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Puis-je récupérer la TVA grevant l’acquisition d’un bien que je destine à la location meublée ?

L’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 17 décembre 2019 vient rappeler que, si la récupération de la TVA est possible, celle-ci reste conditionnée au respect de réalisation de services para-hôteliers dans les strictes conditions édictées par l’article 261 D 4° du CGI. La réalisation de ces services entraîne l’application du régime fiscal de la parahôtellerie distinct du régime « LMNP ».

L’article 261 D 4° du CGI permet la récupération de la TVA…

Les locations de logements nus ou meublés sont exonérées de TVA sans option possible. Ce qui exclut toute possibilité de récupération de la TVA supportée lors de l’acquisition ou de travaux.

Cette exonération n’est pas applicable aux locations meublées (occasionnelles, permanentes, saisonnières) pour lesquelles le bailleur fournit, en sus de celles-ci, au moins 3 des 4 prestations suivantes : le petit-déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture du linge de maison ou la réception, même non personnalisée, de la clientèle. 

La prestation fournie est une prestation para-hôtelière soumise obligatoirement à TVA. En contrepartie, la TVA supportée en amont pourra être déduite. 

Le bailleur qui fournit ces services relève – non plus du régime de la location meublée – mais de celui de la parahôtellerie (cf. encadré de droite).

…si les services sont exercés dans les mêmes conditions que le secteur hôtelier 

L’article 261 D 4° du CGI prévoit que ces services doivent réalisés dans des conditions similaires à ceux proposés dans le secteur hôtelier. En l’espèce, la CAA de Marseille a précisé que l’activité de la SCI bailleresse « ne pouvait être assimilée à celle d’une entreprise hôtelière » pour lui denier le droit à déduction de la TVA d’amont.

La nature de chaque prestation doit correspondre à une prestation hôtelière (ex. en l’espèce, aucune denrée alimentaire n’était prévue pour le petit-déjeuner).

Le bailleur doit disposer des moyens nécessaire pour réaliser ces services…

Selon les cas, de telles prestations peuvent être soit intégrées au prix de la location soit facturées au locataire sur option.

II est de jurisprudence constante que ces critères définis par la loi n’exigent pas que ces prestations soient effectivement fournies mais que le bailleur dispose des moyens nécessaires pour les réaliser.

La réalité de ces moyens devra être dûment justifiée en cas de demande de la part de l’administration fiscale, sous peine de requalification en loueur meublé et donc de perte de déduction de la TVA.

…et peut recourir à un exploitant pour ce faire afin de conserver le régime « LMNP »

Le bailleur peut également louer nu ou meublé des logements à un exploitant à charge pour ce dernier de louer et réaliser les services para-hôteliers auprès des locataires.

Sous certaines conditions, un tel bail conclu avec l’exploitant permettra toujours au propriétaire bailleur de récupérer la TVA supportée en amont.

En cas de location meublée à un exploitant qui réalise ces services, le bailleur peut donc cumuler statut « LMNP » (s’il ne remplit pas les conditions pour être « LMP ») et récupération de la TVA d’amont grevant l’acquisition de l’immeuble.

Brefs aspects du régime de la parahôtellerie

Les loueurs exerçant une activité parahôtelière en direct relèvent des « BIC » dans les conditions de droit commun contrairement au régime spécifique « LMNP ». Dès lors :

  • Les amortissement sont déduits sans application de la limitation de l’article 39 C du CGI applicable en «LMNP» ;
  • Cette règle de déduction des amortissements est donc en général défavorable, le déficit généré par ces amortissements non limités ne pouvant être imputé que sur un revenu de même nature pendant 6 ans ;
  • Si la parahôtellerie est exercée à titre professionnel (= participation personnelle, continue et directe de l’un des membres du foyer fiscal), le bailleur peut alors imputer l’éventuel déficit sur son revenu global et bénéficier d’un régime de faveur en cas de cession de l’immeuble ;
  • La plus-value applicable relève du régime des professionnels et non des particuliers contrairement au régime «LMNP ».


Rappels pratiques

La récupération de la TVA est conditionnée au renoncement au régime de la franchise en base et à l’option pour la TVA. L’immeuble devra être conservé et demeuré exploité par le bailleur pendant 20 ans sous peine de régularisation de la TVA initialement déduite.

Déclaration des consommations énergétiques des bâtiments à usage tertiaire : une tolérance est accordée jusqu’au 31 décembre 2022 !

En France, le secteur du bâtiment résidentiel et tertiaire représente 46 % de la consommation énergétique, constituant « un important gisement d’économies d’énergie 1». Dans la droite lignée de la stratégie nationale de réduction des consommations d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre, la loi « ELAN 2 », a créé le dispositif « Éco Énergie Tertiaire 3 » qui impose la réduction de la consommation d’énergie finale des bâtiments à usage tertiaire d’au moins 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050, par rapport à une année de référence qui ne peut être antérieure à 2010. Ce nouveau dispositif renforce les obligations de réduction de la consommation d’énergie finale des bâtiments à usage tertiaire (I), tout en prévoyant des sanctions adaptées en cas de manquement à ces obligations (II).

