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Annulation contentieuse d’une DDEP : des conséquences distinctes selon le caractère achevé ou non des travaux

Le 28 avril 2021, le Conseil d’État a rendu une décision n° 440734 mentionnée aux Tables du Lebon, par laquelle il clarifie les conséquences de l’annulation, par le juge, d’un arrêté portant dérogation aux interdictions de destruction de spécimens d’espèces animales et végétales protégées et de leurs habitats (DDEP). Le Conseil d’État précise notamment les conséquences que le préfet doit tirer d’une telle annulation et opère à cet égard une distinction selon que celle-ci intervient avant (I.) ou après la réalisation des travaux (II.).


I. L’ANNULATION CONTENTIEUSE D’UNE DDEP AVANT LA RÉALISATION DES TRAVAUX (CADRE GÉNÉRAL)


Les pouvoirs du préfet : de la mise en demeure de régulariser…

Lorsqu’une DDEP a fait l’objet d’une annulation contentieuse – que la dérogation ait été délivrée dans le cadre d’une autorisation d’exploiter une ICPE (ancien régime) ou d’une autorisation environnementale (auquel cas l’annulation porte sur la partie de l’AE tenant lieu de DDEP) –, le Conseil d’État rappelle qu’il appartient au préfet de mettre en oeuvre les pouvoirs qu’il tient de l’article L. 171-7 du code de l’environnement. 

Ces mesures et sanctions administratives, qui sont indépendantes des éventuelles poursuites pénales,  consistent à :

  • mettre l’exploitant en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu’il détermine (1 an au maximum) ;
  • édicter des mesures conservatoires aux frais de la personne mise en demeure ;
  • suspendre le fonctionnement de l’installation jusqu’à ce qu’il ait été statué sur une demande de régularisation, à condition que des motifs d’intérêt général ne s’y opposent pas.


… à l’abrogation de l’autorisation d’exploiter l’ICPE ou de l’autorisation environnementale

Outre le rappel des pouvoirs de police dont le préfet peut faire usage au titre des dispositions précitées du code de l’environnement, le Conseil d’État indique que cette même autorité peut, le cas échéant, abroger l’autorisation d’exploiter ou l’AE en tenant lieu

Cette hypothèse n’est pas évoquée par le rapporteur public dans ses conclusions sur l’arrêt commenté mais elle apparaît en lien avec le rôle central assigné au préfet à la suite d’une annulation de DDEP. En effet, la Haute juridiction précise que ce dernier, tenant compte de la situation de droit et de fait applicable à la date à laquelle il se prononce, doit tirer les conséquences de la décision juridictionnelle d’annulation et de l’autorité de chose jugée qui s’y attache.

Pour ce faire, il appartiendra sans doute au préfet de distinguer selon les motifs d’annulation de la DDEP et, en conséquence, en fonction des possibilités ouvertes de régularisation. 

Aussi, lorsque, comme au cas d’espèce, une DDEP a été annulée pour défaut de raison impérative d’intérêt public majeur du projet, vice difficilement régularisable, le préfet sera amené à prononcer l’abrogation de l’autorisation d’exploiter ou de l’AE en tenant lieu.

II. L’ANNULATION CONTENTIEUSE DE LA DDEP APRÈS LA RÉALISATION DES TRAVAUX (CADRE SPÉCIAL)

La nécessaire mise en oeuvre d‘une protection équivalente à la DDEP annulée

Alors même que la DDEP a été annulée pour un motif de fond (RIIPM) et est dès lors réputée n’avoir jamais existé, le Conseil d’État tient compte des effets qu’elle a produits avant son annulation et peut ainsi constater qu’elle a été exécutée. Il ménage alors une issue favorable pour les installations en cours d’exploitation.

Plus précisément, il considère que « dans l’hypothèse où la situation de fait telle qu’elle existe au moment où l’autorité administrative statue à nouveaune justifie plus la délivrance d’une DDEP », le préfet doit rechercher si l’exploitation peut être poursuivie. Dans ce cas, il peut imposer des prescriptions complémentaires et/ou délivrer une décision modificative ou une nouvelle AE :
  

  • les prescriptions imposées dans l’autorisation modificative doivent apporter une protection de l’environnement équivalente en reprenant a minima les mesures de compensation exigées par la DDEP annulée ; 
  • en fonction du caractère illégal des atteintes portées aux espèces protégées, l’autorisation modificative doit intégrer des conditions de remise en état supplémentaires et peut adapter les conditions de l’exploitation (modalités de fonctionnement, durée). 

Des zones d’incertitudes quant au champ d’application de cette décision

Le Conseil d’État a adopté une « approche médiane » qui permet de trouver un équilibre entre pragmatisme et nécessité de protéger les espèces. Il semble ainsi ouvrir la voie à la sécurisation des situations acquises en raison de la réalisation des travaux préalables à l’exploitation d’une ICPE ayant conduit, dans le passé, à solliciter une DDEP. 

Les juges ne dissipent toutefois pas l’ensemble des ambiguïtés. 

Quid en effet de la situation dans laquelle les travaux ne sont pas achevés mais suffisamment avancés ? Une abrogation est-elle alors légale ou le préfet doit-il envisager une régularisation ? 

En outre, une telle prise en compte de l’exécution des travaux (et donc de la destruction des espèces) peut-elle être étendue à l’hypothèse où un porteur de projet devenu exploitant n’aurait jamais demandé de DDEP, alors même qu’une telle dérogation était requise ?

Enfin, cette solution vaut pour une AE dès lors que celle-ci devient incomplète et par suite illégale en cas de DDEP annulée, des questions se posent s’agissant du caractère exécutoire d’un permis de construire délivré à l’occasion d’une opération nécessitant également une DDEP.

Les étapes de l’affaire de la carrière de Semondans

Abréviations

AE : autorisation environnementale
C. env. : code de l’environnement
ICPE : installation classée pour la protection de l’environnement
DDEP : dérogation pour la destruction d’espèces protégées et de leurs habitats 
RIIPM : raison impérative d’intérêt public majeur

Prévenir les conflits d’intérêts sans étouffer la vie locale : un équilibre à rechercher pour les élus

Malgré les récentes lois relatives à la prévention des conflits d’intérêts1, l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales, inchangé depuis la création du code en 1996, dispose que « sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires ». De la qualification d’ « élu intéressé » découlent deux risques : d’une part, l’annulation d’une délibération à laquelle a participé l’élu, qui pèsera sur la collectivité (I.) ; d’autre part, l’engagement de la responsabilité pénale de l’élu (II.). Si les situations de cumul d’intérêts des conseillers sont légion dans les communes rurales peu habitées, des réflexes peuvent être adoptés pour prévenir les conflits d’intérêt et limiter leurs conséquences sur le plan juridique.

I. L’ ENJEU PUBLIC : LE RISQUE, POUR LA COLLECTIVITÉ, TENANT À L’ANNULATION DE SA DÉLIBÉRATION

La simple détention d’un « intérêt » par l’élu ne suffit pas à caractériser le risque…

La jurisprudence administrative recourt d’abord au critère de « l’intérêt personnel » que l’élu peut détenir en propre ou par personne interposée. La présence d’un « intérêt qui ne se confond pas avec ceux de la généralité des habitants de la commune » (CE, 16/12/94, n° 145370) est ici recherchée, au terme d’une analyse in concreto (CE, 30/12/02, n° 229099).

Le juge considère par exemple que n’est pas « intéressé à l’affaire » le conseiller municipal qui bénéficie d’une indemnité en raison de la vente de parcelles communales (CE, 1/07/19, n° 410714), ni celui dont la famille bénéficiera de l’implantation d’un projet éolien sur lequel il a été amené à donner un avis (CAA Nancy, 26/01/21, n° 20NC00316, pt. 19 – en l’occurrence, deux des conseillers municipaux présents au vote étaient respectivement le fils et le neveu du propriétaire de la parcelle d’implantation du parc).

