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Périmètre et passation sans mise en concurrence des concessions de services : le Conseil d’Etat précise les règles applicables

Dans une décision du 5 février 2018 largement relayée, le Conseil d’Etat confirme les ordonnances du juge du référé précontractuel de première instance annulant la procédure de passation de la concession de services relative à l’exploitation de mobiliers urbains conclue par la ville de Paris, à titre provisoire, sans respecter les modalités de publicité et de mise en concurrence préalables normalement imposées. Surtout, il apporte deux précisions d’importance tenant au périmètre des nouvelles concessions de services et aux conditions de conclusion d’une concession à titre provisoire.

LA QUALIFICATION DE CONCESSION DE SERVICES D’UN CONTRAT RELATIF À L’EXPLOITATION DE MOBILIERS URBAINS

Un type d’activité, plusieurs montages contractuels possibles

D’abord, selon les hypothèses :

  • ces contrats ont pu être qualifiés de marchés publics de services dès lors que leur onérosité était établie par la renonciation de l’acheteur public à percevoir la redevance pour occupation de son domaine public (CE, Ass., 4 nov. 2005, Sté J.-C. Decaux, n° 247298). A défaut de cette renonciation, aucun prix n’était identifiable dans la mesure où le juge administratif considérait que l’exploitation d’une activité économique sur le domaine public ne constituait pas un abandon de recettes (CE, 15 mai 2013, Ville de Paris, n° 364593) ;
  • ensuite, lorsqu’aucun prix n’était versé par la collectivité et que le contrat n’entendait pas répondre à ses besoins, notamment en termes de communication, le contrat était qualifié de convention d’occupation domaniale (même décision) ;
  • enfin, la convention ne pouvait, par nature, être qualifiée de DSP, sauf si elle avait pour objet la création d’un service public de l’information culturelle.

Une même activité, un nouveau contrat envisageable

Suivant la même logique que celle privilégiée il y a quelques mois par un juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Toulouse (TA Toulouse, ord., 10 août 2017, Sté Exterion Média, n° 1703247), le Conseil d’Etat considère implicitement – en fichant la décision sur ce point – qu’un contrat relatif à l’exploitation sur le domaine public communal de mobiliers urbains d’information à caractère général ou local supportant de la publicité est une concession de services au sens de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concessions.

Dessinant un peu plus les contours de ces nouvelles concessions de services « simples », qui ne concernant plus uniquement le service public, le Conseil d’Etat semble ainsi conférer à cette notion une acception large.

Rappelons toutefois que cette qualification ne pourra être retenue que si l’opérateur économique se voit effectivement transférer un risque dans l’exploitation des mobiliers urbains, comme cela a pu être jugé dans l’affaire « Société Exterion Média » précitée.

LES MODALITÉS DE CONCLUSION D’UNE CONCESSION DE SERVICES À TITRE PROVISOIRE

Urgence, indépendance, intérêt général, durée raisonnable

Réaffirmant sa jurisprudence la plus récente (CE, 14 février 2017, SMPA, n° 405157), le Conseil d’Etat rappelle les conditions autorisant une collectivité publique à conclure une concession à titre provisoire, sans publicité ni mise en concurrence préalables, à savoir :

  • une situation d’urgence tenant à l’impossibilité dans laquelle elle se trouve de continuer à faire assurer le  service, soit par son cocontractant, soit en régie ;
  • une situation devant être indépendante de la volonté de la collectivité publique ;
  • un motif d’intérêt général exigeant la passation d’une telle concession ;
  • enfin, une durée de la convention provisoire qui ne saurait, en tout état de cause, excéder celle requise pour mettre en œuvre une nouvelle procédure de passation.

L’intérêt général ne peut être que la continuité du service public

Si la condition tenant à l’existence d’un « motif d’intérêt général » pouvait sembler à première vue, particulièrement large, le Conseil d’Etat est venu restreindre la marge de manœuvre des collectivités publiques en exigeant que ce motif se rapporte exclusivement à la nécessité d’assurer la continuité d’un service public considéré.

La Haute juridiction refuse ainsi de prendre en compte  les intérêts financiers que représente le contrat pour la collectivité, seul l’impératif de continuité du service public pouvant  justifier la passation d’une telle convention.

Au cas d’espèce, le Conseil d’Etat a considéré que le fait que la ville de Paris bénéficie de nombreux moyens de communication s’oppose à ce que l’interruption de l’exploitation du mobilier urbain d’information remette en cause la continuité du service public de l’information municipale.

A noter :

  • En l’espèce, la conclusion de cette concession provisoire faisait suite à l’annulation d’une première procé-dure de passation, annulation motivée par le fait que la convention autorisait l’opérateur à exploiter de la publicité numérique sur le mobilier urbain, contrairement aux dispositions du règlement local de publicité de la ville de Paris.
  • Notons par ailleurs que les conséquences de l’annulation de cette procédure de passation ne sont pas platoniques.
    En effet, la filiale de la société J.-C. Decaux se voit ainsi contrainte de démonter près de 1600 panneaux publicitaires.
    La Mairie de Paris, quant à elle, ne percevra pas la redevance domaniale dont le montant était estimé à près de 40 millions d’euros au total.

Vous êtes associé d’une société : avez-vous procédé à la déclaration de ses bénéficiaires effectifs ?

Vous avez jusqu’au 31/03/2018, dernier délai, pour satisfaire à cette obligation.

Celle-ci, issue de l’ordonnance n° 2016-1635 du 1er décembre 2016 et incombant à toute société, consiste à transmettre au greffe d’immatriculation la liste des associés considérés comme étant les bénéficiaires effectifs de celles-ci.