I. DES OBLIGATIONS RENFORCÉES DE RÉDUCTION DE LA CONSOMMATION D’ÉNERGIE POUR LES BÂTIMENTS À USAGE TERTIAIRE

Un champ d’application restreint aux bâtiments à usage tertiaire

Renforçant les obligations relatives à la réduction de la consommation d’énergie, le dispositif « Éco Énergie Tertiaire » concerne les propriétaires ou preneurs à bail de :

  • « tout bâtiment hébergeant exclusivement des activités tertiaires sur une surface de plancher supérieure ou égale à 1 000 m » ;
  • « toute partie d’un bâtiment à usage mixte qui héberge des activités tertiaires sur une surface de plancher cumulée supérieure ou égale à 1 000 m2 » ;
  • «  tout ensemble de bâtiments situés sur une même unité foncière ou sur un même site dès lors que ces bâtiments hébergent des activités tertiaires sur une surface de plancher cumulée supérieure ou égale à 1 000 m ».

Des exceptions sont toutefois prévues pour :

  • les constructions ayant donné lieu à un permis de construire à titre précaire ;
  • les bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments destinés au culte ou dans lesquels est exercée une activité opérationnelle à des fins de défense, de sécurité civile ou de sûreté intérieure du territoire.

Les obligations résultant du dispositif « Éco Énergie Tertiaire »

La mise en œuvre de ce dispositif se traduit par l’atteinte de l’un ou l’autre des objectifs suivants :

  • « soit un niveau de consommation d’énergie finale réduit, respectivement, de 40 %, 50 % et 60 % par rapport à une consommation énergétique de référence qui ne peut être antérieure à 2010  (valeur relative» ;
  • « soit un niveau de consommation d’énergie finale fixé en valeur absolue, en fonction de la consommation énergétique des bâtiments nouveaux de leur catégorie  ».

A cet égard, les mesures de réduction doivent notamment porter sur la performance énergétique des bâtiments, l’installation d’équipements performants ainsi que leur dispositif de contrôle, leurs modalités d’exploitation, l’adaptation des locaux à un « usage économe en énergie » et le comportement des occupants de l’immeuble4.

Les contraintes existantes pour certains immeubles sont prises en compte puisque des modulations sont possibles notamment en cas de contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales (par exemple, en cas de modifications importantes des façades en sites patrimoniaux remarquables)5.

II. UN CONTRÔLE STRICT SUR LA RÉDUCTION EFFECTIVE DE LA CONSOMMATION D’ÉNERGIE FINALE

L’obligation de déclaration annuelle des consommations énergétiques

Le dispositif prévoit que dès 2022, et annuellement, les consommations énergétiques de l’année précédente devront être déclarées au plus tard le 30 septembre via la plateforme OPERAT6, gérée par l’ADEME, qui présentera les données de consommation de manière anonymisée et permettra d’assurer un suivi annuel de la réduction de consommation d’énergie finale.

Report de la date d’échéance de déclaration des consommations énergétiques

Initialement, les consommations énergétiques5 des années 2020 et 2021 ainsi que l’année de référence choisie devaient être déclarées sur la plateforme OPERAT avant le 30 septembre 2022.

Toutefois, la date butoir a été repoussée au 31 décembre 2022  considérant que « cette année 2022 est une année d’apprentissage pour les assujettis » 7.

Une tolérance sera donc accordée jusqu’à la fin de l’année 2022 de sorte que de nouvelles déclarations et la modification des déclarations déjà réalisées pourront être effectuées. L’année de référence choisie pourra également être modifiée jusqu’en 2023.

Des sanctions adaptées à chaque obligation résultant du dispositif  « Éco Énergie Tertiaire »

Le code de la construction et de l’habitation prévoit des sanctions adaptées8 à chaque manquement aux obligations prévues par le dispositif « Éco Énergie Tertiaire ».

En premier lieu, si les assujettis n’ont pas déclaré leur consommation énergétique avant le 31 décembre 2022, le préfet de département pourra les mettre en demeure d’effectuer cette déclaration dans un délai de 3 mois. A défaut, il sera procédé à la publication, sur un site internet des services de l’État, du document retraçant les mises en demeure restées sans effet9.

En deuxième lieu, en cas de non-respect de l’un des deux objectifs prévus, le préfet pourra mettre en demeure les assujettis d’établir un programme d’actions respectant leurs obligations, qu’il devra approuver. A défaut de transmission de ce plan dans un délai de 6 mois, le préfet pourra prononcer une deuxième mise en demeure, puis une amende administrative allant jusqu’à 1 500 € pour les personnes physiques et jusqu’à 7 500 € pour les personnes morales.

En troisième lieu, en cas de non-respect du programme d’actions approuvé par le préfet, celui-ci pourra réaliser un constat de carence et prononcer une amende administrative dans les mêmes conditions que celles susmentionnées.

Quelques précisions

Présentation du dispositif « Éco Énergie Tertiaire » sur le site de la préfecture de la Dordogne.

2 Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.

Codifié à l’article L. 174-1 du code de la construction et de l’habitation.