De même, le seul vote d’un élu propriétaire de parcelles destinées à l’élargissement des chemins d’accès aux éoliennes lors de la délibération sur l’opportunité du projet ne suffit pas à retenir la qualification d’« élu intéressé » (CAA Nancy, 26/01/21, préc., pt. 6). Le conseiller doit également, en effet, avoir eu une influence sur le sens de la décision.

… L’exigence d’une influence sur le résultat de la délibération

Le second critère dégagé par le juge procède de l’influence exercée par l’élu sur la délibération ou de sa « participation active » à celle-ci (CE, 12/10/16, n° 387308). La preuve de cette influence de l’élu sur la délibération en vue de prendre en compte son intérêt personnel doit être rapportée pour entraîner l’annulation de la délibération.

Ainsi, la circonstance que deux élus, gérants du groupement foncier propriétaire du terrain d’assiette d’un projet éolien, aient pris part à la délibération précédant l’avis favorable du maire sur le projet n’entache pas d’illégalité la procédure de délivrance de l’autorisation, dès lors qu’aucune influence sur le sens de la délibération ou sur l’avis du maire n’a été démontrée (CAA Marseille, 13/11/15, n° 14MA00594). 

L’appréciation par les juges de l’influence ne se limite pas au seul moment de la délibération (CE, 9/07/03, n°248344). Cette influence peut être caractérisée si un élu a activement participé aux réunions et travaux préparatoires à l’élaboration d’un document d’urbanisme, même il s’est abstenu de prendre part aux débats lors de l’approbation (CE, 21/11/12, n° 334726 : annulation, pour ce motif, de la délibération approuvant une carte communale).

II. L’ENJEU PÉNAL : LE RISQUE D’ENGAGEMENT DE LA RESPONSABILITÉ DE L’ÉLU INTÉRESSÉ

La possible caractérisation d’une infraction pénale…

Si la délibération dont le sens a été influencé par l’élu intéressé peut éviter l’annulation (notamment si elle n’a pas été attaquée), l’élu risque toutefois de voir sa responsabilité pénale engagée devant le juge répressif.

Exercer une influence dans un but strictement personnel ou pour une tierce personne est en effet susceptible de constituer une infraction pénale (concussion, corruption et trafic d’influence, délit de favoritisme, prise illégale d’intérêts, etc.)2 dont la prescription intervient au bout de six ans à compter du dernier agissement3.

Dès lors que la caractérisation d’une infraction pénale suppose un élément matériel (les faits) et un élément intentionnel (la volonté d’avoir commis ces faits), des preuves de l’avantage retiré par l’élu ou la tierce personne doivent être rapportées.

Ainsi, la simple « supposition » d’un accord verbal entre un élu et une société qui rachète des terrains lui appartenant n’est pas de nature à prouver une prise illégale d’intérêts (Crim., 19/03/08, n° 07-84.288).

… La large application de l’infraction de prise illégale d’intérêts

La prise illégale d’intérêts est l’infraction la plus susceptible d’être retenue dès lors que l’élément matériel peut concorder avec les agissements de l’élu « intéressé à l’affaire » : par exemple, la révision d’un document d’urbanisme en vue de favoriser son foncier ou l’accord relatif au versement de subventions vers une association dont il est membre actif (voire l’émission d’un seul avis sur ces subventions : Crim., 09/02/11 n° 10-82988).

L’intérêt peut être pécuniaire, moral, direct ou indirect (Crim., 22/10/08, n° 08-82.068). De plus, non seulement la recherche d’un gain ou d’un profit personnel est indifférente (Crim., 21/06/00, n° 99-86.871), mais l’intérêt de l’auteur de l’infraction peut ne pas être en contradiction avec l’intérêt communal (Crim., 19/03/08, préc.).

Enfin, l’élément intentionnel est aisément retenu par le juge pénal qui exige seulement un dol général, caractérisé par la commission de l’infraction en toute conscience (Crim., 22/10/08, préc. : des élus ont été déclarés coupables pour avoir participé à une délibération attribuant des subventions à une association qu’ils présidaient).

Précisions

1 Lois du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique.

2 Art. 432-10 et s. du code pénal.

3 Art. 8 du code de procédure pénale.

4 Caractérisé indépendamment de sa finalité, par opposition au dol spécial pour lequel une finalité spéciale est recherchée.

Le cas spécifique de la délibération préalable à une prise de décision

Lorsque les délibérations sont des avis préalables à la prise d’une décision préfectorale (comme en matière d’EnR), un second filtre se met en place :

  • même en présence d’une délibération irrégulière en raison de la participation d’un élu intéressé, le juge administratif recherche si l’autorité compétente aurait pris, sans cela, une décision différente ;
  • s’il s’avère que l’avis a été pris en considération pour l’édiction de la décision finale, l’irrégularité de la délibération peut alors emporter l’illégalité de la décision finale (Rép. Min., Q n° 68565, J.O.A.N. 31 mars 2015, p. 2551).

Prévenir les conflits d’intérêts

  • Tout élu (maire, conseiller municipal ou intercommunal) doit connaître et reconnaître ses intérêts (propriétés foncières notamment) avant de participer au processus décisionnel.
  • En cas d’intérêt personnel en jeu, il convient de s’écarter des travaux préparatoires, commissions et réunions de travail.
  • Lors de la délibération, l’élu devra :
  • – s’écarter des débats et quitter la salle ;
    – indiquer la raison de ce départ et s’assurer qu’il figure au compte-rendu.
  • En cas de déport d’un ou de plusieurs élus, il conviendra de veiller au respect du quorum non seulement pour l’ensemble de la séance, mais aussi pour chaque question abordée (CE, 23/03/1988, n° 67694). La décision de conseillers présents pendant la discussion de sortir au moment du vote équivaut à une abstention et n’affecte pas le quorum.

Vers une mise en conformité des critères de sélection des projets soumis à évaluation environnementale

Dans une décision n° 425424 du 15 avril 2021 mentionnée aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’État a prononcé une annulation partielle du décret n° 2018-435 du 4 juin 2018 portant modification de la nomenclature de certains projets relevant de l’évaluation environnementale systématique ou au cas par cas1.

La Haute juridiction a suivi les associations requérantes, à savoir la FNE et la FNE Allier2, qui avaient contesté la transposition, dans le droit national, des critères européens relatifs à l’évaluation préalable des projets de nature à avoir une incidence notable sur l’environnement (I.). Dans l’attente d’une mise en conformité du droit interne qui doit intervenir au plus tard au début de l’année 2022, les porteurs de projets se doivent d’être vigilants dans la détermination des projets qu’il conviendra de soumettre à évaluation environnementale préalable, en veillant à une lecture critique des listes aujourd’hui fixées par le code de l’environnement principalement axées sur le critère dimensionnel des projets, et insuffisamment, en regard du droit de l’Union, sur leur localisation ou encore leurs impacts potentiels (II.).

I. TOUT PROJET « SUSCEPTIBLE D’AVOIR UNE INCIDENCE NOTABLE SUR L’ENVIRONNEMENT » DOIT FAIRE L’OBJET D’UNE ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE PRÉALABLE À SON AUTORISATION

Les critères de l’annexe III de la directive…

La directive 2011/92/UE3 pose un principe général d’évaluation préalable des projets susceptibles d’avoir une incidence notable sur l’environnement. Elle impose à ce titre aux États membres de prendre les dispositions idoines pour que ces projets soient soumis à évaluation, en raison de leurs dimensions, mais également de leur nature ou de leur localisation.

Plus précisément, doivent être pris en compte les critères figurant en annexe III de la directive4, c’est-à-dire :

  1. les caractéristiques du projet (dimension, cumul avec d’autres projets, utilisation des ressources naturelles, etc.) ;
  2. la localisation du projet (occupation des sols, présence de zones protégées à proximité, capacité de régénération des ressources naturelles de la zone, etc.) ;
  3. les types et caractéristiques de l’impact potentiel (étendue, probabilité, durée, fréquence, réversibilité, etc.).

La CJUE a ainsi  jugé qu’ « un projet de dimension même réduite peut avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de sa nature ou de sa localisation » (CJUE, 24 mars 2011 Com. c/ Belgique, C-435/09, §61).