TOUTES LES SOCIETES SONT CONCERNEES

Qu’elles soient civiles ou commerciales (SCI, SAS, SARL, etc.), patrimoniales ou non, toutes les personnes morales immatriculées au RCS sont soumises à cette obligation :

  • Les sociétés immatriculées depuis le 1er/08/2017 doivent communiquer ce document soit à l’occasion du dépôt du dossier de demande d’immatriculation au RCS, soit dans les 15 jours suivant le récépissé de dépôt de ce dossier ;
  • Les sociétés immatriculées avant le 1er/08/2017 ont jusqu’au 31/03/2018 pour procéder au dépôt de ce document.

QUI SONT LES BENEFICIAIRES EFFECTIFS ?

Ceux-ci sont définis par l’article R561-1 du Code monétaire et financier comme étant la ou les personnes physiques qui :

  • SOIT détiennent, directement ou indirectement, plus de 25% du capital ou des droits de vote de l’entité ;
  • SOIT, A DEFAUT, exercent, par d’autres moyens, un pouvoir de contrôle sur les organes de gestion, d’administration ou de direction, ou sur l’assemblée générale des associés ou actionnaires de l’entité ;
  • SOIT, A DEFAUT, le ou les représentants légaux de l’entité.

LES MODALITES DU DEPOT

Ce dépôt doit se faire au moyen de trois formulaires :

  • Le formulaire principal (DBE-S-1, accessible ici) désignant le bénéficiaire effectif de la société et à remettre en toutes hypothèses ;
  • Le formulaire annexe (DBE-S-2, accessible ici) à compléter seulement si la société dispose de plus d’un unique bénéficiaire effectif (une annexe DBE-S-2 est alors à renseigner par bénéficiaire effectif supplémentaire)
  • Le « feuillet joint » (DBE-S-bis, accessible ici) à compléter seulement lorsqu’un bénéficiaire effectif a acquis cette qualité au moyen de détentions indirectes ou en cas d’exercice d’un pouvoir de contrôle sur l’entité (à utiliser seulement dans le cadre de l’hypothèse b) des formulaires DBE-S-1 et 2).

Ce dépôt doit s’accompagner d’un règlement de :

  • 24,80 € TTC pour un premier dépôt effectué par une personne morale immatriculée au RCS à compter du 1er/08/2017 ;
  • 54,42 € TTC pour un premier dépôt effectué par une personne morale immatriculée au RCS avant le 1er/08/2017.

Pour mention, les dépôts d’un document modificatif ou complémentaire en remplacement d’un précédent dépôt coûteront 48,49 € TTC.

Quelles sanctions en cas de défaut de dépôt ?

L’article L561-49 du Code monétaire et financier sanctionne indifféremment le défaut de dépôt du document ou le dépôt d’informations inexactes ou incomplètes :

  • A titre principal : d’une peine de six mois d’emprisonnement et de 7.500 euros d’amende ; 
  • A titre complémentaire : de peines d’interdiction de gérer et de privation partielle des droits civils et civiques ;

étant précisé que la personne morale concernée peut faire elle-aussi l’objet de sanctions pénales.

Besoin d’informations complémentaires ?

Pour toute information complémentaire, nous vous invitons à prendre connaissance :

  • de la notice ad’hoc (accessible ici) ;
  • ainsi que de la fiche pratique éditée par le Conseil National des Greffiers des Tribunaux de Commerce (accessible ici).

Déficit foncier et parts de SCI démembrées : la doctrine administrative n’est (encore une fois) pas la loi !

Déficit foncier et parts de SCI démembrées : la doctrine administrative n’est (encore une fois) pas la loi !

Le Conseil d’Etat, dans son arrêt du 8 novembre 2017, a donné son analyse de l’article 8 du CGI qui, selon lui, permet à l’usufruitier de déduire la part du déficit foncier correspondant à ses droits dans la société, censurant ainsi l’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux et la doctrine administrative.

LES REGLES D’IMPOSITION DES PARTS DE SCI DEMEMBREES 

Un partage de l’imposition des bénéfices  

Conformément à l’article 8 du CGI :

  • Les associés d’une société de personnes n’ayant pas opté pour le régime des sociétés de capitaux sont soumis à l’impôt sur le revenu (IR) pour la part des bénéfices correspondants à leurs droits dans la société ;
  • En cas de démembrement des parts sociales l’usufruitier est soumis à l’impôt « pour la quote-part correspondant à ses droits dans les bénéfices » et «  le nu-propriétaire n’est pas soumis à l’impôt sur le revenu à raison du résultat imposé au nom de l’usufruitier ».  

En pratique, l’usufruitier est imposé à raison du bénéfice courant de l’exercice, tandis que le nu-propriétaire est imposé à raison des résultats exceptionnels.

La position (désormais censurée) de la doctrine administrative 

L’administration fiscale fait une application littérale de l’article 8 du CGI : pour elle, cet article  ne traite que des bénéfices. Elle en conclut que la déductibilité des déficits fonciers est réservée au nu propriétaire  « qui en tant qu’associé, doit répondre des dettes sociales », tout en précisant qu’il était possible d’y déroger par convention.

Cette position a été confirmée par la décision du 3 mars 2016 de la CAA de Bordeaux, qui juge que, à défaut de convention contraire, l’usufruitier des parts d’une SCI non soumise à l’IS n’a droit qu’aux bénéfices et ne peut déduire les déficits fonciers constatés par la société.

UNE DOCTRINE ADMINISTRATIVE JUGEE ILLEGALE 

Une position doctrinale contestable

Cette position était critiquable à plusieurs égards et aboutissait à :

  • L’impossibilité pour l’usufruitier d’imputer la quote-part du déficit lui revenant alors qu’il est imposé sur les revenus courants ;
  • La distorsion de traitement avec les immeubles démembrés pour lesquels les charges de propriété courantes sont déduites par celui qui les a engagées ;
  • L’impossibilité pure et simple de déduire les dépenses de travaux engagées lorsque le nu-propriétaire ne perçoit pas de revenus fonciers par ailleurs.