4 Article R. 174-23 CCH.

5 Des modulations sont également possibles dans le cas d’un changement de l’activité exercée ou du volume de cette activité ainsi que dans le cas de coûts manifestement disproportionnés des actions par rapport aux avantages attendus en termes de consommation d’énergie finale (Art. L. 174-1 CCH).

6 Arrêté du 10 avril 2020 relatif aux obligations d’actions de réduction des consommations d’énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire.

Notons que « La consommation d’énergie liée à la recharge de tout véhicule électrique et hybride rechargeable est déduite de la consommation énergétique du bâtiment et n’entre pas dans la consommation de référence. »

7 Communiqué de presse du 22 septembre 2022, ministère de la Transition Écologique et ministère de la Transition Énergétique.

8 Article R. 185-2 CCH.

9 Principe du « Name and Shame ».

Point de vigilance : Les actions de réduction de la consommation énergétique ne peuvent conduire ni à une augmentation du recours aux énergies non renouvelables, ni à une augmentation des émissions de gaz à effet de serre (art L. 174-1 CCH).

Abréviations

CCH : code de la construction et de l’habitation

OPERAT : Observatoire de la Performance Énergétique de la Rénovation et des Actions du Tertiaire

ADEME : Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie 

Arrêt des chantiers dû au COVID-19 : la force majeure est-elle applicable ?

Alors que le Président de la République appelle tous les Français au civisme en restant chez eux et en télé-travaillant, les entreprises du bâtiment arrêtent les chantiers pour lutter contre la propagation du virus. 

L’arrêt des chantiers peut conduire au dépassement du délai contractuel de réalisation des travaux qui entraîne la mise en jeu de pénalités de retard prévues, au bénéfice du maître de l’ouvrage, il en sera autrement en cas de force majeure.

Définition de la force majeure 

L’article 1218 du Code Civil définit la force majeure comme un « événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.»

Les critères d’imprévisibilité et d’irrésistibilité sont appréciés au cas par cas par les juges du fond.

Les circonstances exceptionnelles caractérisant la force majeure

Par le passé, les épidémies de la peste, la grippe H1N1, le chikungunya ou la dengue, n’ont pas été qualifiées en tant que telles de force majeure par les juges du fond.

On peut penser qu’il en sera de même pour la pandémie de COVID-19. 

Invoquer la pandémie sans autre circonstance ne sera pas de nature à caractériser la force majeure. Il faudra démontrer en quoi la pandémie a créé des circonstances exceptionnelles ne permettant pas la bonne exécution du contrat. 

Une première décision a été rendue en ce sens en droit des étrangers (CA Colmar, 12 mars 2020, n°20/01098 – impossibilité de respecter les mesures sanitaires justifiant l’application de la force majeure).

L’imprévisibilité semble acquise lorsqu’au moment de la signature du contrat, l’événement n’était pas connu dans son ampleur.

Elle semble donc admise pour la majorité des marchés travaux à l’exception de ceux conclus récemment. L’appréciation des juges du fond est attendue.  

L’irrésistibilité de l’évènement semble acquise lorsque la situation ne permet pas d’exécuter ses obligations contractuelles par tout moyen. Il ne suffira donc pas de prétendre ne pas avoir pu exécuter ses obligations selon les modalités et le mode opératoire prévus à la signature du contrat. Il devra être démontré que le contrat n’a pas pu être exécuté différemment (avec l’accord du maître de l’ouvrage) tout en respectant les mesures sanitaires imposées : distanciation sociale des travailleurs ou équipement de protection (port de masque), moyen de transport individuel, matériel de décontamination (gel hydroalcoolique et lingettes désinfectantes pour les surfaces), pas de coactivité dans un espace confiné

Ces nouvelles mesures sanitaires, auxquelles s’ajoutent les difficultés d’approvisionnement, ne permettent pas la poursuite de tous les chantiers. 

Evidemment, si l’entreprise travaux poursuit son activité mais que les mesures, qui lui sont imposées, retardent le délai d’achèvement, l’irrésistibilité serait caractérisée. 


La position actuelle des organismes professionnels du bâtiment et de l’Etat 

L’organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP) a édité un plan de continuité des activités. Il s’agit d’un guide des bonnes pratiques, précisant toute « une série de recommandations pour assurer des conditions sanitaires satisfaisantes sur les chantiers »

Le Gouvernement « invite les donneurs d’ordre et entreprises à ne pas rechercher la responsabilité contractuelle des entreprises (…) ».

De son côté, la Fédération Française du Bâtiment a publié le 27 mars 2020 « COVID-19 Quelles conséquences juridiques et quelles solutions dans les relations avec le maître d’ouvrage (…), l’entreprise principale, l’assureur… ».

Quelle sera la date d’appréciation du caractère  d’imprévisibilité ? 

L’OMS a déclaré l’urgence de santé mondiale le 30 janvier 2020, l’épidémie de COVID-19 n’étant alors cantonnée qu’en Chine.

Le gouvernement français n’a pris de mesures contraignantes qu’à partir du 14 mars 2020.

Le juge devra retenir une date pour déterminer le caractère de l’imprévisibilité qui se situera vraisemblablement entre ces deux dates.