…incorrectement transposés en droit interne

Dans sa décision du 15 avril 2021, le Conseil d’État censure la rubrique 44 de la nomenclature annexée à l’article R. 122-2 C. env relative aux équipements sportifs5en ce que seule était prise en compte la capacité d’accueil du projet pour le soumettre à évaluation environnementale. Etaient ainsi exemptés d’une telle obligation les projets accueillant moins de 1000 personnes, « quelles que puissent être, par ailleurs, les autres caractéristiques et notamment leur localisation » et ce, en méconnaissance de la directive telle qu’interprétée par la CJUE6.

Le Conseil d’État est même allé plus loin, annulant partiellement le décret précité « en tant qu’il ne prévoit pas de dispositions permettant qu’un projet susceptible d’avoir une incidence notable sur l’environnement pour d’autres caractéristiques que sa dimension puisse être soumis à une évaluation environnementale ».

Il sanctionne ainsi l’absence de mécanisme de « clause filet », laquelle doit permettre de soumettre à évaluation environnementale des projets ne figurant pas dans la nomenclature annexée à l’Art. R. 122-2 C. env. mais ayant une incidence sur l’environnement (notamment en raison de leur localisation).

II. VERS UNE APPRÉCIATION PLUS PERTINENTE DES PROJETS SUSCEPTIBLES D’AVOIR UNE INCIDENCE NOTABLE SUR L’ENVIRONNEMENT

Dans l‘attente d‘une mise en conformité…

Il apparaît donc, au vu des critères posés par la directive, que la seule prise en compte de la dimension du projet est insuffisante pour déterminer s’il est nécessaire ou non de réaliser une évaluation environnementale ou, à tout le moins, de procéder à un examen au cas par cas.

Il est enjoint au gouvernement de mettre en conformité les critères de sélection des projets soumis à évaluation environnementale avec ceux de l’annexe III de la directive dans un délai de neuf mois, soit au plus tard début 2022 (pt. 11 de l’arrêt).

Dans cet intervalle, il est vraisemblable que la directive « Projets » pourra être directement invoquée à l’appui de recours contre les projets concernés par les rubriques du décret partiellement annulé7, dès lors que l’annexe III de celle-ci comporte des critères suffisamment précis et inconditionnels (Cf. CE, Ass. 30 octobre 2009, « Dame Perreux », n° 298348).

Pour rappel, la Commission européenne avait déjà adressé à la France deux mises en demeure, considérant que la législation française transposant la directive « Projets » était insuffisante8.

…mieux vaut ne pas subir !

La sécurité juridique de certains projets ayant été dispensés d’évaluation environnementale au regard de leurs seules dimensions (sans analyse de leur localisation ou de leurs impacts) pourrait se trouver fragilisée.

Il n’est pas exclu que des projets relevant d’autres rubriques que celles visées par le décret du 4 juin 2018 puissent être contestés sur le fondement de l’absence d’évaluation environnementale préalable9. Restera toutefois à démontrer qu’une telle évaluation aurait été nécessaire au regard des critères de l’annexe III de la directive.

À titre d’exemple, la rubrique 39, bien que récemment modifiée10, pourrait être regardée comme contraire à la directive dès lors que les critères et seuils fixés ne portent ni sur la localisation du projet, ni sur le type d’impact attendu, à l’exception du critère d’ « espace non artificialisé » partiellement appliqué à la catégorie des évaluations systématiques.

Aussi durant cette période transitoire, les porteurs de projets devront apprécier si ces derniers doivent être soumis à évaluation en se fondant directement sur les critères de l’annexe III de la directive « Projets », et non plus seulement en fonction des seuils fixés par l’annexe à l’art. R. 122-2 C. env.

Quelques précisions

1 Cf. notre bulletin du 18.07.2018, sur l’assouplissement des caractéristiques des constructions et opérations d’aménagement soumises à évaluation environnementale (rubrique 39 de l’annexe à l’art. R. 122-2 C. env.).

L’association France Nature Environnement (FNE) et FNE Allier sont des associations agréées pour la protection de l’environnement (art. L. 141-1 C. env.).

3 Directive 2011/92/UE du 13.12.2012 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (dite « directive Projets »).

4 Annexe III – Critères de sélection visés à l’article 4, paragraphe 3 de la directive 2011/92/UE.

A noter que par une décision n° 404391 du 8.12.2017, le Conseil d’Etat avait déjà censuré les anciens critères de cette rubrique pour méconnaissance du principe de non-régression de la protection de l’environnement.

6  CJUE, 15.10.2009, Com. c/ Pays-Bas, C-255/08, § 32-39.

Dont la rubrique 39 relative aux travaux, constructions, opérations d’aménagement.

8 Cfmise en demeure de la Commission du 18.02.2021 complémentaire à celle déjà adressée à la France le 7.03.2019.

Ce défaut d’évaluation préalable constitue un vice de procédure dont la régularisation, si elle apparaît possible, est toutefois longue et complexe (réalisation d’une inventaire 4 saisons par un bureau d’études spécialisé, passage en enquête publique, avis de la MRAE, etc.).

10 Décret n° 2020-1169 du 24.09.2020 modifiant la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement et la nomenclature annexée à l’article R. 122-2 du code de l’environnement, entré en vigueur au 1er janvier 2021 – cf. notre bulletin du 25.11.2020.

Mise à disposition en autopartage de véhicules électriques ou de véhicules propres : un outil intelligent pour réduire les obligations en matière de stationnement

L’article L. 151-31 du code de l’urbanisme prévoit que les obligations en matière de stationnement peuvent être réduites dans l’hypothèse où les constructeurs mettent à disposition des véhicules électriques ou propres en autopartage. Ce mécanisme mal connu peut s’avérer particulièrement favorable aux porteurs de projets et en phase avec les aspirations de notre époque. Afin d’encourager cette pratique, il apparaît utile de procéder à l’étude de son principe (I.) et de ses conditions (II.).

I. UN MÉCANISME SOUPLE

Une réduction des obligations dépendant des circonstances locales

Le dispositif est issu de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, introduit par voie d’amendement en première lecture devant le Sénat.

Cette disposition fait suite à un double constat :

  • certains parcs de stationnement en copropriété seraient sous-utilisés ;
  • le transport « collaboratif » constituerait un levier d’évolution vers des alternatives à l’usage de la voiture individuelle. 

L’article L. 151-31 du code de l’urbanisme pose ainsi le principe d’une réduction de 15% minimum de l’obligation de stationnement en contrepartie de la mise à disposition de véhicules électriques ou propres en autopartage.  

Le principe légal n’a volontairement pas été détaillé par un décret car, selon une réponse ministérielle, cette démarche serait dépendante « du contexte local, qui peut changer d’une ville à l’autre et même d’un quartier à l’autre, de la localisation des projets, de leur taille, de leurs modalités de gestion, de la qualité de la desserte en transport collectif, de l’offre en véhicules en autopartage déjà disponible » (Rép. Min. n° 1366S, JO Sénat, 22.06.16, p. 10128).

Des modalités de gestion du service non soumises au droit de l‘urbanisme

Une réponse ministérielle de 2019 précise qu’il ne revient pas non plus au PLU d’imposer des modalités d’application de l’article L. 151-31 : « ces modalités ne peuvent être inscrites dans le document d’urbanisme qui s’impose au permis de construire et dont l’objet est de fixer les règles d’occupation des sols et non de prévoir les modalités de gestion d’un service de mobilité » (Rép. Min. n° 19121, JO AN, 09.07.19, p. 6519).

Les modalités de gestion du service relèvent en effet de rapports de droit privé entre le pétitionnaire et son partenaire. 

Du point de vue de la conformité aux règles d’occupation du sol, il nous semble que le pétitionnaire pourra se borner à joindre à sa demande de permis de construire un contrat qui permettrait de satisfaire à l’obligation de mise à disposition des véhicules en autopartage.

A cet égard, la collectivité pourra s’assurer de la mise en œuvre pérenne des engagements du pétitionnaire à travers le contrôle de conformité.