Et donc censurée par le juge 

Le CE, dans un arrêt du 8 novembre 2017, infirme l’analyse de la CAA de Bordeaux au motif que cette décision est entachée d’une erreur de droit et partant censure la doctrine administrative sur ce point. 

Il juge, en application de l’article 8 du CGI, que : « l’usufruitier peut déduire de ses revenus la part du déficit correspondant à ses droits ». Dès lors, la loi vise avec le terme « bénéfices » le résultat, qu’il soit positif ou négatif.

Avec cette décision, la neutralité de l’impôt s’en trouve ainsi préservée. 

Précision

La doctrine administrative censurée par le CE n’a toujours pas été rapportée à ce jour.

Remarque opérationnelle

En tant qu’usufruitier de parts de SCI démembrées non soumise à l’IS :

  • si vous supportez des dépenses de travaux sur l’immeuble ;
  • que vous n’avez pas prévu de répartition conventionnelle  des résultats ;
  • et que l’administration fiscale vous refuse la déduction d’un éventuel déficit foncier, sous prétexte qu’il revient de droit au nu-propriétaire.

Alors il peut être opportun d’initier une réclamation contentieuse afin de demander la prise en compte des déficits fonciers pour la détermination de vos revenus fonciers 2015, 2016 et 2017.

Les réclamations relatives à l’année 2015 devront être initiées le 31/12/2018 au plus tard.

Secteurs de taille de logements (STL) : les auteurs des plans locaux d’urbanisme ne peuvent pas fixer de programmation détaillée

Par cette décision qui sera mentionnée aux Tables, le Conseil d’Etat précise l’étendue de l’habilitation législative donnée aux auteurs des plans locaux d’urbanisme s’agissant de la délimitation des secteurs dans lesquels les programmes de logements doivent comporter une proportion de logements d’une taille minimale. Sur ce fondement, un plan local d’urbanisme (PLU) ne saurait en effet imposer de surface de plancher minimale par logements, ni fixer des proportions minimales à respecter pour différents types de logements (20% de T4, 15% de T5, etc.) – CE, 30 mars 2018, req. n° 411122, Tab. Leb.

Les auteurs du PLU peuvent imposer une proportion de logements d’une taille minimale au sein des programmes de logements

Les auteurs du PLU peuvent fixer des secteurs de taille de logements

L’article L.151-14 du code de l’urbanisme permet aux auteurs du PLU de fixer, dans le règlement, « des secteurs dans lesquels les programmes de logements comportent une proportion de logements d’une taille minimale ». Le règlement fixe ladite taille minimale.

Les secteurs de taille de logements (STL) ne peuvent être délimités qu’au sein des zones urbanisées (zone U) et à urbaniser (zone AU) telles que déterminées par le PLU.

Par ailleurs, la délimitation des secteurs prévus par l’article L.151-14 du code de l’urbanisme ainsi que la taille minimale des logements doivent être portées au document graphique du règlement, conformément aux dispositions de l’article R.151-38 du même code.

Modalités de fixation de la proportion de logements d’une taille minimale

Le Conseil d’Etat juge, dans la décision commentée, que la taille minimale des logements fixée par les auteurs du PLU doit être exprimée « en fonction du nombre de pièces dont ils se composent ». Il n’est en revanche pas loisible aux auteurs du PLU de fixer une surface minimale exprimée en mètres-carrés.

Par ailleurs, la Haute juridiction précise que la proportion de logements devant atteindre la « taille minimale » peut être exprimée en pourcentage de la surface totale des logements du programme concerné.

Par exemple, les auteurs du PLU pourront imposer que 30% de la surface de plancher d’un programme destinée à l’habitation devront être constituée de logements d’au moins quatre pièces.

Les auteurs du PLU ne peuvent pas imposer une répartition détaillée des logements

Les exclusions décidées par le Conseil d’Etat

L’article L.151-14 du code de l’urbanisme ne permet pas de prescrire la réalisation de plusieurs types de logements ni, de manière plus générale, d’imposer une programmation détaillée des opérations de logements.

Par exemple, si le PLU peut décider qu’au moins 30% des logements réalisés dans un programme comportent au moins quatre pièces, il ne saurait en revanche imposer 15% d’appartements de quatre pièces et 15% d’appartements de cinq pièces.

Tirant les conséquences de cette restriction dans les pouvoirs des auteurs des PLU, le Conseil d’Etat juge donc également que ces derniers ne peuvent fixer « des proportions minimales à respecter pour plusieurs types [de logements] ».

Une clarification opérée à l’aide des travaux parlementaires

Le Conseil d’Etat s’est rapporté à la volonté du législateur à l’origine de l’article L.151-14 du code de l’urbanisme (ancien article L.123-1-3 15° devenu L.123-1-3 al. 5 à la suite de l’entrée en vigueur de la loi ALUR) pour en apprécier la portée.

Dominique Braye, auteur de l’amendement parlementaire ayant abouti à cette disposition, avait pointé la nécessité d’éviter « la multiplication des petits logements », souvent vacants « alors que des familles ne trouvent pas de logement ».

Se fondant sur cette motivation, le Conseil d’Etat en déduit que l’article L.151-14 du code de l’urbanisme ne pouvait avoir pour effet de permettre aux auteurs du PLU d’imposer « la répartition détaillée des logements selon leur taille ».

A noter :

  • Les discussions à venir lors de l’examen du Projet de loi sur l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) pourront fournir l’occasion, au législateur, de faire évoluer la lettre de l’article L.151-14 du code de l’urbanisme afin de préserver ce dispositif plébiscité par les auteurs de plans locaux d’urbanisme en zone tendue.
  • Lorsque le terrain d’assiette d’un programme de logements est situé dans le périmètre d’un secteur délimité en application de l’article L.151-14 du code de l’urbanisme, le dossier de la demande est complété par un tableau indiquant la proportion de logements de la taille minimale imposée par le plan local d’urbanisme (art. R.431-16-2 du code de l’urbanisme).

Autorisation environnementale & Avis du Conseil d’Etat du 22 mars 2018 (1/2) : une possible régularisation de la preuve des capacités techniques et financières des porteurs de projet ICPE

Autorisation environnementale & Avis du Conseil d’Etat du 22 mars 2018 (1/2) : une possible régularisation de la preuve des capacités techniques et financières des porteurs de projet ICPE

Difficiles à justifier au moment du dépôt du dossier de demande d’autorisation, les capacités techniques et financières à mener à bien le projet, dont le pétitionnaire doit pourtant attester à ce stade, ont souvent été considérées comme insuffisantes par le juge administratif, fragilisant en conséquence les autorisations délivrées. Saisi par la cour administrative d’appel de Douai (CAA Douai, 16/11/17, n° 15DA01535) sur la question de leur régularisation en cours d’instance – facilitée par les nouvelles règles en vigueur – le Conseil d’Etat apporte une solution sécurisante dans son avis du 22 mars 2018, no 415852, publié au recueil Lebon.

I. L’ÉVOLUTION DE LA PREUVE DES CAPACITÉS TECHNIQUES ET FINANCIÈRES PROCÉDANT DE LA RÉFORME DE L’AUTORISATION ENVIRONNEMENTALE

L’état du droit antérieur ou l’exigence d’une preuve impossible   

Avant la réforme de l’autorisation environnementale entrée en vigueur le 1er mars 2017, le dossier de demande d’autorisation d’exploiter une ICPE devait mentionner :

« Les capacités techniques et financières de l’exploitant » (article R. 512-3 du code de l’environnement).  

Ces dernières devaient figurer au dossier soumis à enquête publique. A défaut, saisi d’un recours contre une autorisation ICPE, le juge administratif pouvait caractériser un vice de procédure lié à l’absence d’information complète du public et en prononcer l’annulation (CE, 22 février 2016, « Sté Hambrégie », n° 384821, Rec. Leb.).

Or, une telle exigence s’avérait inadaptée à la pratique, du fait de l’impossibilité fréquente d’obtenir, à ce stade procédural, une lettre d’engagement ferme d’une banque, ce qui engendrait un abondant contentieux.

L’assouplissement apporté par le décret du 26 janvier 2017

Le décret du 26 janvier 2017 a assoupli cette exigence, le dossier de demande devant désormais comprendre :

« Une description des capacités techniques et financières (…) dont le pétitionnaire dispose, ou, lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d’autorisation, les modalités prévues pour les établir.

Dans ce dernier cas, l’exploitant adresse au préfet les éléments justifiant la constitution effective des capacités techniques et financières au plus tard à la mise en service de l’installation » (article D. 181-15-2 du code de l’environnement)».

Restait à savoir si le bénéficiaire d’une autorisation déjà contestée pouvait tirer profit de cette évolution favorable et régulariser, en cours d’instance, le vice de procédure tenant au défaut de justification de ses capacités financières lors de l’enquête publique (2). 

II. LES CONDITIONS DE LA RÉGULARISATION DE LA PREUVE DES CAPACITÉS FINANCIÈRES POSÉES PAR LE CONSEIL D’ÉTAT  

Une régularisation désormais envisageable

Dans son avis du 22 mars 2018, le Conseil d’Etat répond positivement à cette question :

« S’il est établi que l’autorité administrative compétente a reçu, postérieurement à l’autorisation, les éléments justifiant la constitution effective des capacités techniques et financières qui manquaient au dossier de demande initialement déposé, cet élément de la régularisation peut être regardé par le juge comme ayant été accompli » (considérant 18).  

Compte tenu des pouvoirs du juge de plein contentieux, le bénéficiaire d’une autorisation délivrée avant la réforme pourra donc régulariser la preuve de ses capacités sans voir son projet annulé, sous réserve, toutefois, du respect de la condition tenant à l’information complète du public.

La préservation du principe d’information du public 

La régularisation rendue possible par l’avis commenté ne pourra être mise en œuvre que si le caractère insuffisant du dossier n’a pas été de nature à nuire à l’information complète de la population à l’occasion de l’enquête publique :

« Il demeure néanmoins nécessaire de compléter l’information du public si le caractère incomplet du dossier d’enquête publique a affecté la légalité de la décision »(considérant 19).  

Cependant, là encore, l’office du juge de plein contentieux lui permettra de :

« fixer des modalités de régularisation adaptées permettant l’information du public, qui n’imposent pas nécessairement de reprendre l’ensemble de l’enquête publique » (considérant 19).

À noter

Les capacités techniques et financières à justifier par le pétitionnaire doivent être à même de lui permettre de :

  • conduire son projet dans le respect des intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement (sécurité et salubrité publiques, protection de la nature et des paysages, utilisation rationnelle de l’énergie, etc.) ;

1 ICPE : installation classée pour la protection de l’environnement (par ex. parc éolien, photovoltaïque, unité de méthanisation, etc.).

2 Etant entendu que l’article 15, 1° de l’ordonnance du 26 janvier 2017 portant réforme de l’autorisation environnementale semblait impliquer pareille rétroactivité.

Régularisation d’un vice affectant le permis de construire initial par la délivrance d’un PC modificatif : consécration d’une nouvelle condition par le Conseil d’Etat

Régularisation d’un vice affectant le permis de construire initial par la délivrance d’un PC modificatif : consécration d’une nouvelle condition par le Conseil d’Etat

Par cette décision qui sera publiée au Recueil Lebon, le Conseil d’Etat admet un nouveau type de régularisation d’un vice affectant un permis de construire initial par délivrance d’un permis de construire modificatif. Ainsi, lorsque la règle méconnue par le permis de construire est modifiée, la délivrance postérieure d’un permis modificatif permet de régulariser l’autorisation initiale, sans que le projet n’ait à être rectifié. La sécurité juridique des autorisations d’urbanisme ressort renforcée de cette décision, le PC modificatif de régularisation étant un outil majeur de défense des projets immobiliers attaqués au contentieux – CE, 7 mars 2018, req. n° 404079, Rec. Leb.

