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Par son arrêt de décembre 2020 (CE plén. 11 déc. 2020, n°422418, Sté Gkn Driveline), le Conseil d’État abandonne sa jurisprudence antérieure sur les conditions d’exonération de taxe foncière des « outillages et moyens d’exploitation ». Cette décision ne se contente pas de supprimer la condition de dissociabilité d’origine prétorienne, mais redessine également la définition de ces biens exonérés, ouvrant plus encore le champ d’application de l’exonération et l’adaptant plus précisément aux contraintes spécifiques à chaque entreprise.

Le cadre du débat : interprétation limitative de l’exonération des moyens d’exploitation

Pour les locaux professionnels non industriels, la valeur locative foncière imposée résulte de la superficie du local. Pour les locaux industriels, elle est déterminée selon la « méthode comptable » laquelle consiste à appliquer un taux d’intérêt au prix de revient des éléments qui constituent l’établissement. La nature des immobilisations devant être retenues ou exonérées a donc un impact direct sur la taxe.

Rentrent dans le champ d’application de la taxe foncière « les installations destinées à abriter des biens ou à stocker des produits, les ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions et les ouvrages d’art et voies de communication » (1e et 2e de l’article 1381 du CGI).

En sont exonérés, en application de l’article 1382-11e du CGI, les « outillages et autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels » à l’exclusion de ceux visés aux 1e et 2e de l’article 1381 du CGI .

Jusqu’à présent le Conseil d’Etat (CE, 25 déc. 2013) avait dégagé deux conditions cumulatives pour l’application de cette exonération:

  • le bien devait participer directement à l’activité industrielle de l’établissement (critère fonctionnel);
  • et être dissociable des immeubles de l’établissement (critère matériel).

Ce critère matériel était particulièrement critiqué. En effet, l’article 1382 du CGI ne pouvait exonérer des biens « dissociables » qui, par nature, sont exclus du champ d’application de la taxe.

Le revirement de jurisprudence

Dans une décision rendue en formation plénière, le Conseil d’État a précisé les critères d’exonération des outillages et autres installations et moyens matériels d’exploitation de l’article 1382 11° du CGI.;

  • L’abandon du critère matériel : le Conseil d’État abandonne purement et simplement le critère de dissociabilité. Désormais de nombreux équipements non démontables tels que des fours industriels par exemple ou certains systèmes électriques, hydrauliques ou pneumatiques pourront être exonérés, sous condition d’être spécifiquement adaptés à l’activité industrielle de l’établissement en question.
  • L’assouplissement du critère fonctionnel : les outillages n’ont plus à participer directement à l’activité de l’établissement mais simplement à être spécifiquement adaptés à cette activité. Ce qui aboutit à une plus grande amplitude d’éléments exonérés. Par exemple : les systèmes anti-incendie particulièrement coûteux et absolument nécessaires à l’activité des menuiseries devraient entrer dans le champ de l’exonération.

Les possibilités de réclamation

Tout établissement industriel imposé selon la méthode comptable peut contester une taxe qui aurait été assise sur des biens exonérés au sens de l’article 1382 du CGI. Cette possibilité est ouverte tant pour la Cotisation Foncière des Entreprises (CFE) que pour la taxe foncière.

Le  délai normal de réclamation dont dispose le contribuable pour contester la taxe foncière est d’un an à compter de l’émission de l’avis d’imposition contesté. Il est donc possible d’agir pour l’année 2020 jusqu’au 31 décembre 2021.

Pour les années antérieures à 2020 :

  • Il est possible de demander au fisc un dégrèvement d’office jusqu’à la 4ème année suivant celle de l’expiration du délai de réclamation (article R211-1 du LPF) ;
  • En cas de contrôle fiscal portant sur la taxe foncière, il est possible de réclamer sur les années faisant l’objet dudit contrôle.

Il conviendra dans de telles réclamations d’apporter la preuve du caractère « spécifique » des biens d’équipements à exonérer, ce qui peut s’avérer complexe à rapporter.

Un revirement appliqué par le juge du fond

Deux premiers arrêts de la Cour administrative d’appel de Nantes du 1er avril 2021 (19NT02202 et 19NT00758) ont fait application de cette nouvelle jurisprudence en excluant de la base imposable à la taxe foncière des installations de chauffage et climatisation dès lors qu’il était justifié que ces installations étaient spécifiquement adaptées aux activités exercées dans l’établissement.

Taxe Foncière et Cotisation Foncière des Entreprises

Il convient de rappeler que l’assiette de la Taxe Foncière est identique à celle de la Cotisation Foncière des Entreprises (CFE). Ainsi, l’ouverture des critères d’exonération de taxe foncière des outillages et moyens de productions allège par la même occasion la facture des contribuables assujettis à la CFE.

Loi de Finances pour 2021

Pour rappel, l’article 29 de la loi de Finance pour 2021 abaisse de moitié les taux d’intérêts applicables pour le calcul des valeurs locatives résultant de la méthode comptable. Les impôts fonciers professionnels 2021 seront donc substantiellement abaissés.

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