II. DES MODALITÉS VARIABLES

Un pourcentage « plancher » de réduction des obligations

Il ressort également de la réponse ministérielle de 2019 précitée qu’est confié au porteur du projet le soin d’être moteur de la mise en place de ce mécanisme d’autopartage. 

L’article L. 151-31 du code de l’urbanisme précise que les 15% représentent un minimum

En d’autres termes, il est loisible au porteur du projet de proposer, dans le cadre de l’instruction, une réduction plus forte de ce pourcentage, au regard des spécificités du projet et des équipements du quartier.

Dans l’hypothèse où un PLU ne prévoirait pas une réduction supérieure (un pourcentage inférieur étant inopposable car contra-legem), ou en cas d’échec d’une proposition prévoyant une réduction supérieure à 15% (cf. infra), il apparaît que l’autorité compétente serait tout de même tenue d’accorder un permis de construire prévoyant deux places en autopartage tout en diminuant de 15% les obligations de stationnement prévues au PLU.

Un nombre de véhicules et une durée à définir

La réponse ministérielle de 2019 indique, s’agissant des modalités de gestion du service, que celles-ci « doivent par ailleurs s’inscrire dans le temps afin d’en garantir la pérennité ». En l’absence de précisions normatives, jurisprudentielles ou doctrinales, une attention particulière doit donc être portée à la condition de durée

S’agissant du nombre de véhicules, la réponse ministérielle de 2019 précise qu’il n’est pas opportun de fixer à l’échelle nationale un ratio du nombre de places d’autopartage à réaliser. Un minimum de deux places semble toutefois indispensable.

Si les termes de cette mise à disposition peuvent faire l’objet d’une discussion dans le cadre de l’instruction, restent en suspens certaines questions qui devraient être tranchées par les juges du fond. 

Il nous semble que si l’ensemble des modalités peuvent être soumises à discussion, la qualité du dossier et des justifications apportées seront déterminantes.

Quelques précisions

L’article L. 151-31 du code de l’urbanisme (ancien L. 123-1-12) est situé dans le paragraphe du code consacré au traitement, par le règlement du PLU, des obligations en matière de stationnement.

Ce paragraphe énumère les exceptions légales qui s’imposent aux règles posées par le PLU, à savoir :

  • les  véhicules en autopartage ;
  • l’impossibilité d’exiger la réalisation de plus d’une aire de stationnement par logement (logements locatifs financés avec un prêt aidé de l’État, EHPAD, résidences universitaires, etc.)
  • l’impossibilité d’exiger la réalisation de plus de 0,5 aire pour les constructions précitées, ou d’une pour celles situées à moins de 500 m d’une gare ou d’une station de transport public guidé, ou de transport collectif en site propre ;
  • l’inopposabilité de l’obligation de réaliser des aires lorsque des travaux sur logements existants n’entraînant pas de création de surface de plancher sont réalisés dans des communes de plus de 50 000 hab. citées à l’art. 232 du CGI, ou de plus de 15 000 hab. citées à l’art. 302-5 du CCH.

Abréviations

C. urb. : code de l’urbanisme
PLU : plan local d’urbanisme
CGI : code général des impôts
CCH : code de la construction et de l’habitation
JO : journal officiel

Taxe Foncière des Bâtiments Industriels : Revirement du Conseil d’Etat sur l’exonération des outillages et moyens d’exploitation, à vos réclamations !

Par son arrêt de décembre 2020 (CE plén. 11 déc. 2020, n°422418, Sté Gkn Driveline), le Conseil d’État abandonne sa jurisprudence antérieure sur les conditions d’exonération de taxe foncière des « outillages et moyens d’exploitation ». Cette décision ne se contente pas de supprimer la condition de dissociabilité d’origine prétorienne, mais redessine également la définition de ces biens exonérés, ouvrant plus encore le champ d’application de l’exonération et l’adaptant plus précisément aux contraintes spécifiques à chaque entreprise.

Le cadre du débat : interprétation limitative de l’exonération des moyens d’exploitation

Pour les locaux professionnels non industriels, la valeur locative foncière imposée résulte de la superficie du local. Pour les locaux industriels, elle est déterminée selon la « méthode comptable » laquelle consiste à appliquer un taux d’intérêt au prix de revient des éléments qui constituent l’établissement. La nature des immobilisations devant être retenues ou exonérées a donc un impact direct sur la taxe.

Rentrent dans le champ d’application de la taxe foncière « les installations destinées à abriter des biens ou à stocker des produits, les ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions et les ouvrages d’art et voies de communication » (1e et 2e de l’article 1381 du CGI).

En sont exonérés, en application de l’article 1382-11e du CGI, les « outillages et autres installations et moyens matériels d’exploitation des établissements industriels » à l’exclusion de ceux visés aux 1e et 2e de l’article 1381 du CGI .

Jusqu’à présent le Conseil d’Etat (CE, 25 déc. 2013) avait dégagé deux conditions cumulatives pour l’application de cette exonération:

  • le bien devait participer directement à l’activité industrielle de l’établissement (critère fonctionnel);
  • et être dissociable des immeubles de l’établissement (critère matériel).

Ce critère matériel était particulièrement critiqué. En effet, l’article 1382 du CGI ne pouvait exonérer des biens « dissociables » qui, par nature, sont exclus du champ d’application de la taxe.

Le revirement de jurisprudence

Dans une décision rendue en formation plénière, le Conseil d’État a précisé les critères d’exonération des outillages et autres installations et moyens matériels d’exploitation de l’article 1382 11° du CGI.;

  • L’abandon du critère matériel : le Conseil d’État abandonne purement et simplement le critère de dissociabilité. Désormais de nombreux équipements non démontables tels que des fours industriels par exemple ou certains systèmes électriques, hydrauliques ou pneumatiques pourront être exonérés, sous condition d’être spécifiquement adaptés à l’activité industrielle de l’établissement en question.
  • L’assouplissement du critère fonctionnel : les outillages n’ont plus à participer directement à l’activité de l’établissement mais simplement à être spécifiquement adaptés à cette activité. Ce qui aboutit à une plus grande amplitude d’éléments exonérés. Par exemple : les systèmes anti-incendie particulièrement coûteux et absolument nécessaires à l’activité des menuiseries devraient entrer dans le champ de l’exonération.

Les possibilités de réclamation

Tout établissement industriel imposé selon la méthode comptable peut contester une taxe qui aurait été assise sur des biens exonérés au sens de l’article 1382 du CGI. Cette possibilité est ouverte tant pour la Cotisation Foncière des Entreprises (CFE) que pour la taxe foncière.

Le  délai normal de réclamation dont dispose le contribuable pour contester la taxe foncière est d’un an à compter de l’émission de l’avis d’imposition contesté. Il est donc possible d’agir pour l’année 2020 jusqu’au 31 décembre 2021.

Pour les années antérieures à 2020 :

  • Il est possible de demander au fisc un dégrèvement d’office jusqu’à la 4ème année suivant celle de l’expiration du délai de réclamation (article R211-1 du LPF) ;
  • En cas de contrôle fiscal portant sur la taxe foncière, il est possible de réclamer sur les années faisant l’objet dudit contrôle.

Il conviendra dans de telles réclamations d’apporter la preuve du caractère « spécifique » des biens d’équipements à exonérer, ce qui peut s’avérer complexe à rapporter.

Un revirement appliqué par le juge du fond

Deux premiers arrêts de la Cour administrative d’appel de Nantes du 1er avril 2021 (19NT02202 et 19NT00758) ont fait application de cette nouvelle jurisprudence en excluant de la base imposable à la taxe foncière des installations de chauffage et climatisation dès lors qu’il était justifié que ces installations étaient spécifiquement adaptées aux activités exercées dans l’établissement.

Taxe Foncière et Cotisation Foncière des Entreprises

Il convient de rappeler que l’assiette de la Taxe Foncière est identique à celle de la Cotisation Foncière des Entreprises (CFE). Ainsi, l’ouverture des critères d’exonération de taxe foncière des outillages et moyens de productions allège par la même occasion la facture des contribuables assujettis à la CFE.

