation de :-2 ans lorsque la valeur des titres entrant dans le champ de « l’exit tax » est inférieure à 2.570.000 € ; -5 ans dans le cas contraire.  NB : si le contribuable n’a pas bénéficié du sursis de paiement, ces évènements ouvrent droit à restitution de l’impôt payé.

Quand le transfert de domicile fiscal est-il effectif ?

Le transfert de domicile fiscal hors de France intervient donc :

  • lorsque le contribuable n’a plus son domicile fiscal en France en vertu de l’article 4 B du CGI ;
  • ou lorsque le contribuable a transféré son domicile ou sa résidence fiscale, au sens de la convention fiscale internationale qui lie la France à l’État de destination.

Selon l’article 4 B du CGI, est considéré comme ayant son domicile  en France le contribuable qui y a :

  • Son foyer (lieu de résidence de la famille) ou, à titre subsidiaire, le lieu de séjour principal (il y réside plus de 183 jours par an),
  • Son activité professionnelle principale (attention, les dirigeants de grosses entreprises sont soumis à des critères spécifiques)
  • Le centre de ses intérêts économiques (principaux investis-sements, source de la majeure partie des revenus etc.)

Quelles obligations déclaratives ?

A compter de son expatriation, le contribuable relève de la compétence du SIP non-résidents. Deux déclarations doivent être déposées :

  • L’année du transfert du domicile fiscal hors de France : déclaration n°2074-ETD 
  • Au titre de chacune des années suivantes, jusqu’à exigibilité de l’impôt ou dégrèvement :  déclaration n°2074-ETS, destinée à assurer le suivi de l’imposition.

Le montant global des droits en sursis de paiement doit en outre être reporté sur la déclaration 2042 C (case 8TN).

Déclarations d’impôts : N’oubliez pas de déclarer vos comptes et contrats étrangers !

Les résidents fiscaux français sont astreints à une obligation de déclaration des comptes ouverts à l’étranger. Avec le développement des offres de prestations de services bancaires et financiers en ligne, cette obligation concerne de plus en plus de contribuables. Nous détaillons dans le présent bulletin les comptes et contrats concernés, ainsi que les sanctions auxquelles s’exposent les contrevenants.

Une obligation étendue en réponse au développement de l’offre « fintech »

L’obligation de déclaration des comptes détenus à l’étranger par des contribuables français n’est pas nouvelle, le premier texte datant de 1990 mais concernait surtout les comptes bancaires « classiques ». Le développement relativement récent de nouvelles offres bancaires et financières (néo-banques, open banking, plateformes de courtage, financements participatifs), communément appelées « fintech », a conduit l’administration fiscale à étendre le champ des obligations déclaratives. En effet, un grand nombre de ces nouveaux acteurs bancaires et financiers est implanté à l’étranger (N26 en Allemagne, Revolut en Lituanie…) et entre donc dans le champ d’application de l’obligation déclarative. Le développement des cryptoactifs (cryptomonnaie et NFT notamment) a également induit une nouvelle extension du champ de l’obligation déclarative des comptes détenus à l’étranger.

Une obligation déclarative aux larges contours

Cette obligation de déclaration, à remplir en même temps que la déclaration d’impôt sur le revenu annuelle, s’impose aux résidents fiscaux français :

  • Pour les comptes « ouverts, détenus, utilisés ou clos à l’étranger» au cours de l’année d’imposition (CGI, art. 1649 A). Étant précisé que cette obligation concerne tous les comptes ouverts auprès d’établissements bancaires, mais également de tout organisme ou personne (dont les notaires étrangers par exemple).
  • Depuis 1990, pour les contrats de capitalisation ou de placements (dont les assurances-vie) ouverts et détenus à l’étranger, ainsi que les opérations réalisées sur ces comptes au titre de l’année en cours (CGI, art. 1649 AA).
  • Depuis le 1er janvier 2020, pour les « comptes d’actifs numériques (…) ouverts, détenus, utilisés ou clos» dans l’année auprès d’organismes établis à l’étranger (CGI, art. 1649 bis C).

Cette obligation déclarative s’impose de manière particulièrement large, puisqu’elle implique la déclaration des comptes et contrats ouverts ou détenus à l’étranger quand bien même ceux-ci n’auraient pas été utilisés ou seraient totalement vides. Les contribuables doivent utiliser le formulaire n°3916 – 3916 bis, ou remplir l’annexe correspondante lors du dépôt des déclarations en ligne.

