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Les cessions d’immeubles, réalisées par un assujetti à la TVA agissant en tant que tel, sont soumises à la TVA de plein droit lorsqu’il s’agit de la cession d’immeubles neufs ou de terrains à bâtir (TAB). Si la TVA est en principe due sur le prix total, l’article 268 du CGI prévoit une possibilité d’option de taxation sur la marge pour la livraison de TAB.

Un débat s’est cristallisé sur l’application de la marge aux ventes de terrains provenant d’un ensemble immobilier acquis bâti (revente de parcelles détachées ou après démolition). Au cours d’une saga, les juridictions nationales et la CJUE ont affirmé et affiné la condition d’identité juridique entre le bien acquis et le bien revendu. Dans un arrêt de principe rendu le 2 avril dernier, le Conseil d’État énonce les éléments d’appréciation concrètement retenus pour remplir la condition d’identité juridique. 

I. Des années d’incertitude jurisprudentielle sur la qualification de TAB

La condition d’identité juridique

En l’état actuel de la loi et de la doctrine (voir le point de vigilance), le régime est soumis à la double condition :

  • que l’acquisition du bien n’ait pas ouvert droit à déduction de la TVA en amont ;
  • qu’il existe une identité juridique entre le terrain acquis et le terrain revendu.

De fait, les cessions de TAB, ayant été acquis en tant qu’immeubles bâtis et devenus entre l’acquisition et la cession, terrains à bâtir (notamment par démolition ou par division) ne peuvent bénéficier de ce régime. 

Cette application a fait l’objet d’une consécration par la CJUE dans une décision de principe (CJUE Icade Promotion 30 sept. 2021, C-299/20) suivie par les juridictions nationales.  Seule restait la question de savoir dans quelles conditions le terrain d’assiette d’un immeuble bâti pouvait être considéré comme un TAB lors de son acquisition.

Les incertitudes quant à son appréciation

Une partie de la jurisprudence était favorable à la qualification de TAB pour les parcelles d’assiette (qui ne supportaient pas de construction), dès lors que : 

  • un document d’arpentage avait été établi après l’acquisition, alors même que l’acte ne visait qu’un terrain bâti (CAA Lyon 16 juin 2022 n°19LY00541) ;
  • seuls une autorisation de division, une déclaration de non-opposition de la mairie et un certificat d’urbanisme avaient été établis avant la cession des terrains (CAA Bordeaux 7 avril 2022 n°20BX00181).

À l’inverse, une autre partie de la jurisprudence estimait que la cession ne pouvait bénéficier de ce régime à défaut d’identification concrète des parcelles dans l’acte d’acquisition (en ce sens CE, 18 janvier 2024, n°475616). Le document d’arpentage ou l’autorisation étant jugés insuffisants.

II. Une clarification des critères d’appréciation de l’identité juridique

Une décision de principe

Par sa décision rendue le 2 avril dernier (CE, 2 avril 2024 n°466644), le Conseil d’État synthétise la position actuelle de la jurisprudence. Il énonce que le régime de la TVA sur marge ne s’applique pas :

« à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d’un terrain bâti, notamment quand le bâtiment qui y était édifié a fait l’objet d’une démolition de la part de l’acheteur-revendeur ou quand le bien acquis a fait l’objet d’une division parcellaire en vue d’en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d’assiette du bâtiment ou encore quand les parcelles, quoique ayant déjà fait l’objet d’une autorisation de division, ou d’une division effective, lors de l’acquisition, avaient, au regard des indications figurant dans l’acte de vente, été vendues non comme terrain à bâtir, mais comme terrain bâti, ensemble avec la parcelle sur laquelle était édifié un bâtiment. ».

La portée

Par cette décision les juges confirment qu’une division effective avant cession n’est pas suffisante en elle-même pour remplir le critère d’identité juridique du TAB.

Pour bénéficier du régime de la TVA sur marge, il est nécessaire que : 

  • la division parcellaire soit complète avant l’acquisition pour que les parcelles nouvelles soient identifiées ;
  • ces parcelles ne supportent pas de construction et soient constructibles au jour de l’acquisition ; 
  • l’acte d’acquisition identifie clairement les parcelles divisées et les qualifie de TAB.  Les critères objectifs de qualification d’un TAB ne suffisent pas, la désignation est déterminante.

Point de vigilance

L’existence d’une rémanence de TVA

Dans sa décision Icade Promotion, la CJUE conditionne le régime de la TVA sur marge à l’existence d’une rémanence de TVA, précisant qu’il ne s’appliquerait donc pas lorsque l’acquisition originelle n’a pas été soumise à TVA.

Concrètement, cette condition ne serait pas remplie en cas d’acquisition auprès d’un particulier par le marchand (sauf si ce particulier avait lui-même payé de la TVA en amont).

Cette décision va drastiquement limiter le champ d’application de la TVA sur marge.

Mais à ce jour, le BOFIP (BOI-TVA-IMM-10-20-10 §30) prévoit toujours que la TVA sur marge s’applique pour une acquisition auprès d’un non assujetti.

Si cette doctrine est toujours opposable (ce qui a été confirmé par la réponse ministérielle Grau), le régime actuel de TVA sur marge ne reste applicable que tant que Bercy ne publie pas de nouveaux commentaires.

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