Loi de Finances pour 2021

Pour rappel, l’article 29 de la loi de Finance pour 2021 abaisse de moitié les taux d’intérêts applicables pour le calcul des valeurs locatives résultant de la méthode comptable. Les impôts fonciers professionnels 2021 seront donc substantiellement abaissés.

Le caractère parfait d‘une vente domaniale : délibérer c‘est délibérer, une vente ne peut plus être annulée

Après qu’une personne publique ait adopté une délibération approuvant la cession d’un de ses biens immobiliers, celle-ci peut-elle faire l’objet d’un retrait ? 

Dans une décision du 26 janvier 2021 dite « société Pigeon » (n° 433817, Tab.Leb.), le Conseil d’État estime que la personne publique à l’origine de cette cession ne peut régulièrement retirer la délibération approuvant la vente. En effet, la décision de l’organe délibérant a pour effet de parfaire la vente dès lors qu’elle a pour objet de caractériser, entre les parties, un accord sur la chose et sur le prix. Ainsi, la décision devient créatrice de droits et ne pourra être retirée qu’en cas d’illégalité dans un délai de quatre mois, faute de quoi la personne publique sera susceptible d’engager sa responsabilité. 

LES ÉLÉMENTS CARACTÉRISANT LA FORMATION D’UNE VENTE PARFAITE

Une vente est parfaite en cas d’accord sur la chose et le prix 

En vertu de l’article 1583 du code civil, la vente « est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé ».

Dans sa décision société Pigeon de 2021, le Conseil d’État rappelle que les dispositions précitées relatives au caractère parfait des ventes sont applicables aux cessions immobilières des personnes publiques. 

Ainsi, lorsque l’autorité compétente approuvera la vente1 d’un bien immobilier, celle-ci sera considérée comme parfaite dès lors que cette décision matérialisera un accord sur la chose mais également sur le prix.

Concernant la chose, puisque le vendeur à l’obligation de délivrer le bien, il s’agira dès lors pour les cocontractants d’identifier précisément celui-ci. Pour le prix, il est nécessaire que ces derniers déterminent une contrepartie par application de l’article 1591 du code civil qui dispose que « le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties. ».*

Une certaine souplesse dans la détermination de la chose et du prix

La chose et le prix peuvent ne pas être précisément déterminés. Cela étant, ils devront être à tout le moins déterminables lors de la formation de la vente.

La Cour de cassation a ainsi validé une cession immobilière dont la localisation de la partie « à détacher » n’était pas établie (cfCass., 3èmeciv., 30 janvier 2008, n° 06-20.551). Le Conseil d’État quant à lui, admet le caractère parfait de la vente dont « le terrain (…) était composé de la totalité de cinq parcelles cadastrées ainsi que d’une sixième parcelle « en partie » et un bornage était prévu pour définir les surfaces exactes cédées ».

Il en est de même pour le prix, la Cour de cassation précise qu’il n’est « pas nécessaire que le montant (…) soit fixé, dans le principe, d’une manière absolue ; qu’il suffit, pour la formation de la vente, que le prix puisse être déterminé, en vertu des clauses du contrat, par voie de relation avec des éléments qui ne dépendent plus de la volonté, ni de l’une ni de l’autre des parties »2. Le Conseil d’État dans l’affaire d’espèce a repris cette acception du prix en se contentant d’un « prix initial objectivement déterminable(…) par mètre carré ».

UNE CESSION SANS CONDITION CARACTÉRISE UNE VENTE PARFAITE 

Une vente inconditionnelle est créatrice de droits 

La décision de l’assemblée délibérante se prononçant sur une cession domaniale, dans laquelle sont déterminés  la chose et le prix, tout en ne soumettant la vente à aucune condition, sera constitutive d’une décision créatrice de droits3 (CE, 29 juillet 2020, n° 427738, Tab. Leb.) et en ce cas, la vente sera considérée comme parfaite au sens du code civil (CE, 15 mars 2017, n° 393407, Tab. Leb.). 

Une fois la vente considérée comme parfaite, la propriété est acquise de droit  à l’acheteur à l’égard du vendeur. Dès lors, la personne publique ne pourra, en vertu de l’article L. 242-1 du CRPA, abroger ou retirer cette décision que dans un délai de quatre mois à compter de son édiction et uniquement si elle est illégale.

Il en résulte que les délibérations des collectivités territoriales et autres personnes publiques engagent ces dernières. Le Conseil d’État en 2021 considérant même qu’un retrait pour un motif d’intérêt général ne pouvait être légalement justifié.

Une vente conditionnée n’est pas encore créatrice de droits

Toutefois, s’il s’avère que la vente était conditionnée, l’acte ne deviendra créateur de droits qu’une fois les conditions réalisées. Il a en effet été jugé que « si la délibération d’un conseil municipal autorisant la cession d’un immeuble du domaine privé de la commune constitue en principe un acte créateur de droits, il n’acquiert toutefois ce caractère, lorsqu’une condition est mise à la cession, que lorsque cette condition est réalisée » (CAA Paris, 15 février 2018, n° 16PA01770). 

Nombreuses seraient ici les conditions précisées dans une délibération qui s’opposeraient à ce que la vente puisse être considérée comme parfaite avant leur réalisation (obtention d’un permis de construire, obtention d’un prêt, pré-commercialisation, etc.).

Dans ce cas, la délibération pourra être abrogée pour tout motif et sans condition de délai (art. L. 243-1, CRPA). En revanche, son retrait n’est possible que si la délibération est illégale et uniquement dans un délai de 4 mois à compter de son édiction (art. L. 243-3, CRPA). 

Quelques précisions

 

1 Pour la cession d’un immeuble d’une personne publique, l’organe  délibérant doit se prononcer sur les conditions de la vente et ses caractéristiques essentielles (voir les articles L. 2241-1L. 3213-2L. 4221-4L. 5211-37 et L. 5722-3 du CGCT).

2 C’est la Cour de Cassation dans un arrêt du 7 janvier 1925 dit « Maljournal c/ Senèze » qui a considéré que le prix pouvait ne pas être déterminé.

3 Il en ira ainsi également des ventes conclues entre personnes publiques, et notamment concernant un bien appartenant au domaine public en application de l’article L. 3112-1  du CGPPP (CE, 29 juillet 2020, n°  427738, Tab. Leb.).

Tous les loueurs en meublé professionnels (« LMP ») sont désormais assujettis aux cotisations sociales !

Jusqu’à présent, les loueurs en meublé dont les recettes excédaient 23.000 € mais qui n’étaient pas inscrits au registre des commerces et des sociétés (« RCS ») pouvaient ne pas relever du régime des cotisations sociales (« Sécurité sociale des indépendants »). L’article 22 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 vient dorénavant assujettir aux cotisations sociales l’ensemble des « LMP » en renvoyant à la définition fiscale comme critère d’affiliation. En pratique, l’assiette de ces cotisations sera réduite du fait des amortissements déductibles et l’impact majeur de cette mesure n’interviendra qu’en cas de cession de l’immeuble donné en location  

 

UN RÉGIME FISCAL ET SOCIAL DES « LMP » JUSQU’ICI HYBRIDE

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Les critères du régime LMP

Initialement, 3 conditions étaient requises (art. 155 IV 2 du CGI) pour caractériser l’activité de « LMP » : ✓les recettes annuelles du  foyer fiscal tirées de cette activité excèdent 23.000 € ; ✓Ces recettes excèdent les revenus du foyer fiscal dits « professionnels » ; ✓Un membre du foyer fiscal est inscrit au RCS en tant que loueur professionnel. ➔ Il était possible de rester « LMNP » en cas de non inscription volontaire au RCS. Toutefois, la condition d’inscription au RCS a été jugée inconstitutionnelle le 8 septembre 2018 et a eu pour effet de transformer automatiquement en « LMP » nombre de « LMNP » non inscrits. C’est seulement la loi de finances pour 2020 qui a entériné cette décision en modifiant l’art. 155 IV 2 du CGI : désormais, seules 2 conditions demeurent pour être automatiquement qualifié de « LMP » (seuil de recettes > 23.000 € + qui excèdent les revenus professionnels du foyer).