Une obligation sanctionnée strictement

Une double sanction est prévue en cas de non-respect de ces obligations, d’une part via l’application automatique d’amendes, de l’autre par la possibilité d’application d’un redressement sur les revenus non déclarés les cas échéant. S’agissant des comptes bancaires ainsi que des contrats de capitalisation ou de placement détenus à l’étranger, l’absence de déclaration est sanctionnée par une amende de 1.500 € par compte non déclaré lorsque celui-ci n’a pas servi à percevoir des revenus imposables. Cette amende est portée à 10.000 € si l’organisme dépositaire est situé dans un État ou territoire non coopératif. S’agissant des comptes d’actifs numériques, la non-déclaration est sanctionnée par une amende de 750 € par compte (portée à 1.500 € si le montant des actifs détenus par le biais du compte étranger est supérieur à 50.000 € à un moment quelconque de l’année). Les omissions ou inexactitudes sont quant à elles sanctionnées par une amende de 125 € par erreur commise, dans la limite de 10 000 € par déclaration. Notez enfin que la non-déclaration des comptes et contrats ouverts à l’étranger emporte l’application d’une présomption qui consiste à considérer toutes les sommes qui transitent par lesdits comptes comme imposables. Les droits supplémentaires éventuellement dus peuvent dans ce cas faire l’objet de majorations pouvant s’élever jusqu’à 80 %. Il appartient alors au contribuable d’être en mesure de prouver que les sommes déposées sur ces comptes ne constituent pas des revenus imposables, tâche qui n’est pas forcément aisée.

Le développement de la communication des informations

Dans le cadre du développement de la législation européenne et nationale dite « KYC » (Know Your Customer), de plus en plus de plateformes poursuivent leur mise en conformité avec la réglementation de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Dans ce contexte, la coopération entre les fintech et l’administration fiscale est amenée à se renforcer dans les prochaines années.

Une possibilité de régularisation

Si vous avez omis de déclarer un compte ou un contrat détenu à l’étranger, vous pouvez régulariser votre situation. Que le compte ou le contrat ait ou non été utilisé pour la perception de revenus normalement imposables, le recours à un avocat est conseillé. La régularisation volontaire de la situation des contribuables, preuve de bonne foi, peut faire l’objet d’une négociation avec l’administration fiscale afin d’atténuer les sanctions prévues par les textes. Les délais de prescription varient entre 3 et 10 ans suivant les situations.

Contrats administratifs sans publicité appropriée : vers la fin du délai de recours perpétuel ?

Dans une décision en date du 25 avril 2022 1, la cour administrative d’appel de Marseille s’est prononcée sur l’application d’un délai raisonnable indicatif d’un an à l’introduction d’un recours en contestation de la validité du contrat administratif (recours dit « Tarn-et-Garonne ») en l’absence de mesure de publicité appropriée mise en œuvre par la personne publique contractante. Ce faisant, le juge administratif franchit un pas de plus vers la sécurité juridique des contrats administratifs, au détriment de la possibilité pour les tiers de les contester dans le temps. Si cette solution venait à être confirmée par la plus haute juridiction administrative, il pourrait en être terminé de la possibilité de contester indéfiniment la validité d’un contrat administratif dont les modalités de publicité ont été irrégulièrement mises en œuvre. La décision récente de la cour administrative d’appel de Marseille constitue donc un signal fort, en ce qu’elle tend vers l’extension de la notion de délai raisonnable au contentieux de la validité des contrats administratifs (I.), tout en maintenant la possibilité pour le concurrent évincé de demander sans autre délai que celui de la prescription quadriennale de droit commun la réparation de son préjudice né de la signature du contrat (II.).

I. UN DÉLAI RAISONNABLE D’UN AN APPLIQUÉ AU RECOURS EN CONTESTATION DE LA VALIDITÉ DU CONTRAT

Un « délai raisonnable » qui s’étend…

En 2016, l’arrêt Czabaj (CE, 13 juillet 2016,
n° 387763) opérait une véritable révolution, en considérant qu’une décision administrative individuelle non ou mal notifiée ne pouvait être attaquée indéfiniment, puisqu’au contraire un délai de recours raisonnable indicatif d’un an devait être appliqué. Cette solution, visant à protéger, en vertu du principe de sécurité juridique, des situations consolidées dans le temps, a été progressivement étendue à d’autres domaines, telles que les décisions implicites de rejet (CE, 18 mars 2019, n°417270) les titres exécutoires (CE, 9 mars 2018, n°401386) ou encore les permis de construire (CE, 9 novembre 2018, n° 409872). Mais, jusqu’ici, il n’en est rien pour le contentieux des contrats administratifs. Si le code de justice administrative prévoit que, en l’absence de publication de l’avis d’attribution, le délai d’introduction d’un référé contractuel est de six mois à compter de la signature du contrat– au lieu d’un mois à compter de sa publication – (article R. 551-7 CJA), aucune disposition similaire n’existe concernant le recours en contestation de la validité du contrat, d’origine jurisprudentielle.