I. Les conditions dans lesquelles un PC modificatif peut régulariser le vice qui affecte l’autorisation initiale

A. Les conditions de la régularisation posées par l’arrêt Fontaine de Villiers

Lorsqu’un permis de construire a été délivré en méconnaissance de règles de fond, de forme ou de procédure applicables, il peut être régularisé par la délivrance d’un PC modificatif « dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l’exécution régulière » de la formalité initialement omise.

Dans l’arrêt de principe (CE, 2 février 2004, La Fontaine de Villiers, req. n° 238315, Tab. Leb.), le vice de procédure tenant à l’absence de consultation pour avis de l’ABF avait pu être régularisé par PC modificatif. Faisant application de cette jurisprudence, les juges du fond ont pu constater la régularisation par PCM d’un vice de forme (identité du signataire de l’acte[1]) ainsi que d’un vice de fond (complétude du dossier de demande[2]).

B. La modification de la règle méconnue : nouvelle condition de régularisation

Dans la décision commentée, le Conseil d’Etat avait à connaitre de la légalité d’un permis de construire initial délivré en méconnaissance d’un emplacement réservé.

Après avoir constaté que l’autorité compétente avait procédé à une révision simplifiée du document d’urbanisme applicable aux seules fins de supprimer ledit emplacement réservé, et que le pétitionnaire avait sollicité et obtenu une autorisation modificative postérieurement à ladite révision, le Conseil d’Etat a jugé que ce PC modificatif avait régularisé le vice de fond qui entachait l’autorisation initiale.

La Haute Juridiction n’exige nullement, à cet égard, que le PC modificatif emporte de réelles modifications du projet. En l’espèce, ce PCM avait comme unique objet « l’enregistrement » de la prise en compte, par le PCM, du PLU révisé.

II. Les conséquences de la régularisation d’un vice par la délivrance d’un PC modificatif

A. Les moyens tirés des irrégularités ainsi régularisées sont inopérants

Dans la décision Fontaines de Villiers, le Conseil d’Etat a jugé que « les irrégularités ainsi régularisées [par PC modificatif] ne peuvent plus être utilement invoquées à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial »[3].

L’inopérance des moyens dirigés contre des vices régularisés est opposable tant aux parties à l’instance, qu’aux éventuels autres requérants qui contesteraient la légalité du PC initial postérieurement.

En revanche, cette inopérance ne saurait faire obstacle à ce que le requérant conteste la légalité de la délibération approuvant l’évolution du PLU par la voie de l’exception d’illégalité.

B. La modification de la règle méconnue peut être contestée

On peut penser que, si le PC modificatif délivré à la suite de l’évolution de la règle initialement méconnue peut régulariser le vice qui entachait le PC initial, c’est à la condition que ladite évolution soit devenue définitive ou, à tout le moins, qu’elle ne soit pas utilement remise en cause dans le cadre du contentieux dirigé contre le PC initial modifié (par la voie de l’exception d’illégalité).

Rappelons toutefois qu’une évolution des règles d’urbanisme adoptée dans le but de rendre possible la délivrance d’autorisations d’urbanisme antérieurement annulées par le juge administratif n’est pas, en tant que telle, constitutive d’un détournement de pouvoir, dès lors qu’il n’est pas établi que l’autorité compétente ait poursuivi un « but étranger à l’intérêt général »[4].

À noter

Le juge de l’excès de pouvoir dispose du pouvoir de surseoir à statuer dans l’attente de la délivrance d’un PC modificatif de régularisation (L. 600-5-1 du code de l’urbanisme). Ainsi le PC initial frappé d’un vice de fond, de forme ou de procédure peut être régularisé par PC modificatif, soit à l’initiative de son bénéficiaire, soit à l’initiative du juge de l’excès de pouvoir.

En tout état de cause, le vice dont est entaché le PC initial ne peut être régularisé par PC modificatif que si la modification nécessaire à la régula-risation ne porte pas atteinte à l’économie générale du projet.

1. CAA Nantes, 27 mars 2007, req. n° 06NT01269

2. CAA Marseille, 17 juillet 2012, req. n° 10MA00566

3. Le Conseil d’Etat l’avait déjà jugé dans sa décision du 8 décembre 1995, association de défense des riverains de Central Park, req. n° 122319, Tab. Leb.

4. CE, 31 mars 1995, req. n° 160774, Rec. Leb.

Comment évaluer une opération réalisée en ASL dans le cadre de l’IFI ?

Comment évaluer une opération réalisée en ASL dans le cadre de l’IFI ?

Si le nom de l’impôt change, ses modalités de liquidation demeurent, à quelques exceptions près, identiques (NB : un bulletin ultérieur traitera plus précisément des nouvelles modalités de prise en compte des emprunts).

Rappels sur la méthodologie de l’évaluation des immeubles en cours de restauration lorsque l’opération est réalisée en ASL.

L’ACTIF IMPOSABLE

Des biens devant être déclarés pour leur valeur vénale

Le principe est celui de l’évaluation du bien selon sa valeur vénale au 1er janvier de l’année d’imposition, c’est-à-dire au prix de marché qu’aurait accepté de payer un acquéreur pour son acquisition.

Trois situations peuvent être distinguées :

  • Lorsque les travaux n’ont pas commencés : assimilation de la valeur vénale avec celle d’achat du foncier ;
  • En cours de travaux : appréciation devant être faite compte tenu de l’avancement des travaux au 1er janvier, mais aussi en considération de la difficulté de vendre un bien en chantier ;
  • A compter de l’achèvement des travaux : appréciation selon le marché applicable au secteur.