 

Les critères d’affiliation aux cotisations

En matière sociale, l’art. L.611-1-6° du Code la sécurité sociale prévoit les conditions dans lesquelles un loueur en meublé relève des cotisations sociales (taux max. d’environ 41% pour le régime « SSI ») et non des prélèvements sociaux (taux de 17,2%). Jusqu’à la nouvelle loi de financement de la sécurité sociale 2021, un loueur en meublé relevait des cotisations sociales, lorsque les recettes annuelles tirées de cette activité excédaient 23.000 € et que : ➢Soit les locaux étaient loués pour une courte durée (location saisonnière) ; ➢Soit il était inscrit au RCS (renvoi à l’art. 155 IV 2 1° du CGI) ➔ La majorité des loueurs en meublé n’était pas inscrite au RCS et relevait donc du régime des prélèvements sociaux (taux de 17,2%) et non du régime des cotisations sociales.  

DÉSORMAIS HARMONISÉ

 

Tous les LMP sont désormais assujettis aux cotisations sociales

L’article 22 précité modifie l’art. L.611-1-6° et supprime la condition d’inscription au RCS comme critère d’affiliation et la remplace par un renvoi à l’article 155 IV 2 du CGI. Concrètement, cela signifie que dès que les deux conditions pour être « LMP » sont remplies, l’assujettissement aux cotisations sociales est automatique (3 régimes distincts existent – micro-entrepreneur, régime général et « SSI » – en fonction du montant des recettes annuelles et de l’option retenue). A défaut de précision, cette modification entre en vigueur le 1er janvier 2021 (non applicable aux revenus 2020).  

Un impact limité lors de l’exploitation de l’immeuble mais important en cas de cession

L’impact en serait toutefois limité puisque l’assiette des cotisations sociales (régime « SSI ») est le bénéfice net issu de l’exploitation. Au cours de l’exploitation, le bénéfice net est fortement réduit voire nul du fait de la déduction de l’amortissement de l’immeuble loué et des meubles (règle des « BIC »). Dans ce cas, il existe une cotisation minimale annuelle applicable (env. 1,2k€). En revanche, l’impact sera conséquent en cas de cession de l’immeuble loué puisque la plus-value à court terme (i.e. elle correspond aux amortissements déduits), fût-elle exonérée fiscalement, sera soumise aux cotisations sociales pour sa totalité.  

La location meublée via un intermédiaire de l’immobilier

La réponse ministérielle Pellois (n°3619 du 10 juillet 2018) est venue préciser que les revenus tirés d’une location meublée par le biais d’une agence immobilière bénéficiaire d’un mandat de gestion, sont soumis aux prélèvements sociaux (17,2%). Si l’article L.611-1-6° modifié ne distingue pas entre location meublée en direct ou via un intermédiaire pour l’assujettissement aux cotisations sociales, il devra être confirmé que cette modification s’applique également en cas de location via un intermédiaire.

 

La parution d’un décret d’application

Il est prévu la parution d’un décret d’application permettant de coordonner l’application des critères et préciser certains points (quid si la location meublée est réalisée par une personne morale?) Pour rappel, lorsque la location est consentie par une société soumise au régime des sociétés de personnes (SARL de famille), le dépassement du seuil de 23.000 € doit être apprécié, non au niveau de la société, mais au niveau des associés à concurrence de leurs droits dans les bénéfices sociaux. Enfin,  l’étude d’impact du PLFSS 2021 mentionne que l’entrée dans le régime est définitive, « même si le seuil d’affiliation n’est plus atteint dans les années suivantes » !  

Le certificat de projet : un outil aux bénéfices mesurés

Créé à titre expérimental par l’ordonnance n° 2014-356 du 20 mars 2014 relative à l’expérimentation d’un certificat de projet, puis pérennisé par l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale, le certificat de projet codifié aux articles L. 181-5 et suivants du code de l’environnement se distingue du certificat de projet institué à titre expérimental par la loi « climat et résilience » du 22 août 2021 dont les modalités d’application restent à déterminer. En matière d’autorisation environnementale, le certificat de projet permet au pétitionnaire d’identifier les régimes, procédures et décisions nécessaires pour réaliser son projet, en lui offrant un cadrage en amont du dépôt de la demande d’autorisation environnementale et en réduisant les risques d’irrégularité du dossier, dont le montage s’avère souvent complexe (I). Toutefois, son utilité doit être nuancée eu égard à ses effets, somme toute limités (II).

I. UN CADRAGE EN AMONT CLARIFIANT LA PROCÉDURE DE DEMANDE D’AUTORISATION ENVIRONNEMENTALE

L’identification des régimes applicables

Le porteur d’un projet soumis à autorisation environnementale (certains projets immobiliers de grande importance, parc éolien, etc.) peut déposer une demande de certificat de projet auprès du préfet de département, en amont du dépôt de sa demande d’autorisation environnementale (art. L. 181-5 c. env.
et s.). 

Dans un délai de deux mois1 et en fonction des informations transmises par le pétitionnaire, le préfet établit un document indiquant :

  • les régimes, procédures et décisions relevant de sa compétence, auxquels le projet envisagé est soumis (autorisation de défrichement, DDEP, loi sur l’eau, etc.) ;
  • les principales étapes de l’instruction et la liste des pièces requises pour chacune d’elles, permettant de s’assurer du caractère complet du dossier ;
  • la situation du projet au regard des dispositions relatives à l’archéologie préventive.

De plus, il est loisible au préfet de mentionner les autres régimes, procédures et décisions dont le projet est susceptible de relever ainsi que de transmettre des informations qu’il estime utiles, notamment les éléments de nature juridique ou technique qui pourraient faire obstacle à la réalisation du projet.

La mention obligatoire des délais d’instructions

Outre une vision plus claire des étapes procédurales, le certificat de projet comporte également l’indication des délais d’instruction règlementairement prévus. 

A cet égard, le préfet peut fixer un calendrier d’instruction dérogatoire aux délais règlementaires pour les procédures et décisions identifiées, qui engage l’administration et le pétitionnaire, à condition que ce dernier :

  • contresigne le calendrier d’instruction ;
  • le retourne au préfet dans un délai d’un mois après la notification. 

Toutefois, ces calendriers d’instruction dérogatoires ne semblent que très rarement mis en œuvre, le guichet unique instauré par les ordonnances de 2014 et 2017 ayant généré un engorgement des services instructeurs.

La DRIEE Île de France a ainsi constaté en 2020 que la durée globale d’instruction des procédures n’avait pas diminuée, avec une instruction moyenne de 10 mois et 27 jours pour l’autorisation environnementale d’une ICPE2

 II. LA PORTÉE LIMITÉE DU CERTIFICAT DE PROJET POUR LE PÉTITIONNAIRE

Une cristallisation réservée aux friches

Initialement, le certificat de projet mis en place par l’ordonnance du 20 mars 2014 avait pour effet de cristalliser les règles applicables pendant dix-huit mois à l’instar du certificat d’urbanisme. 

En ce sens, si une demande d’autorisation environnementale était déposée dans les dix-huit mois suivant la notification du certificat, la règlementation applicable à cette demande était celle en vigueur à la date de la délivrance dudit certificat. 

Cet effet cristallisateur ayant été jugé trop complexe à mettre en œuvre3, il n’a pas été repris par l’ordonnance de 2017. Dès lors, une évolution des règles juridiques applicables au projet entre le moment de la délivrance du certificat de projet et celui de la délivrance de l’autorisation environnementale n’est pas à exclure, générant incertitudes et insécurité pour le porteur de projet. 

Toutefois, il est intéressant de relever que la loi « climat et résilience » du 22 août 2021 a prévu à titre expérimental et pour une durée de trois ans, la possibilité pour le porteur d’un projet immobilier intégralement  situé sur une friche, sous certaines conditions, de demander un certificat de projet, avec une cristallisation des règles d’urbanisme applicables 4.