… jusqu’au recours « Tarn-et-Garonne »

Des décisions isolées de tribunaux administratifs avaient déjà appliqué un délai raisonnable d’un an à l’introduction d’un recours « Tarn-et-Garonne » en l’absence de mesure de publicité appropriée. (TA La Réunion, 19 octobre 2016, n°1601022 ; TA Lille, 15 octobre 2019, n° 1706673). L’application de cette solution restait cependant fort incertaine. La décision commentée du 25 avril 2022 vient lui donner une force nouvelle, puisqu’elle marque sa première application explicite par une CAA. En l’espèce, un concurrent évincé demandait l’annulation d’un marché public, dont la publicité était considérée irrégulière en ce qu’elle n’indiquait pas les modalités de consultation du contrat. La CAA de Marseille, après avoir logiquement écarté le délai de deux mois (voir    ) du fait de l’irrégularité de la publicité, a appliqué, dans un considérant remarqué, un délai raisonnable ne pouvant, en règle générale, excéder un an (point 5) aux conclusions contestant la validité du contrat. En l’espèce, le requérant ayant introduit sa requête plus d’un an après la publication de l’avis d’attribution lacunaire, les conclusions en contestation de la validité du marché public ont été rejetées comme tardives.

II. UN DÉLAI RAISONNABLE QUI NE S’APPLIQUE PAS À LA RÉPARATION DU PRÉJUDICE DU CONCURRENT ÉVINCÉ

L’absence de délai raisonnable pour la mise en jeu de la responsabilité de l’administration…

L’arrêt commenté est également intéressant en ce qu’il étend au champ du contentieux contractuel le cas dans lequel il était déjà prévu, pour les décisions individuelles, que le délai raisonnable ne saurait s’appliquer. Il s’agit de l’hypothèse dans laquelle un autre délai de prescription est prévu par la loi. A ce titre, il avait déjà été jugé que le délai raisonnable d’un an ne pouvait s’appliquer aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité de l’administration (CE, 17 juin 2019, n° 413097). Et pour cause, la prise en compte de la sécurité juridique est assurée, pour ce type de recours, par l’existence d’un délai de prescription de quatre ans prévu par la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur les personnes publiques. Dans notre affaire, la société requérante ayant, en parallèle de son recours en contestation de la validité du marché public, mis en jeu la responsabilité de la personne publique contractante afin de voir indemnisé son préjudice, la décision commentée a utilement rappelé que « La règle mentionnée précédemment au point 53 ne trouve pas à s’appliquer aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d’une personne publique (…) » (point 8).

…et pour l’introduction de conclusions à fins indemnitaires

Dans un avis du 11 mai 20114 , le Conseil d’État avait considéré que la présentation de conclusions indemnitaires par le concurrent évincé, que celles-ci soient accessoires ou qu’elles fassent l’objet d’un recours distinct, n’était pas soumis au délai de deux mois. En effet, le concurrent évincé est libre de formuler, dans le délai de prescription quadriennale de droit commun, une demande chiffrée et motivée à la personne publique, et, le cas échéant, d’attaquer la décision de refus de celle-ci. Dans la décision commentée, la CAA de Marseille a rappelé cette règle (point n°7) et n’a donc appliqué ni le délai de deux mois, ni celui dit « raisonnable » d’un an aux conclusions indemnitaires de la requérante. Lesdites conclusions ont été considérées comme recevables, et la cour a pu octroyer une indemnisation au concurrent évincé, après avoir constaté qu’il présentait des chances sérieuses de remporter le marché. Ainsi, si l’extension du délai raisonnable d’un an au recours Tarn-et-Garonne protège le contrat lui-même, il ne vient nullement restreindre dans le temps la possibilité pour les tiers de mettre en jeu la responsabilité de la personne publique et de formuler une demande indemnitaire à son encontre, dans le respect du cadre procédural prévu.

Qu’est-ce que le recours  « Tarn-et-Garonne » ?

Le recours dit « Tarn-et-Garonne », du nom de la jurisprudence l’ayant consacré (CE, 04/042014, Département Tarn-et-Garonne, n° 358994), permet à tout tiers justifiant d’un intérêt lésé de contester la validité d’un contrat administratif. Il s’agit d’un recours de plein contentieux devant, en principe, être introduit dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées. Les sanctions prononcées par le juge peuvent aller jusqu’à l’annulation totale du contrat.

Point de vigilance : la décision commentée fait courir le délai raisonnable d’un an à compter de la publication de l’avis d’attribution lacunaire. Ainsi, l’on peut s’interroger sur l’application d’un tel délai en l’absence totale d’avis d’attribution. Et pour cause, sous l’empire de la jurisprudence Tropic, il avait déjà été jugé que l’absence d’avis d’attribution engendrait l’absence de départ des délais de recours 2.

Quelques précisions :

1 – CAA Marseille, 25 avril 2022, n°19MA05387

(décision commentée)

2 – CAA Lyon 5 mai 2011, Société SMTP, n°10LY00134

3 – l’application du délai raisonnable d’un an, comme vu précédemment

4 – CE, avis, 11 mai 2011, n° 347002