Les actifs imposables dans le cadre d’opérations réalisées en ASL

En ce qui concerne les appels de fonds versés à l’ASL : ces sommes d’argent, versées à l’ASL en vue de la réalisation des travaux votés mais non encore réalisés, ne constituent pas, selon nous, un actif taxable. L’influence de ces travaux -à réaliser- sur la valeur vénale de l’immeuble doit néanmoins être prise en compte.
 
En ce qui concerne la valeur vénale de l’immeuble : tel qu’exposé, la valeur vénale d’un bien en cours de travaux est difficilement évaluable ; par mesure de simplification, nous considérons cohérent de majorer la valeur initiale de l’immeuble de la moitié de celle des travaux payés dès lors que leur avancement a excédé 50% au cours de l’année précédente, étant précisé qu’une décote devrait pouvoir être appliquée compte tenu du fait que le chantier est toujours en cours. 

LE PASSIF DEDUCTIBLE

Des dettes devant présenter certaines qualités

Une dette ne peut constituer un passif déductible que sous réserve de satisfaire aux trois conditions suivantes :

  • Exister au 1er janvier de l’année d’imposition ;
  • Etre à la charge personnelle du redevable, de son conjoint, de son partenaire de PACS ou concubin et des enfants mineurs pour lesquels ils ont l’administration légale des biens ;
  • Etre justifiée par tous modes de preuve compatibles avec la procédure écrite.

Pour rappel, seules les dettes relatives à des actifs soumis à l’IFI sont déductibles, ce qui peut notamment avoir des incidences en présence d’immeubles ayant fait l’objet d’un démembrement.

Les dettes déductibles dans le cadre d’opérations réalisées en ASL

En ce qui concerne les appels de fonds émis par l’ASL et non-honorés : ces appels de fonds, correspondant aux sommes dont est débiteur le propriétaire d’un ou plusieurs lots concernés par des travaux votés, constituent une dette envers l’ASL. Toutefois, l’absence de prise en compte corrélative, à l’actif, tant des travaux y afférents que des éventuels appels de fonds versés par ailleurs nous semblent s’opposer à leur prise en compte au passif.
 
En ce qui concerne le ou les emprunts souscrits pour le financement du foncier ou pour honorer les appels de fonds émis par l’ASL : ceux-ci sont normalement déductibles à hauteur du capital restant dû au 1er janvier de l’année d’imposition (Cf. encadré).

Les abattements praticables

Bien que chaque situation doive faire l’objet d’une appréciation individuelle, les abattements généralement admis sont :

  • 10% à 40% de la valeur du bien, pour un bien loué, selon les contraintes générées par la location 
  • 10% à 30% au plus pour les monuments historiques, selon leur emplacement, leurs spécificités et caractéristiques, et selon l’importance des charges qui les grèvent (RM Nicolas DUPONT-AIGNAN, Dép. JO AN du 29 juin 1998, n°13318)
  • 30% pour le bien qui constitue la résidence principale du contribuable (article 973 du CGI, al. 2) 

Le traitement particulier des emprunts in fine

Le montant d’un emprunt in fine doit faire l’objet d’un lissage, par fractions égales, sur la durée totale de l’emprunt (art. 974 du CGI). Ces emprunts font donc l’objet d’un amortissement fiscal fictif pour les besoins de l’IFI.

Déductibilité des charges d’emprunt (intérêts, primes d’assurance, frais d’emprunt etc.) souscrit pour le financement de l’acquisition et des travaux d’un immeuble donné en location nue – les écueils à éviter !

Déductibilité des charges d’emprunt (intérêts, primes d’assurance, frais d’emprunt etc.) souscrit pour le financement de l’acquisition et des travaux d’un immeuble donné en location nue – les écueils à éviter !

REGLES DE DEDUCTIBILITE DES CHARGES D’EMPRUNT

Principes

Les charges d’emprunt sont celles destinées à financer l’acquisition, la construction ou l’amélioration d’un bien, en vue de procurer des revenus fonciers.
 
Elles doivent avoir été effectivement supportées par le propriétaire (justification de la souscription de l’emprunt, du montant des charges et de l’année de paiement) (article 31 I, 1°, d du CGI).
 
Il faut également justifier de la corrélation entre le prêt souscrit et les sommes engagées pour l’acquisition comme pour la conservation des revenus fonciers.
 
Que l’emprunt soit destiné à financer l’acquisition d’un bien ou les travaux, les charges d’emprunt sont déductibles selon les mêmes règles.

Précisions pour les emprunts substitutifs

Les intérêts et frais d’emprunt engagés pour un emprunt bancaire contracté en vue du remboursement d’un emprunt antérieur dont les intérêts ont été admis en déduction sont également déductibles à la condition qu’il y ait entre l’emprunt initial et le nouvel emprunt une continuité de l’objet d’endettement. Ce qui signifie que le nouvel emprunt soit effectivement intégralement utilisé pour rembourser l’emprunt antérieur.
(CE 1er février 2012 n°336469)

L’indemnité de résiliation du premier prêt bancaire  peut également être déductible (article 13 du CGI, CE 5 juillet 2010 n° 301044)

Ne pas oublier d’indiquer sur les déclarations à quel prêt le nouveau se substitue
(CAA Nancy  29 septembre 2016)

EMPRUNT EN SUBSTITUTION D’UN AUTOFINANCEMENT
(en direct ou via apport en compte courant en SCI)

Un investisseur qui autofinancerait l’acquisition du foncier et/ou de dépenses de travaux alors que le contrat de prêt serait souscrit et les fonds débloqués ultérieurement, risque de ne pouvoir justifier de la déductibilité des charges de l’emprunt substitutif puisque l’emprunt serait destiné à l’obtention de  trésorerie personnelle et non à l’acquisition ou aux travaux. Il faudrait pouvoir justifier que l’avance des fonds a entraîné une situation débitrice (compte bancaire débiteur) nécessitant de recourir à un emprunt, situation nécessairement exceptionnelle.

La solution serait d’investir via une SCI et de procéder à une avance en compte courant. La SCI pourra souscrire un emprunt afin de rembourser l’associé. Les charges de cet emprunt substitutif seront déductibles si la SCI justifie de la continuité entre l’avance en compte-courant consentie et le prêt souscrit. Ce qui signifie que le contrat de prêt substitutif ait le même objet que l’avance en compte-courant et ait effectivement été affecté au remboursement de cette avance.

Cette déductibilité n’est plus conditionnée par le fait que le compte courant d’associés ait été rémunéré (CE 28 mars 2014 n°350816).

Point pour attention

La remise en cause des dépenses de travaux du fait de leur nature ne peut pas automatiquement entraîner la remise en cause des charges d’emprunt si le bien est destiné à être loué. L’erreur est souvent commise par l’administration fiscale.

Attention au nu-propriétaire de parts de SCI :

Les charges d’emprunt qu’il a souscrit personnellement pour financer l’acquisition de la nue-propriété des parts de la SCI détenant l’immeuble loué sont non déductibles (CE 24 février 2017) contrairement au cas du nu-propriétaire qui détiendrait directement l’immeuble.

Modalités Pratiques

Tenir une comptabilité de SCI a son intérêt pour justifier de la dette au passif du bilan à la clôture de l’exercice de la SCI au cours duquel elle a commencé à verser les fonds pour l’acquisition du foncier et/ou des travaux.

Pas de préemption sans transmission : une nouvelle illustration de la rigueur avec laquelle les conditions du droit de préemption doivent être mises en œuvre

Pas de préemption sans transmission : une nouvelle illustration de la rigueur avec laquelle les conditions du droit de préemption doivent être mises en œuvre

Dans un arrêt n° 414840 du 4 avril 2018, le Conseil d’Etat réaffirme la rigueur inhérente à la mise en œuvre du droit de préemption et rappelle les conditions d’exercice de ce dernier, notamment l’obligation de transmission de la décision au préfet. Bien qu’il n’ait pas fait l’objet d’une publication au recueil Lebon, cet arrêt, qui illustre par ailleurs l’exercice du droit de préemption par une société d’économie mixte (S.E.M.), présente l’avantage de renforcer la transparence et le contrôle des décisions de préemption prises par ce type de structure – CE, 4 avril 2018, req. n° 414840

I. La réaffirmation de l’obligation de transmettre au préfet les décisions de préemption

A. Rappel : les S.E.M. doivent transmettre leurs décisions de préemption au préfet

Ce n’est que très récemment que le Conseil d’Etat a confirmé que, quelle que soit la nature des relations contractuelles liant les S.E.M. aux collectivités locales, les décisions de préemption qu’elles prennent doivent être soumises au contrôle de légalité du préfet (CE, 24 mai 2017, n° 397197, Tab. Leb.).

Compte tenu de l’atteinte portée au droit de propriété et à la liberté contractuelle du vendeur lors de l’exercice du droit de préemption, le juge fait preuve d’exigence dans son contrôle des décisions de préemption. Il s’assure ainsi du respect des conditions d’exercice du droit de préemption, notamment du caractère exécutoire de cette décision.

Tel était le cas dans l’affaire que le Conseil d’Etat a eu à connaître le 4 avril 2018 où l’autorité préemptrice était une S.E.M.

B. Une transmission au préfet dans les délais pour rendre la décision exécutoire

Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat juge que, lorsqu’une S.E.M. est le délégataire d’un droit de préemption, les dispositions combinées des articles L. 213-2 du code de l’urbanisme, L. 2131-1 et L. 2131-2, 8° du CGCT [1] :

« imposent que la décision de préemption soit exécutoire au terme du délai (…) imparti pour en faire usage, c’est-à-dire non seulement prise mais également notifiée au propriétaire intéressé et transmise au représentant de l’Etat » (CE, 4 avril 2018, n° 414840).

L’originalité de cette affaire résidait dans le fait que la transmission de la décision de préemption au préfet avait été effectuée dans le délai d’un mois accordé à la suite d’une demande de documents complé-mentaires [2].

II. La mise en œuvre rigoureuse des conditions de préemption pour une réduction du risque contentieux

A. La sécurisation des décisions de préemption

Ce délai d’un mois consécutif à la réception des documents complémentaires demandés a été mis en place par la loi A.L.U.R. n° 2014-366 du 24 mars 2014.

Bien que prolongeant la période d’incertitude pour les propriétaires, ce délai a le mérite de permettre à l’autorité titulaire du droit de préemption de :

– disposer d’éléments supplémentaires afin de justifier sa décision de préemption (consistance et état de l’immeuble) ;

– bénéficier de plus de temps afin de transmettre sa décision au préfet, étape obligatoire pour rendre sa décision exécutoire.

B. Comment réduire le risque d’annulation d’une décision de préemption ?

Cette décision illustre la rigueur avec laquelle le droit de préemption doit être mis en œuvre, le Conseil d’Etat rappelant les formalités de publicité à accomplir dans le délai de préemption :

– la décision de préemption doit être prise et notifiée au vendeur ;

– elle doit être transmise au représentant de l’Etat. 

Une vigilance particulière doit en outre être accordée quant à la motivation de la décision de préemption, laquelle doit justifier de :

– la réalité d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement à la date à laquelle le bien est préempté ;

– la nature du projet (CE, 7 mars 2008, « Meung-sur-Loire », req. n° 288371, Rec.Leb.).

À noter

[1] Les décisions relevant de l’exercice de prérogatives de puissance publique prises par des S.E.M. pour le compte d’une commune sont exé-cutoires de plein droit dès lors qu’il a été procédé à leur transmission au représentant de l’Etat.

[2] Lorsqu’une autorité titulaire du droit de préemption exerce son droit de préemption (délai de deux mois), il peut être demandé au propriétaire du bien préempté une commu-nication unique de documents.

Le délai est alors suspendu à compter de cette demande et reprend son cours dès la réception des documents. Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire disposera d’un mois pour prendre sa décision de préemption (art. L. 213-2 du code de l’urbanisme).

Modalités de prise en compte des dettes dans le cadre de l’IFI pour les biens détenus en direct

Modalités de prise en compte des dettes dans le cadre de l’IFI pour les biens détenus en direct

La mise en place de l’IFI s’accompagne de dispositions spécifiques pouvant limiter, de façon plus restrictive que celles prévues dans le cadre de l’ISF, la prise en compte des dettes au passif, avec notamment l’instauration d’un dispositif « anti-abus ». 

Rappel des principaux changements et de leurs conséquences pour les biens détenus en nom propre. Un bulletin distinct traitera de la prise en compte des dettes pour les biens détenus par l’intermédiaire d’une société. 

FIN DE LA DEDUCTIBILITE DE PRINCIPE

Des dettes toujours déductibles…

La restriction du champ d’application de l’IFI aux seuls actifs immobiliers s’accompagne d’une limitation corrélative du passif déductible.

L’article 974 du CGI limite désormais les dettes pouvant être déduites à celles ayant pour objet de financer : 

  • l’acquisition d’un bien ou droit immobilier, 
  • les impositions liées à leur détention, 
  • les dépenses de travaux portant sur ceux-ci. 

Pour mémoire, les qualités que doivent présenter ces dettes (exister au 1er janvier et être à la charge du redevable) restent inchangées. 

A noter que la déductibilité n’est admise qu’à proportion de la fraction imposable du bien considéré. Dès lors, les biens partiellement ou totalement exonérés (et non ceux bénéficiant d’un abattement, cf. notre bulletin du 28 mai 2018) voient leur dette déductible diminuée d’autant.

…sauf certaines qui ne le sont jamais

Ne sont en aucun cas déductibles les dettes contractées, directement ou indirectement via des entités interposées, par le redevable auprès des membres de son foyer fiscal (redevable, conjoint, partenaire de pacs, concubin notoire ou enfants mineurs du couple).

Il s’agit en effet, du point de vue de l’IFI, d’une forme de prêt à soi-même dans la mesure où la dette est alors contractée entre personnes composant un seul et même redevable (i.e. le foyer fiscal).

Notons que le champ d’application de cette mesure d’exclusion est particulièrement incertain en ce qu’elle ne précise pas si la notion d’emprunts contractés via des entités interposées nécessite ou non un critère de contrôle pour être applicable.

DEDUCTION CONDITIONNELLE POUR CERTAINES DETTES

Emprunts familiaux

Les dettes contractées, directement ou indirectement, auprès :

  • du groupe familial d’un membre du foyer fiscal (ascendants, descendants, frères et sœurs)
  • ou d’une société ou organisme contrôlé par le redevable seul ou le cas échéant conjointement avec d’autres membres de son foyer fiscal ou de son groupe familial proche,

ne peuvent être admises en déduction, toutes autres conditions étant remplies par ailleurs, que sous réserve de pouvoir justifier du caractère « normal » du prêt

Le caractère normal s’apprécie à l’aune de plusieurs critères, l’idée étant que l’emprunt concerné satisfasse aux mêmes conditions qu’un emprunt souscrit auprès d’un établissement de crédit (notamment : un contrat écrit prévoyant des échéances périodiques avec remboursement du capital et des intérêts, et leur paiement effectif).

Emprunts in fine ou sans terme 

Les prêts in fine font l’objet d’un  amortissement théorique ayant pour objet de lisser le capital restant dû par fractions égales sur toute la durée de l’emprunt : seule est admise la déductibilité des annuités théoriques restant à courir.

Par exemple pour un emprunt in fine de 800.000 euros souscrit en 2014 pour 10 ans, on ne retiendra pour l’IFI 2018 que 560.000 euros à titre de passif déductible (800.000- (800.000 x 3)/10)

L’article 974 II ne visant pour l’application de cette règle que les prêts relatifs à l’achat d’un bien ou droit immobilier imposable, il nous semble que cet amortissement théorique n’ait pas vocation à s’appliquer pour le prêt relatif aux travaux.

Concernant les emprunts pour lesquels aucun terme n’est prévu pour le remboursement du capital, un amortissement théorique de 5% par an doit également être pratiqué

Limitation du montant des dettes admises 

Lorsque la valeur des biens ou droits immobiliers et des parts ou actions taxables excède 5 millions d’euros et que le montant total des dettes admises en déduction au titre d’une même année excède 60 % de cette valeur, le montant des dettes excédant ce seuil de 60% n’est admis en déduction qu’à hauteur de 50 % (article 974 IV du CGI) sauf à justifier qu’elles n’ont pas été contractées dans un objectif principalement fiscal. 

La déductibilité des emprunts substitutifs est admise 

Bonne nouvelle : la doctrine administrative (BOI-PAT-IFI-20-40-10-20180608 §170) confirme l’analyse menée par notre cabinet en admettant expressément « qu’est déductible la dette résultant d’un rachat de prêt par un établissement bancaire lorsque la dette correspondant au prêt racheté était elle-même déductible ». Un soin particulier devra donc être prêté à la continuité d’objet de ces emprunts.

Modifications relatives au démembrement 

L’article 968 du CGI prévoit notamment qu’en cas d’usufruit légal du conjoint survivant résultant de l’article 757 du code Civil, usufruitier et nu-propriétaire se voient imposés séparément sur la base du barème fixé par l’article 669 du CGI alors qu’initialement seul l’usufruitier était imposé sur la valeur en pleine propriété.