Une responsabilité de l’administration limitée

Le certificat de projet revêtant un caractère indicatif et ne préjugeant pas de la délivrance future de l’autorisation environnementale, les informations qu’il contient ne peuvent être invoquées à l’appui d’un éventuel refus ultérieur d’autorisation environ-nementale

Par ailleurs, si le pétitionnaire n’est pas dépourvu de toute possibilité d’action puisque les informations contenues dans le certificat de projet engagent la responsabilité de l’administration « lorsque leur inexactitude ou la méconnaissance des engagements du calendrier a porté préjudice au bénéficiaire du certificat » (art. L. 181-6 c. env.) ce recours semble également limité puisque ces informations dépendent de celles transmises par le pétitionnaire.

Conseil opérationnel : le caractère complet du certificat de projet étant subordonné aux informations transmises par le pétitionnaire lors de la demande du certificat de projet
(art. L. 181-6 du code de l’env.), il convient de fournir des informations précises et détaillées afin d’optimiser les bénéfices conférés par le certificat de projet.

Quelques précisions

Le délai de deux mois court à compter de l’accusé de réception du dossier complet de la demande. Il peut être prolongé d’un mois par le préfet qui en informe le demandeur et motive cette prolongation.

Cf. la charte d’engagement entre la DRIEE Île-de-France et les bureaux d’études publiée par la DRIEE en septembre 2020 pour instruire plus vite les dossiers de demande d’autorisation environ-nementale.

Rapport ministériel de décembre 2015 sur l’évaluation des expérimentations de simplification en faveur des entreprises dans le domaine environnemental.

Article 212 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (dite « loi climat et résilience ») pour lequel un décret en Conseil d’État définissant les modalités d’application était initialement prévu en janvier 2022.

Les tiers peuvent-ils contester un certificat de projet ? (non)

Dans une décision du 27 décembre 2018, n° 17BX00034, la CAA de Bordeaux a jugé que les tiers ne disposaient pas d’un intérêt à agir à l’encontre d’un certificat de projet. Eu égard aux effets qu’il produit, les informations qu’il contient n’affectent que le porteur de projet.

Abréviations

CAA : cour administrative d’appel

DDEP : dérogation à l’interdiction de destruction des espèces protégées et de leurs habitats

DRIEE: Direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie 

ICPE: installation

Responsabilité civile du fait de la destruction sans autorisation d’espèces protégées

Le 2 mars 2021, la cour d’appel de Versailles a condamné sur le fondement de l’article 1240 du code civil sept sociétés d’exploitation de parcs éoliens à verser à l’association France Nature Environnement1 la somme de 3 500 € en réparation du préjudice moral directement subi en raison de la destruction d’espèces protégées, qui n’avait pas été autorisée par arrêté portant dérogation aux interdictions de destruction de spécimens d’espèces animales et végétales protégées et de leurs habitats (DDEP). Cette décision présente un double intérêt, consistant d’une part en la qualification de la faute et du préjudice (I.) et d’autre part, en la délimitation des pouvoirs de chaque juge en matière de DDEP (II.).

I. LE CARACTÈRE FAUTIF DE LA DESTRUCTION D’ESPÈCES PROTÉGÉES EN L’ABSENCE DE DDEP

La destruction d’une espèce sans autorisation constitutive d’une faute

La destruction d’espèces animales protégées et de leurs habitats est interdite (art. L. 411-1 C. env.) et passible d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende (art. L. 415-3 C. env. dans sa version applicable au litige)2

L’article L. 411-2 du code de l’environnement permet toutefois, notamment aux porteurs de projets immobiliers et énergétiques, de requérir une « dérogation espèces protégées » qui ne pourra être délivrée qu’à trois conditions :

  • absence de solution alternative satisfaisante ;
  • raison impérative d’intérêt public majeur ;
  • maintien dans un état de conservation favorable de l’espèce. 

Dans les faits de l’espèce, 28 Faucons crécerellettes ont été tués à la suite de collision avec des éoliennes entre 2011 et 2016 (élément matériel du délit d’atteinte à la conservation d’espèces protégées). 

La cour d’appel de Versailles a relevé que, dès lors que les sociétés ne justifiaient pas être titulaires d’une DDEP, la faute d’imprudence (élément moral du délit v. Cass. crim, 1er juin 2010, n° 09-87159) devait être regardée comme constituée.

Le rejet de tout argument de nature à exonérer les sociétés de la faute commise

La cour d’appel de Versailles semble livrer une appréciation stricte de la faute : elle se borne à constater que la destruction de l’espèce protégée n’a pas été autorisée, et rejette tout argument qui aurait été de nature à atténuer la faute voire exonérer les sociétés intimées. 

D’une part, la cour d’appel ne reprend pas le raisonnement du TGI de Nanterre3 qui, pour écarter la faute d’imprudence du délit d’atteinte à la conservation d’espèces animales non domestiques protégées, avait entendu tenir compte des intérêts publics potentiellement contradictoires consistant en la protection de l’environnement (la faune en l’espèce) et la poursuite d’un objectif d’intérêt général de développement des énergies renouvelables par la mise en place d’éoliennes. 

D’autre part, la cour d’appel estime que la circonstance que les sociétés ont respecté les prescriptions préfectorales de mise en œuvre d’un système de détection et d’effarouchement (DT-BIRD) visant à protéger les oiseaux des collisions avec les éoliennes, est sans effet sur la faute, constituée par l’absence de demande de dérogation les autorisant à détruire des spécimens de Faucons crécerellettes.

II. LA RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LE JUGE ADMINISTRATIF ET LE JUGE JUDICIAIRE (CIVIL ET PÉNAL) EN MATIÈRE DE PROTECTION DES ESPÈCES PROTÉGÉES

Les pouvoirs du juge judiciaire

La cour d’appel de Versailles rappelle d’abord que l’absence de constatation d’une infraction pénale par une juridiction répressive ou le prononcé d’une relaxe ne fait pas obstacle à ce qu’une association agréée puisse obtenir réparation du préjudice subi du fait de la destruction d’espèces protégées, sur le fondement de l’article 1240 du code civil.

Ensuite, dans le cadre de cette action civile, la cour indique qu’il revient au juge judiciaire de constater l’existence de la violation de l’article L. 411-2 C. env., dès lors qu’aucune dérogation n’a été accordée. En revanche, elle précise que l’appréciation des conditions prévues par ce même article (intérêt public majeur etc.) relève de l’exercice de pouvoirs dévolus aux autorités administratives, qu’il ne lui appartient pas de contrôler.

Enfin, il peut être relevé que l’action avait ici pour seul objet l’engagement de la responsabilité des sociétés et la réparation du préjudice subi par l’association FNE. En d’autres termes, aucune incidence sur la continuité du fonctionnement des éoliennes ou sur la régularisation de la situation des sociétés intimées par la demande et l’octroi d’une DDEP n’est mentionnée par la décision.

 

Résumé des risques contentieux

La décision de la cour d’appel de Versailles ainsi que de récents arrêts du juge administratif donnent l’occasion de synthétiser les risques contentieux encourus par les porteurs de projets ENR ou immobiliers en l’absence de DDEP alors que celle-ci était requise en raison du risque de destruction des espèces ou de leurs habitats4

  • autorisation environnementale (AE) : risque de recours contre une AE (cas des projets éoliens, art. R. 425-29-2 C. urb.) ne comprenant pas de dérogation devant le juge administratif ;
  • autre autorisation qu’une AE : irrégularité de l’exécution d’un permis de construire avant la délivrance de la dérogation (art. L. 425-15 C. urb.)6 : risque d’arrêté interruptif des travaux ;
  • dans tous les cas :
    • risque de recours contre la décision de rejet de la demande tendant à ce qu’il soit exigé du porteur d’un projet de parc éolien qu’il présente une demande de DDEP7 ;
    • action civile sur le fondement de l’article 1240 du code civil en raison de la faute d’imprudence du délit d’atteinte à la conservation d’espèces protégées ;§action pénale pour délit d’atteinte à la conservation d’espèces protégées.

 

Précisions

L’association France Nature Environnement (FNE) est une association agréée pour la protection de l’environnement (art. L. 141-1 C. env.)

2 L’article L. 415-3 du code de l’environnement, modifié par la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019, prévoit que le fait de porter atteinte à la conservation d’espèces animales non domestiques est désormais puni de trois ans d’emprisonnement et de 150 000€ d’amende. En application de l’article 131-6 11° du code pénal, il semble  également possible pour le juge, comme alternative à la peine de prison, de prononcer pour une durée maximale de 5 ans, l’interdiction à une personne physique (par ex. au représentant légal d’une société) d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale. 

3 TGI Nanterre, 16.05.19, n° 17/05606

CAA Bordeaux, 9.03.21, n° 19BX04970

5 Une AE est illégale du fait de l’absence d’une DDEP requise. En conséquence, le juge pourra prononcer une annulation partielle de l’AE ou sursoir à statuer laissant au porteur du projet la possibilité d’obtenir une DDEP dans un délai qu’il aura fixé (art. L. 181-18 C. env., v. par ex. délai d’un an – CAA Nantes, 6.10.20, n° 19NT02389).

En application du principe de l’indépendance des législations, la légalité d’un PC n’est pas affectée par l’absence de DDEP. Seule son exécution l’est.

CAA Bordeaux 9.03.21, n° 19BX03522

Pour une étude complète, v. Bourrel A. et Descubes L., « La DDEP en matière d’installations de production d’énergie renouvelable : entre incertitudes et tentatives de clarification », Energie, environnement, infrastructures, n° 12, décembre 2020.

Une loi pour (enfin) codifier la procédure d’abrogation des cartes communales et accompagner (encore) les conséquences de la caducité des POS

La proposition de loi « visant à sécuriser la procédure d’abrogation des cartes communales dans le cadre d’une approbation d’un plan local d’urbanisme ou d’un plan local d’urbanisme intercommunal et à reporter la caducité des plans d’occupation des sols » a été adoptée en 1ère lecture par le Sénat et est en cours d’examen par l’Assemblée Nationale. Il est proposé de préciser, au sein du code de l’urbanisme, les étapes des procédures d’abrogation de cartes communales (art. L. 164-1 et s. CU)1 et de mettre à la disposition des territoires non couverts par un document d’urbanisme – compte tenu de la récente caducité des POS2 – trois dispositifs spécifiques de droit de préemption urbain, de sursis à statuer et de dérogation au RNU (futurs art. L. 174-5-1 et s. CU).

I. LES FUTURES PROCÉDURES D’ABROGATION DES CARTES COMMUNALES


Si la proposition de loi est adoptée sans amendement, le code de l’urbanisme devrait désormais détailler les différentes étapes procédurales à suivre pour abroger les cartes communales, qu’il s’agisse d’une procédure d’abrogation « classique » ou liée à l’entrée en vigueur d’un PLU sur le territoire couvert initialement.

Abrogation dite « classique » d’une carte communale

Le principe du parallélisme des formes serait ici consacré. Il ressort en effet de la proposition de loi que la procédure d’abrogation d’une carte communale devrait tout d’abord être prescrite par délibération de l’organe délibérant de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de PLU, document en tenant lieu et de carte communale.

Le dossier d’abrogation de la carte communale devrait ensuite être soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’environnement et, à son issue, une délibération d’approbation d’abrogation serait adoptée par l’organe délibérant.

L’abrogation de la carte communale serait enfin soumise à l’autorité administrative compétente de l’Etat qui dispose d’un délai de deux mois à compter de sa transmission pour l’approuver, le silence valant approbation.

Abrogation de la carte communale par la prescription puis l’approbation d’un PLU

La délibération de prescription d’un PLU pourrait prévoir explicitement que l’approbation dudit plan vaudra également abrogation de la carte communale en vigueur sur le territoire concerné, afin de mettre un terme  à un vide juridique préjudiciable à la bonne administration et à la simplification des procédures.

L’abrogation de la carte communale et le PLU feraient l’objet d’une enquête publique unique et seraient approuvés par une délibération unique de l’organe délibérant.

L’abrogation de la carte communale ne deviendrait alors exécutoire qu’une fois le PLU entré en vigueur (dans les conditions prévues aux art. L. 153-23 et L. 153-24 CU). L’approbation de l’abrogation de la carte communale par l’Etat ne serait dans ce cas pas requise.

Un PLU ne pourrait entrer en vigueur qu’à compter de l’abrogation de la carte communale applicable sur le territoire.

II. TROIS DISPOSITIFS DÉROGATOIRES DEVRAIENT BÉNÉFICIER AUX TERRITOIRES DÉPOURVUS DE DOCUMENT D’URBANISME POUR ACCOMPAGNER LES CONSÉQUENCES DE LA CADUCITÉ DES POS


Pour atténuer certaines conséquences jugées punitives de la caducité des POS2 sur les territoires concernés, il est proposé de mettre à disposition des maires ou présidents d’EPCI trois outils. Ces dispositifs s’appliqueraient jusqu’à l’entrée en vigueur d’une carte communale ou d’un PLU et au plus tard, jusqu’au 31 décembre 2022. 


Droit de préemption et sursis à statuer


Le droit de préemption urbain, en vue de la poursuite des objectifs prévus à l’article L. 210-1 et au dernier alinéa de l’article L. 211-13 peut être maintenu par délibération de l’organe délibérant de la commune, par dérogation à l’article L. 211-1 du CU qui conditionne normalement l’exercice du droit de préemption urbain par le maire ou le président de l’EPCI à l’existence d’un document d’urbanisme.

En outre, un nouveau mécanisme de sursis à statuer (SAS) déroge au SAS classique en étant doté d’un champ d’application plus étendu (4). En effet la commune peut proposer au préfet de département de sursoir à statuer sur toute demande d’autorisation d’urbanisme, en motivant cette proposition au regard de l’intérêt communal et, le cas échéant, des orientations du PLUi en cours d’élaboration, quel que soit l’état d’avancement de sa procédure d’élaboration. 


La décision de refus de sursoir à statuer doit être motivée par le préfet et peut faire l’objet d’un recours devant le tribunal administratif.

Dérogation au RNU au nom de l‘Etat

Pour toute demande d’autorisation d’urbanisme5, le maire d’une commune peut demander au préfet de département – dont l’avis conforme est obligatoirement recueilli au titre de l’article L. 422-5 du CU en l’absence de document d’urbanisme – de faire usage du pouvoir de dérogation au RNU prévu à l’article L. 111-2 du CU :

« Un décret en Conseil d’Etat précise les dispositions du règlement national d’urbanisme et prévoit les conditions et les procédures dans lesquelles l’autorité compétente pour délivrer le permis de construire peut accorder des dérogations aux règles édictées par ce règlement ». Art. L. 111-2 CU

Cette demande de dérogation doit être motivée au regard de l’intérêt communal.

L’éventuel refus du préfet doit être motivé et peut faire l’objet d’un recours devant le tribunal administratif.

Quelques précisions

  1. La procédure d’abrogation des cartes communales n’était prévue par aucun texte. Guidée par la jurisprudence, la pratique appliquait jusqu’alors le principe du parallélisme des formes (délibération de prescription, enquête publique, délibération d’abrogation) pour y procéder.
  2. Les derniers POS applicables sur le territoire national sont devenus caducs au 31 décembre 2020 en application de l’article L. 174-5 CU.
  3. Mise en œuvre d’un projet d’intérêt général (habitat, activité économique, loisirs, tourismes, équipements collectifs, relocalisation d’activités économiques etc.)
  4. En principe, lorsqu’un PLU est en cours d’élaboration, l’autorité compétente en matière d’autorisation d’urbanisme peut sursoir à statuer sur les demandes d’autorisation d’urbanisme uniquement dès lors que le débat sur les orientations du PADD a eu lieu et que la demande est susceptible de compromettre l’exécution du futur plan ou de la rendre plus onéreuse (art. L. 153-11 CU).
  5. L’application du RNU entraine notamment l’application de la règle de la constructibilité limitée et l’obligation d’obtenir un avis conforme de l’Etat sur toutes les demandes d’autorisation d’urbanisme

Abréviations


CU : code de l’urbanisme
PLU : plan local d’urbanisme
POS : plan d’occupation des sols
RNU : règlement national d’urbanisme
SAS : Sursis à statuer