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Précisant sa jurisprudence et rejoignant en cela notre analyse (cf. bulletin du 02/09/2020) en faisant une application rigoriste de l’article L. 425-3 du code de l’urbanisme,  le Conseil d’Etat juge que l’autorité compétente « ne peut légalement délivrer le permis sans mentionner expressément l’obligation de demander et d’obtenir une autorisation complémentaire avant l’ouverture au public et ce, alors même que le contenu du dossier de demande de permis de construire témoignerait de la connaissance, par le pétitionnaire, de cette obligation ». Dès lors, sont illégaux, tout à la fois, le PC délivré de manière tacite sur un tel ERP et l’arrêté qui ne mentionnerait pas expressément l’obligation au sein du dispositif articulé.

I. PERMIS DE CONSTRUIRE ET AUTORISATION DE TRAVAUX SUR UN ERP : UNE SIMPLIFICATION MANQUÉE

 

A. Autorisation de travaux sur un ERP et permis de construire : l’unicité de la demande

Dans une volonté de simplification des autorisations d’urbanisme, l’exécutif a souhaité, par une première ordonnance du 8 décembre 2005, que le permis de construire tienne lieu de l’autorisation exigée pour les travaux d’aménagement des ERP par l’article L. 111-8 du code de la construction et de l’habitation, dès lors que le projet relève de son champ d’application (article L. 425-3 C. urb.).

Prenant acte des difficultés pratiques rencontrées lorsque l’aménagement de l’ERP n’est pas connu lors du dépôt du permis de construire valant désormais autorisation unique, une seconde ordonnance du 22 décembre 2011 est venue préciser que la délivrance du permis de construire est possible, dans cette hypothèse, à condition que « le permis de construire indique qu'une autorisation complémentaire au titre de l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation devra être demandée et obtenue en ce qui concerne l'aménagement intérieur du bâtiment ou de la partie de bâtiment concernée avant son ouverture au public ».

B. L’échec du « deux-en-un » sur les ERP « coquilles vides »

La rédaction actuelle de l’article L. 425-3 permet de tirer la conclusion suivante : le PC autorise l’ERP mais ne peut valoir autorisation unique au titre de l’article L. 111-8 du CCH si l’aménagement de l’ERP sur lequel il porte n’est pas connu par le demandeur et a fortiori l’administration. Il faudra, dans ce cas de figure, déposer une autorisation ultérieure auprès de l’autorité compétente pour les travaux relatifs à l’aménagement de l’ERP.

Le Conseil d’Etat avait déjà jugé clairement que l’arrêté de PC doit mentionner au sein du dispositif articulé « l’obligation de demander et d’obtenir une autorisation complémentaire avant l’ouverture au public », malgré la présence du volet ERP dans le dossier  (CE, 23 mai 2018, req. n° 405937, Tab. Leb.). Il vient préciser avec rigueur qu’est tout aussi insuffisant le  simple renvoi  à l’avis d’une commission annexé à l’arrêté, laquelle faisait pourtant « état de l'obligation, pour le demandeur, de solliciter l'autorisation prévue par le code de la construction et de l'habitation » (CE, 25 novembre 2020, n° 430754, Tab. Leb.).

II. COMMENT SÉCURISER LES AUTORISATIONS D’URBANISME À CET ÉGARD ?

 

A. Intégrer au suivi de l’opération un rétro-planning du délai d’instruction du PC

Puisque l’arrêté de PC doit expressément mentionner dans son dispositif « l’obligation de demander et d’obtenir une autorisation complémentaire avant l’ouverture au public », le permis de construire portant sur un ERP « coquille vide » ne peut donc être délivré de manière tacite, c’est-à-dire sans formalité de notification de l’arrêté par l’autorité compétente à l’échéance du délai d’instruction.

Les opérateurs gagneraient ainsi à prévoir un calendrier du délai d’instruction – qui est en principe de 5 mois pour une telle demande (art. R. 423-28 b) C. urb.) –  afin de solliciter, au plus tard 15 jours avant l’échéance du délai d’instruction, la prise d’un arrêté comportant la mention expresse requise au sein du dispositif.

Attention ! Lorsqu’une demande de pièces complémentaires a été notifiée au demandeur, le délai d’instruction commence à courir à partir du moment où le dossier de PC intègre l’ensemble des éléments requis (art. R. 423-38 et R. 423-39 du C. Urb.), ce qui peut avoir pour effet de rallonger le calendrier fixé à compter de la date de dépôt de la demande de PC.

B. Solliciter un arrêté de PC rectificatif ou un PC modificatif

Compte tenu du caractère illégal de l’arrêté de PC portant sur un ERP « coquille vide » qui omettrait de mentionner « l’obligation de demander et d’obtenir une autorisation complémentaire avant l’ouverture au public » dans le dispositif articulé, quelles solutions s’offrent au pétitionnaire averti ? 

Les conclusions de Charles Touboul, rapporteur public de l’arrêt du Conseil d’Etat (CE, 23 mai 2018, req. n° 405937, préc.), indiquent clairement que « cette omission est régularisable », à la fois en application de l’arrêt SCI La Fontaine de Villiers (CE, 2 février 2004, req. n° 238315, Tab. Leb.), mais également en cours d’instance, au titre de l’article L. 600-5-1 du C. Urb.

Partant, dans une telle hypothèse, deux solutions se présentent au titulaire : -solliciter un arrêté de PC rectificatif avant la fin du délai d’instruction ; -déposer une demande de PC modificatif ayant pour objet d’inscrire la mention requise au sein du dispositif de l’arrêté.

Une dernière solution consisterait à s’en remettre à la chance, mais elle ne devrait pas être privilégiée.

L’apport de l’arrêt est d’aller au bout d’une logique jurisprudentielle rigoriste tenant compte des intérêts de sécurité des personnes

« En déduisant de ce simple renvoi à l’avis de la commission communale d’accessibilité que le permis de construire attaqué respectait les dispositions de l’article L. 425-3 du code de l’urbanisme, alors qu’il ne mentionnait pas qu’une telle autorisation complémentaire au titre de l’article L. 111-8 du code de la construction et de l’habitation devrait être demandée et obtenue pour l’aménagement intérieur de la partie de bâtiment destinée à accueillir un restaurant avant son ouverture au public, le tribunal a commis une erreur de droit » (CE, 25 novembre 2020, n° 430754, Tab. Leb.)

Résumé aux tables : « une telle obligation n’est pas satisfaite dans le cas où l’arrêté accordant le permis de construire se borne à mentionner que son bénéficiaire devra respecter les prescriptions formulées par l’avis de la commission communale d’accessibilité, lequel fait état de l’obligation, pour le demandeur, de solliciter l’autorisation prévue par le CCH ».

Un permis de construire sur ERP « coquille vide » n’est pas exempté du volet ERP (PC39 et PC40)

Bien que l’aménagement intérieur de l’ERP ne soit pas connu par le demandeur du PC, l’article R. 431-30 du C. Urb. reste applicable (voir en ce sens CAA de Lyon, 23 février 2016, n° 14LY01079), de sorte que le dossier de demande doit comporter les pièces suivantes :

  • pièces mentionnées aux articles R. 111-19-18 et R. 111-19-19 du CCH (PC39) ;
  • pièces mentionnées à l’article R. 123-22 du CCH (PC40).
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