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Comme rappelé dans notre précédent bulletin sur le sujet (cf. Bulletin du 21/07/2016), l’administration fiscale a adopté une position qui ajoute à la loi pour restreindre l’application du régime de la TVA sur la marge tel que prévu par l’article 268 du CGI.


Pourtant, les juridictions du fond sont venues rappeler que l’application de la TVA sur la marge aux livraisons d’immeubles anciens bâtis et terrains à bâtir (« TAB ») est conditionnée au seul fait que l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction de la TVA. Pour les actes passés avec TVA sur le prix total une réclamation peut être envisagée.


RAPPEL DU CONTEXTE


La loi

Les règles applicables: 

  • Les immeubles anciens bâtis (+ de 5 ans) sont en principe exonérés de TVA (art. 261 5-1° du CGI) ) sauf option (art. 260 5e bis du CGI);
  • Les terrains à bâtir vendu par un assujetti (ex. : marchand de biens) sont en principe assujettis à la TVA sur le prix total (art. 257-I-2. du CGI).

Mais dans ces deux hypothèses, il est possible d’opter pour la TVA sur la marge (art. 268 du CGI).

Cet article prévoit toutefois que ce régime n’est applicable que lorsque l'acquisition initiale par le cédant n'a pas ouvert de droit à déduction (ex. : en cas d’acquisition auprès d’un particulier non assujetti ou d’acquisition exonérée). 

La base d'imposition à la TVA est égale à la différence entre le prix de revente et le prix d’achat.

La position de l’administration fiscale

La doctrine administrative considère que l’application du régime de la TVA sur marge serait également subordonnée à une condition d’identité entre le bien acquis et revendu.

Aux termes de quatre réponses ministérielles datant de 2016, l’administration précise que le régime de faveur ne peut s’appliquer que si les immeubles anciens bâtis et les « TAB » n’ont pas subi de changement quant à leur qualification juridique et leurs caractéristiques physiques entre l’achat et la revente.

Tel n’est pas le cas, selon elle, dans le cas d’un lot revendu comme « TAB » acquis comme terrain d’assiette d’un immeuble bâti ou en cas de division parcellaire intervenue entre l’achat et la revente entraînant de tels changements (ex. : modification des surfaces vendues).

Cette position a été assouplie récemment (cf. encadré) mais ajoute toujours à la loi.

REMISE EN CAUSE DE LA POSITION DE L’ADMINISTRATION


Désaveu de la doctrine fiscale par les juridictions du fond


L’administration a été désavouée par les juridictions du fond :

  • La CAA de Lyon a jugé, les 20 décembre 20187 mai25 juin et 27 août 2019, que « la circonstance que les caractéristiques physiques et la qualification juridique du bien ont été modifiées avant la cession est sans incidence sur l’application du régime de la TVA sur marge » ;
  • La CAA de Marseille dans un arrêt du 12 avril 2019 a également précisé qu’ « il ne résulte pas de dispositions précédemment citées (art. 268 du CGI), qui sont claires, que cette division ferait obstacle à l’application de ce régime (TVA sur la marge) ou que celle-ci serait réservée, en cas de revente de TAB aux achats de biens constitués exclusivement de tels terrains ».


Que faire suite à ce désaveu ?


La CAA de Lyon a pris soin de rappeler dans ses quatre arrêts que la doctrine administrative « ne saurait légalement fonder une imposition ».
En attendant la validation du Conseil d’Etat, les professionnels de l’immobilier, qui réalisent des cessions de « TAB » issus de divisions d’ensembles immobiliers peuvent poursuivre leurs opérations en appliquant le régime de la TVA sur la marge.


En cas de rectifications pour défaut d’identité juridique entre le bien acquis et le bien revendu (terrain d’assiette revendu comme « TAB »), les professionnels peuvent contester la position de l’administration pour doctrine illégale, en ce que celle-ci rajoute à la loi (sur ce point, voir nos précédents bulletins : ici et ici).


Une demande de restitution de la TVA acquittée à tort sur le prix total peut également être envisagée dans le délai général de réclamation (31/12 N+2).Une telle réclamation devrait être soumise à un acte rectificatif.

Assouplissement (partiel !) de la position de l’administration


Par une réponse ministérielle du 17 mai 2018, le gouvernement est revenu partiellement sur sa doctrine fiscale, précisant que « il est admis, y compris pour les opérations en cours, dans le cas de l'acquisition d'un terrain ou d'un immeuble répondant aux conditions de l'article 268 du CGI qui n'a pas ouvert droit à déduction par un lotisseur ou un aménageur qui procède ensuite à sa division en vue de la revente en plusieurs lots, que ces ventes puissent bénéficier du régime de la marge dès lors que seule la condition d'identité juridique est respectée ».


Désormais, le régime de la TVA sur la marge s’applique même si les caractéristiques physiques du bien sont modifiées (notamment par division parcellaire) entre son acquisition et sa cession.


Concrètement, cela signifie qu’un « TAB » acquis en tant que tel et revendu en plusieurs « TAB » après division serait éligible à la TVA sur marge. En revanche, un terrain d’assiette revendu comme TAB ne le serait pas.
RM Vogel, 17 mai 2018, n°04171


Cette position vient d’être confirmée dans une nouvelle réponse ministérielle.
RM Falorni, 24 septembre 2019, n°1835

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