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En matière de fraude fiscale, la mise en mouvement de l’action publique a longtemps été subordonnée au dépôt d’une plainte préalable de l’administration fiscale, sur avis conforme de la Commission des infractions fiscales, saisie par le ministre chargé du Budget. On parle du "verrou de Bercy".

Parce qu'il constituait une exception au monopole dont dispose en principe le parquet dans l’exercice des poursuites pénales, il a fait l’objet de nombreuses critiques. La loi fraude du 23 octobre 2018 a desserré le verrou pour les dossiers les plus graves, qui font désormais l’objet d’une dénonciation automatique au parquet.

Cette transmission automatique est-elle inévitable ? 

I. Les applications de la dénonciation automatique

Application matérielle

La loi fraude a mis en place un système de poursuites dit alternatif (article L. 228 du LPF) :

  1. Obligation de dénonciation au parquet des dossiers :
    • dont les droits sont supérieurs à 100 000 € (ou 50 000 € si le contribuable est soumis à la HATVP),
    • et ayant fait l'objet d'une majoration de 100 %, 80 % ou 40 % (cf. zoom ci-dessous).
  2. Maintien de l'ancien système de transmission (verrou de Bercy) pour les dossiers ne répondant pas à ces critères de gravité. Une plainte ne peut alors être déposée que sur avis conforme de la CIF.

Application temporelle

La transmission au parquet se fait au stade de l’avis de mise en recouvrement. À défaut d’abandon des pénalités précitées avant la mise en recouvrement, la transmission au parquet sera automatique.

II. Les exclusions de la dénonciation automatique

Le dépôt d'une déclaration rectificative spontanée acceptée par l'Administration

L‘article L. 228 du LPF prévoit que la dénonciation automatique n‘est pas applicable aux contribuables ayant déposé spontanément une déclaration rectificative.

Dans un arrêt du 23 mai 2024 (n°23-80.025), la chambre criminelle a estimé que cette exception devait être appréciée strictement :

  • Une déclaration rectificative spontanée rejetée par l’administration ne permet pas d’échapper à la dénonciation automatique ;
  • Il n’appartient pas au juge pénal d’apprécier la validité de ce rejet, qui relève du seul contrôle du juge de l’impôt.

Transaction ou règlement d'ensemble : quel impact ?

L’article L. 247 du LPF applicable avant 2018 interdisait à l’administration fiscale de transiger lorsqu’elle envisageait de mettre en mouvement l’action publique. La loi fraude a supprimé cette interdiction.

Transaction et dénonciation automatiqueRèglement d’ensemble et dénonciation automatique
Définition : La transaction fiscale vise à atténuer les pénalités encourues. En revanche, elle ne peut pas conduire à une réduction de l’impôt dû au principal.

Régime : L’article L. 228 du LPF énonce que lorsqu’une transaction est conclue avant la mise en recouvrement, l’application des majorations s’apprécie au stade des dernières conséquences financières portées à la connaissance du contribuable. Si les pénalités après transaction ne correspondent plus aux critères de la dénonciation automatique, l’administration est tout de même tenue de dénoncer les faits en fonction des pénalités initialement envisagées.

Une transaction n’a donc aucune incidence sur la transmission automatique au parquet.
Définition : Le règlement d’ensemble est un accord sui generis qui couvre tant le montant des bases notifiées que les pénalités envisagées.

Régime : L’article L. 228 du LPF ne prévoit aucunement l’incidence de la conclusion d’un règlement d’ensemble sur la dénonciation automatique au parquet. Lorsque le règlement intervient avant la mise en recouvrement, il pourra conduire à l’évitement de la dénonciation automatique dès lors que les pénalités résultant du règlement n’entrent pas dans les conditions de l’article L. 228 I du LPF, peu important à cet égard les pénalités initialement envisagées.

Un règlement d’ensemble peut donc avoir une incidence sur la transmission automatique au parquet.  

Zoom sur les majorations :

Les majorations évoquées à l’article L. 228 du LPF entraînant une dénonciation automatique recouvrent :

  • Soit la majoration de 100 % de l’article 1732 du CGI pour :
    • Obstacle au contrôle de l’impôt,
    • Opposition à fonction.
  • Soit la majoration de 80 % pour :
    • activité occulte,
    • abus de droit,
    • manœuvres frauduleuses,
    • manquement aux obligations de déclaration des comptes, contrats assurance-vie et trust à l’étranger,
    • libre disposition par un contribuable de biens ou sommes d’argent en lien avec certaines infractions pénales.
  • Soit la majoration de 40 % lorsque dans les 6 ans précédant son application, le contribuable a déjà fait l’objet des majorations précédentes pour :
    • les cas où la déclaration ou l’acte n’a pas été déposé dans les 30 jours suivant la réception d’une mise en demeure,
    • manquement délibéré,
    • abus de droit.

Abréviations :

  • CGI : Code général des impôts
  • CIF : Commission des infractions fiscales
  • HATVP : Haute autorité pour la transparence de la vie publique
  • LPF : Livre des procédures fiscales

Ont participé à ce bulletin :

Marie-Bénédicte Rivière-Pain | Avocat associé sénior

Lucas Thieurmel | Avocat

Manon de Saint-Léger | Docteur en Droit - Élève-avocat

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