La limitation à certaines zones du territoire de l’action en démolition contre les constructions illégalement édifiées jugée conforme à la Constitution
La limitation à certaines zones du territoire de l’action en démolition contre les constructions illégalement édifiées jugée conforme à la Constitution
Le 10 novembre 2017, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil Constitutionnel a validé les restrictions apportées à l’action en démolition par la loi Macron du 6 août 2015 (no 2015-990). Cette décision intervient dans un contexte où les réformes se succèdent pour tenter de sécuriser les projets immobiliers et de limiter les recours abusifs contre les autorisations d’urbanisme, tout en encourageant la construction de logements.
Le contenu de l'article L. 480-13 CU soumis au controle de constitutionnalité
Les restrictions à l'action en démolition
L’article L. 480-13 CU1 proscrit désormais l’action en démolition du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilités publique, tout en prévoyant une liste limitative de zones dans lesquelles la démolition peut, par exception, être prononcée sur ce fondement.
En d’autres termes, en dehors des 15 catégories de zones limitativement retenues :
- site Natura 2000 ;
- bande littorale de cent mètres ;
- abords des monuments historiques ;
- sites patrimoniaux remarquables etc.
✓un requérant est susceptible d’obtenir l’annulation d’un PC2 devant le juge administratif,
✗ mais ne pourra pas obtenir la démolition de la construction litigieuse devant le juge judiciaire sur ce fondement.
La saisine du Conseil Constitutionnel
A la suite de l’annulation d’un PC, deux associations ont demandé la démolition de la construction devant le juge judiciaire sur le fondement de cet article.
A l’occasion du litige, la Cour de cassation a renvoyé au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité de l’article L. 480-13 CU à la Constitution, au motif que :
« ces dispositions sont susceptibles de porter une atteinte disproportionnée au droit à réparation de victimes d’actes fautifs et à leur droit à un recours juridictionnel effectif ».
Le Conseil constitutionnel devait ainsi examiner la conformité de ces dispositions à la DDHC3 ainsi qu’à la Charte de l’environnement de 2004, textes figurant dans le Préambule de la constitution.
L'atteinte à des droits fondamentaux justifée par un objectif d'intérêt général
L'objectif d'intérêt général tenant au renforcement de la sécurité juridique
Il ressort de la décision commentée que le législateur a poursuivi un objectif d’intérêt général dès lors qu’il a entendu réduire :
- « l’incertitude juridique pesant sur les projets de construction » ;
- « prévenir les recours abusifs susceptibles de décourager les investissements ».
Le Conseil constitutionnel valide ainsi les dispositions de l’article L. 480-13 CU qui tendent à endiguer les effets paralysants de l’action en démolition. En effet, celle-ci est de nature à entraîner « l’attentisme des promoteurs » en raison de « l’attitude des financeurs des opérations de constructions immobilières (…) [qui] ne montrent aucune appétence pour s’engager dans des projets sur lesquels pèse une incertitude juridique », ces derniers craignant le risque de démolition4.
L'indemnisation demeure possible hors des zones protégées
Le Conseil constitutionnel poursuit en précisant que l’atteinte aux droits fondamentaux est également atténuée par le maintien d’une réparation indemnitaire :
« Dans les cas pour lesquels l’action en démolition est exclue par les dispositions contestées, une personne ayant subi un préjudice causé par une construction peut en obtenir réparation sous forme indemnitaire (…) en engageant la responsabilité du constructeur ».
Il est également possible d’engager la responsabilité pour faute de la personne publique au motif qu’elle a délivré une autorisation d’urbanisme illégale.
Dans ces conditions, le Conseil consti-tutionnel a jugé que les limitations à l’action en démolition ne portaient une atteinte disproportionnée ni aux droits des victimes, ni au droit à un recours juridictionnel effectif.
Attention cependant !
Lorsque la construction a été édifiée sans permis de construire ou en violation d’une règle de droit privé, (cahier des charges de lotissement, servitude, etc.), la démolition peut être sollicitée sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile.
À noter
Une grande réforme du droit de l’urbanisme est en préparation avec le projet de loi « ELAN » (Voir notre récent bulletin « Rapport Maugüe : les contours d’une grande réforme du contentieux des autorisations d’urbanisme »).
2 Par exemple, l’exigence de loyauté dans les relations contractuelles a été consacrée en droit des contrats publics, (CE, Ass., 28/12/2009, no 304802 ; CE, Sect., 21/03/2011, no 304806).
Abréviations
1 CU : code de l’urbanisme ;
2 PC : permis de construire ;
3 DDHC : déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ;