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Appréciation de la covisibilité d’un projet avec un Monument Historique : l’acuité visuelle devient la seule limite

Dans une décision récente, le Conseil d’Etat précise l’appréciation de la covisibilité d’un projet situé en abord de Monument Historique, laquelle n’est pas circonscrite au périmètre de 500 mètres autour de ce Monument Historique et peut s’effectuer depuis tout point accessible au public, à condition que l’œil nu le permette (CE, 5 juin 2020, req. n° 431994, Tab. Leb.). Or, l’appréciation de la covisibilité repose sur l’architecte des Bâtiments de France (ABF) et conditionne la prise d’un avis simple ou d’un avis conforme (accord). Cette décision présente-t-elle un risque supplémentaire pour la régularité des autorisations d’urbanisme au pays des 50 000 Monuments Historiques (sauf s’agissant de projets inclus dans les périmètres délimités des abords (PDA)) ?


I. CRITÈRES D’APPRÉCIATION DE LA COVISIBILITÉ : À L’OEIL NU, DEPUIS TOUT LIEU ACCESSIBLE AU PUBLIC

Premier critère : Accessibilité au public


Hors le cas où le projet est visible depuis le Monument Historique situé à moins de 500 mètres, la jurisprudence a progressivement bâti la notion de covisibilité du projet avec le Monument Historique dans les abords duquel il se situe. 


D’abord, la distance de 500 mètres s’entend d’un rayon à partir du Monument Historique (CE, 29/01/1971, n° 76595). 


Ensuite, la visibilité peut être partielle, c’est-à-dire d’une partie seulement du projet (CE, 04/11/1994, n°103270) ou limitée à une certaine période de l’année en fonction de l’état de la végétation (CE, 11/02/1976, n° 95676). 


Enfin, la visibilité s’apprécie à partir de tout point « normalement » accessible au public, que ce soit au sol ou en hauteur, y compris de manière saisonnière, payante et après la montée de 300 marches (CE, 20/01/2016, n° 365987).


La notion d’accessibilité au public a été étendue au fil des années : ce qui devient accessible de manière normale (à l’exclusion, par exemple, des journées européennes du Patrimoine, etc.) augmente le champ de covisibilité possible, et inversement.

Second critère : A l’œil nu


L’apport principal de la décision commentée s’agissant de la covisibilité réside dans le critère « d’acuité visuelle » posé par le Conseil d’Etat. 


Celui-ci juge en effet, d’une part, que « les dispositions de l’article L. 621-30 du code du patrimoine ne s’opposaient pas à ce que l’existence d’une covisibilité soit constatée depuis un point situé à plus de cinq cents mètres du monument concerné », admettant ainsi expressément la possibilité qu’un projet soit covisible en dehors du périmètre de 500 mètres.


D’autre part, le Conseil d’Etat apporte une restriction pour le moins subjective : le projet doit être visible en même temps que le Monument Historique à l’œil nu (10/10 à chaque œil ?).


Dans cette affaire, le juge des référés du tribunal administratif de Pau a donc dénaturé les faits de l’espèce en jugeant que l’absence d’accord de l’ABF sur un projet pour lequel la covisibilité était démontrée au moyen d’une photographie prise au téléobjectif était de nature a créer un doute sérieux sur la légalité du permis de construire (CE, 05/06/2020, préc.).

II. COMMENT SÉCURISER LES AUTORISATIONS D’URBANISME À CET ÉGARD ?


Analyser l’environnement du projet pour évaluer les cas de covisibilité


En application de l’article R. 425-1 du code de l’urbanisme, toute autorisation d’urbanisme délivrée pour un projet visible ou covisible qui serait situé dans le périmètre de 500 mètres doit faire l’objet d’un accord de l’ABF – et non d’un avis simple –, à défaut de quoi il ne peut valoir autorisation au titre de l’article L. 621-30 du code du patrimoine (CE, 15/01/1982, n° 11373) ; étant précisé que le défaut d’accord dans la procédure de délivrance de l’autorisation d’urbanisme est régularisable par permis de construire modificatif (CE, 02/02/2004, n° 238315). 


Avec la nouvelle solution jurisprudentielle, il est désormais acquis que l’analyse de la covisibilité depuis des lieux normalement accessibles au public (notamment ceux situés en hauteur) devient impérative même si le point d’observation se situe en dehors du cercle des 500 mètres. 


Se posera ensuite la question de savoir, pour les porteurs de projet, s’ils devront solliciter des ABF qu’ils prennent des décisions tacites réputées favorables au titre de l’article L. 632-2 du code du patrimoine afin de limiter les erreurs de droit liées au visa de leurs avis et censurables par le juge (CE, 12/03/2007, n° 275287) ?

Encourager les périmètres délimités des abords (PDA)

Une solution réglementaire existe pour sécuriser l’appréciation de la covisibilité avec un Monument Historique, et donc la nature de l’avis qui doit être émis : les périmètres délimités des abords (PDA). 


En effet, en application de l’article L. 621-30 du code du patrimoine, tout projet situé à l’intérieur d’un PDA est systématiquement considéré visible en même temps que le Monument Historique, de sorte que l’ABF doit donner son accord (avis conforme) sur les autorisations d’urbanisme, plaçant ainsi le service instructeur en situation de compétence liée en cas d’avis défavorable.


Conformément à l’article L. 621-31 du code du patrimoine, un PDA peut être institué par la procédure de modification du PLU, de la carte communale ou du document d’urbanisme en tenant lieu (mais également, lors de élaboration ou d’une révision d’un tel document). 


N.B. : la délimitation du PDA fait l’objet d’une enquête publique et n’est pas immuable, puisque ce périmètre peut être modifié dans les mêmes conditions. 

Retour sur la définition des abords de Monuments Historiques

L’article L. 621-30 du code du patrimoine dispose que : 

« (…) II. – La protection au titre des abords s’applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, situé dans un périmètre délimité par l’autorité administrative dans les conditions fixées à l’article L. 621-31. Ce périmètre peut être commun à plusieurs monuments historiques.

En l’absence de périmètre délimité, la protection au titre des abords s’applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci. (…) »

Exemples casuistiques de covisbilité d’un projet avec un MH

  • Une haie végétale, y compris persistante, ne permet pas d’écarter la covisibilité (CAA Marseille, 13/11/2018, n° 18MA02269 et CAA Bordeaux, 10/12/2019, n° 18BX00169) ;
  • Un unique angle de covisibilité suffit (CAA Bordeaux, 12/02/2007, n° 04BX00894) ; 
  • Depuis tout type de voie ou emprise publique : rue, chemin rural, etc. (CE, 08/09/1997, n° 161956 et CE, 04/11/1994, n° 103270) ; 
  • Y compris depuis la plateforme de la cathédrale de Strasbourg située à 66 mètres de haut, dont l’accès est saisonnier et l’entrée payante (CE, 20/01/2016, n° 365987). 

Terrain à bâtir et TVA sur marge : fin de la saga ?

Le Conseil d’Etat vient de se prononcer pour la première fois sur l’opposition entre les juridictions du fond et le fisc. Il semble confirmer la condition d’identité juridique entre le bien acquis et revendu pour l’application du régime de TVA sur marge prévu à l’article 268 du CGI (CE 27 mars 2020, n° 428234, Promialp). Le Conseil d’Etat n’épuise pour autant pas le sujet, il se contente de censurer pour erreur de droit l’arrêt de la cour administrative d’appel à qui il reviendra de trancher au fond. L’occasion de se pencher sur les conséquences pratiques de cette décision sur les opérations des marchands de biens. 

DEBAT ORIGINEL

Les ventes de terrains à bâtir (« TAB ») sont en principe soumises à la TVA sur le prix total. Toutefois, il est possible d’opter à la TVA sur la seule marge réalisée par le cédant (art.268 du CGI), si l’acquisition du bien n’a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée.

L’administration fiscale qui conditionnait initialement la TVA sur marge à une identité physique et juridique entre le bien acheté et revendu a assoupli sa position dans une réponse ministérielle Vogel en date 17 mai 2018 et exige la seule identité de qualification juridique : un lot revendu comme « TAB » ne doit pas avoir été acquis comme terrain d’assiette d’un immeuble bâti.

Le juge administratif avait, de son côté, une position encore plus souple. Il estimait que l’application de la TVA sur la marge était conditionnée au seul fait que l’acquisition par le cédant n’ait pas ouvert droit à déduction de la TVA (application littérale de l’art. 268 du CGI) et censurait les redressements fondés sur la condition d’identité juridique ou physique.

Pour plus de précisions sur ce débat cf. notre précédent bulletin sur le sujet.

L’ARRET DU CONSEIL D’ETAT


En l’espèce, un marchand de biens a fait l’acquisition d’un immeuble avant de procéder à sa démolition et division du terrain. Il a par la suite revendu les parcelles issues de ces opérations comme TAB.

L’acquisition n’ayant pas ouvert droit à déduction, la cour administrative d’appel a validé l’application de la TVA sur la marge aux reventes, peu importe les changements intervenus entre le bien acquis et revendu.

Le Conseil d’Etat par un arrêt du 27 mars 2020 estime que la CAA a commis une erreur de droit en jugeant sans incidence « la circonstance que les caractéristiques physiques et la qualification du bien en cause aient été modifiées entre son acquisition et sa vente ». Il considère, sur le fondement de l’article 392 de la Directive TVA, que les ventes de TAB issus de la démolition d’un bien acquis comme immeuble bâti ne peuvent pas bénéficier de la TVA sur marge. 

Par cet arrêt, le CE semble donc valider la condition d’identité entre le bien acquis et revendu

QUESTIONS EN SUSPENS

  • Retour à la condition d’identité physique ? Le CE ne se prononce pas sur ce point. Toutefois, à la lecture des dernières réponses ministérielles seule la condition d’identité juridique doit être retenue. En l’espèce, le CE ne s’est pas fondé sur le fait qu’il y avait eu division avant la vente mais relève uniquement que le bien acquis était un immeuble bâti lequel immeuble a été démoli pour vente en TAB. La revente d’un TAB issue de la division d’un plus grand terrain acquis comme TAB pourrait donc bénéficier de la TVA sur marge. 
  • Acquisition d’un immeuble bâti avec son terrain d’assiette, suivie de la revente du seul terrain comme terrain à bâtir : le CE ne tranche pas plus ce point. Le rapporteur public a cependant conclu que « l’article 268 du CGI ne s’applique qu’à des biens qui n’ont pas fait l’objet, entre leur acquisition et leur revente, de transformation ayant eu pour effet d’en modifier la qualification fiscale. ». On peut donc se demander si la décision du CE aurait été la même en absence de démolition du bien initialement acquis. 
  • Acquisition d’un immeuble inachevé : selon la doctrine administrative, la cession d’un tel immeuble doit être assimilée à une cession de terrain à bâtir. En cas d’acquisition d’un immeuble inachevé (et donc acquis comme TAB) suivi de la revente du terrain d’assiette après division parcellaire, il y aurait donc identité juridique entre le bien acquis et revendu. En absence de démolition sur ce terrain d’assiette revendu, il semble qu’une telle opération pourrait donc être éligible au régime de la TVA sur la marge. 

L’intégration de l’arrêt au BOFIP

L’administration fiscale a intégré cette solution au BOFIP, se contentant de citer le considérant de principe de cet arrêt, sans apporter plus de précisions. Cet ajout attendu mais minimaliste ne permet pas de répondre aux questions en suspens. 

L’attente de clarification par la CAA de renvoi

Le CE n’ayant pas tranché au fond le litige, mais seulement censuré pour erreur de droit, il reviendra à la CAA de renvoi d’apporter certaines clarifications et notamment, on l’espère, sur la condition d’identité physique. La TVA sur marge sera elle appliquée pour les parcelles non bâties initialement et non touchées par la démolition (ancien terrain d’assiette)?

Que faire en attendant ?

En attendant, par précaution, il est conseillé, en cas d’acquisition d’un immeuble bâti en vu de la  revente en TAB du terrain d’assiette de procéder à des divisions parcellaires avant l’achat. Cependant, une telle opération peut présenter un inconvénient économique pour le vendeur (le privant de l’exonération de PV sur cession du terrain d’assiette de sa résidence principale par exemple).

Dérogation au principe « un territoire, un PLUi » pour les EPCI XL regroupant au moins 50 communes

La loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique a ouvert aux EPCI regroupant au moins 50 communes (et non plus 100 communes – EPCI XXL) la possibilité d’élaborer plusieurs PLUi infra-communautaires, dérogeant par là-même au principe selon lequel les PLUi doivent couvrir l’intégralité du territoire des EPCI.

Cet abaissement du seuil de la dérogation permet d’éviter la coexistence, sur un même territoire, de documents de planification de rangs hiérarchiques différents (PLU et SCoT), tout en présentant l’avantage de faciliter le consensus politique sur la définition des principes d’aménagement de ces grands territoires sans lequel l’élaboration de ces documents est parfois paralysée.

I. L’abaissement du seuil de la dérogation aux EPCI regroupant 50 communes

Une dérogation au principe « un territoire, un PLUi »

L’article L. 153-1 du CU pose le principe selon lequel le PLU couvre l’intégralité du territoire de la commune ou de l’EPCI compétent en matière de plan local d’urbanisme.

Cette obligation, dont l’objet est de favoriser l’élaboration des PLUi à l’échelle intercommunale, soulève de nombreuses difficultés – notamment financières et politiques – pour les grands territoires.

Le législateur a donc abaissé le seuil d’obtention de la dérogation prévue à l’article L. 154-1 du CU, permettant ainsi aux EPCI regroupant 50 communes et plus d’élaborer, sous certaines conditions, plusieurs PLU infra-communautaires sur leur territoire. 

Une dérogation soumise au contrôle de l’Etat

La possibilité d’élaborer plusieurs PLU infra-communautaires sur le territoire de l’EPCI reste conditionnée à l’octroi d’une dérogation par le préfet de département.

Au préalable, l’organe délibérant de l’EPCI doit, par délibération, déterminer :

-le périmètre et le calendrier prévisionnel de chacun des futurs PLU infra-communautaires permettant d’assurer le respect des objectifs d’aménagement et de développement durable fixés par le CU (cf. art. L. 101-2 du CU) ;

-le cas échéant, le calendrier prévisionnel d’élaboration du SCoT dans le périmètre duquel est inscrit l’EPCI (validation sous 6 ans).

Cette délibération est ensuite transmise au préfet de département qui dispose d’un délai de deux mois pour donner son accord. 

 

 

II. Les conditions de mise en œuvre de la dérogation dans le temps

Quels documents d’urbanisme appliquer le temps de la mise en œuvre de la dérogation ?

Les documents d’urbanisme applicables avant la mise en œuvre de la dérogation  (PLU, PLUi, carte communale, POS) demeurent en vigueur jusqu’à l’approbation du PLUi infracommunautaire couvrant le secteur concerné (art. L. 154-3 du CU).

Ces mêmes documents peuvent, le temps de la mise en œuvre de la dérogation, faire l’objet de procédures de modification, de mise en compatibilité ou encore de certaines procédures de révision prévues aux articles L. 131-6 et 7 du CU et L. 153-34 du CU.

A la lecture de l’article L. 154-3 alinéa 3 du CU, seuls les PLU infracommunautaires approuvés et validés par le préfet de département lors de l’octroi de la dérogation peuvent faire l’objet d’une procédure de révision dite classique.

Quelles sanction en l’absence d’approbation d’un SCoT dans le délai de 6 ans ?

L’article L. 154-4 du CU précise que la dérogation cesse de s’appliquer si le territoire de l’EPCI n’est pas couvert par un SCoT approuvé dans un délai de six ans à compter de l’octroi de la dérogation.

Bien que cela ne soit pas expressément prévu par le texte, il semble que le défaut d’approbation du SCoT empêcherait de mener légalement à terme l’ensemble des procédures d’élaboration de PLU infracommunautaires mises en œuvre dans le cadre de la dérogation.

Les documents approuvés préalablement à l’octroi de la dérogation seraient maintenus, sans qu’il ne soit toutefois possible de les réviser (cf. supra) sauf à élaborer un PLUi couvrant l’intégralité du territoire de l’EPCI.

Quelques précisions

La dérogation « EPCI XL » est expressément fermée aux métropoles par l’article L. 154-1 du code de l’urbanisme.

Sur les 1 233 EPCI recensés en France en 2020 (métropoles non comptées), seuls une dizaine d’entre eux dépassaient le nombre de 100 communes.

Avec l’abaissement du seuil à 50 communes, la dérogation concerne désormais un nombre bien plus important de territoires (soit 156 EPCI au 1er janvier 2020).

A compter du 1er janvier 2021, les POS seront caducs (art. L. 174-5 du CU).

Pacte Dutreil et condition d’activité opérationnelle prépondérante : le Conseil d’Etat annule la doctrine administrative

Le pacte « Dutreil » (article 787 B du CGI) permet de réaliser une transmission en bénéficiant d’une exonération de 75% de la valeur des titres d’une société développant une activité opérationnelle (industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale). Si la société développe également une activité non opérationnelle (ex. : civile) le bénéfice du Dutreil reste possible si celle-ci n’est pas prépondérante.  Le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 23 janvier 2020 vient de le confirmer et d’annuler la doctrine administrative qui encadrait trop restrictivement les critères de cette prépondérance.


Le pacte Dutreil doit porter sur les titres d‘une société ayant une activité (principalement) opérationnelle

La loi vise les sociétés ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, (en un mot opérationnelle). 

Elle ne précise pas que l’activité opérationnelle doit être exclusive et ne prévoit pas, pas plus que les travaux parlementaires, l’hypothèse d’une société qui développe une activité à la fois opérationnelle et civile (activité mixte).

L’administration fiscale a alors indiqué au sein d’une réponse ministérielle Bobe d’octobre 2006, qu’il n’était pas exigé, pour l’application du dispositif Dutreil, que la société exerce exclusivement une activité opérationnelle, à la condition que celle-ci soit prépondérante.

Cette réponse a été intégrée dans sa doctrine (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 §20) qui exigeait, pour caractériser cette prépondérance, la réunion de deux critères cumulatifs :
 

  1. le chiffre d’affaires procuré par l’activité opérationnelle doit représenter au moins 50% du CA total et ;
  2. le montant de l’actif brut immobilisé (immeubles, titres de participation etc.) doit représenter au moins 50% de l’actif brut total.

Le Conseil d‘Etat recadre l‘administration fiscale en annulant sa doctrine relative aux activités mixtes


Le Conseil d’Etat dans l’arrêt du 23 janvier 2020 confirme qu’une société exerçant une activité mixte peut bénéficier du pacte Dutreil, sous réserve que l’activité opérationnelle soit prépondérante. 

En l’espèce, le contribuable réalisait via une SAS une activité de marchand de biens (activité commerciale) et de location d’immeubles nus (activité civile) – soit une « activité mixte ». Les immeubles acquis en vue de leur revente (activité commerciale) étaient comptabilisés en stock (actif circulant), alors que les immeubles loués nus constituaient l’actif immobilisé.

L’actif circulant étant supérieur à l’actif immobilisé, le second critère de la doctrine n’était pas respecté et donc la transmission sous le bénéfice du régime Dutreil impossible, alors même que l’activité principale de la société (marchand de biens) était opérationnelle !

Le Conseil d’Etat précise alors que le second critère retenu par l’administration méconnaît le sens et la portée de l’article 787 B du CGI – puisque la faiblesse ou l’importance de l’actif immobilisé ne présage en rien de la réalisation d’une activité civile ou commerciale : le paragraphe de la doctrine administrative reprenant les deux critères est annulé !


Quel critère retenir désormais pour caractériser la prépondérance de l’activité opérationnelle ?


L’arrêt précise que cette prépondérance doit s’apprécier « en considération d’un faisceau d’indices déterminés d’après la nature de son activité et les conditions de son exercice » sans préciser ces indices.

Un des critères à retenir pourrait être la part dans la valeur totale de l’actif brut, des actifs affectés à une activité opérationnelle (i.e. à leur valeur vénale), critère déjà retenu (CE 13 juin 2018 n°395495) mais également le chiffre d’affaires dégagés par l’activité opérationnelle, qui reste pertinent pour les sociétés opérationnelles (critère non critiqué par le Conseil d’Etat).

Plus largement, l’activité opérationnelle de la société (moyens d’exploitation, salariés) devra être comparée aux sociétés du même secteur qui réalisent une activité exclusivement opérationnelle.


Le pacte Dutreil permet une exonération de 75% de la valeur des parts transmises !


Cette exonération de 75% (cas d’une donation ou succession) est notamment conditionnée aux trois conditions suivantes, simplement résumées : 

  • Le donateur (ou le défunt) doit avoir souscrit, avec d’autres associés, un engagement collectif de conservation portant sur les droits sociaux transmis (donation ou succession) pour une durée minimale de 2 ans en cours au jour de la transmission (minimum de 17% de droits financiers et 34% de droits de votes) ;
  • Chacun des donataires ou héritiers doit lui-même prendre l’engagement individuel (dans l’acte de donation ou de succession) de conserver ces droits pendant 4 ans, à l’issue de la période de 2 ans ;
  • L’un des signataires de l’engagement collectif de conservation doit exercer une fonction de direction dans la société dont les titres sont transmis (cela peut-être le donateur).

Elargissement du dispositif Denormandie : l’avenir est à l’ancien !

L’article 162 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a modifié le 5° du B du I de l’article 199 novovicies du Code général des impôts relatif au dispositif Denormandie en remplaçant le terme « travaux de rénovation » par le terme « travaux d’amélioration » .


Le décret n°2020-426 du 10 avril 2020 publié au journal officiel le 15 avril 2020 vient enfin définir ces nouveaux travaux éligibles. Il ouvre le dispositif aux travaux réalisés sur les annexes et élargit les possibilités de création de surfaces. 

Les nouveaux travaux  » d‘amélioration  » éligibles

Auparavant, le dispositif n’était centré que sur les travaux de modernisation, d’assainissement, d’aménagement et visant des économies d’énergies portant sur les seules surfaces habitables à l’issue des travaux (y compris les combles et garages transformés en habitat individuel).

Dans le même esprit, le dispositif est désormais étendu aux surfaces annexes,  ainsi qu’à la création de surfaces habitables et annexes nouvelles.

Travaux réalisés sur les surfaces annexes préexistantes

Auparavant les travaux entrepris sur les annexes étaient exclus du dispositif Denormandie (sauf les transformations en surfaces habitables des combles et garages en habitat individuel).

Le décret rend désormais éligibles les travaux portant sur les annexes suivantes : 

  • les garages
  • les emplacements de stationnement
  • les locaux collectifs à usage commun
  • les loggias
  • les balcons
  • les terrasses accessibles privatives
  • les vérandas
  • les séchoirs extérieurs au logement
  • les caves d’une surface d’au moins 2 mètres carrés 
  • les garages et combles accessibles en habitat individuel uniquement.

Travaux de création de surface habitable et annexe


Si le décret n’apporte que peu de nouveautés s’agissant des travaux entrepris sur les surfaces habitables préexistantes il en est autrement s’agissant des surfaces nouvelles.

Auparavant, outre les travaux de transformation en habitation, la création de surface habitable n’était possible qu’à partir de l’aménagement de surfaces annexes limitées (combles accessibles et garage en habitat individuel). Le décret rend désormais éligible la « création de surfaces habitables nouvelles ou de surfaces annexes ».

Cette rédaction surprenante dans un dispositif dit de « rénovation » semble permettre toute création de surface en dehors même du volume bâti (ex : création d’étages). Cela en fait un outil puissant de redynamisation des cœurs de ville. 

Une réponse ministérielle du 31 mars 2020 a cependant précisé que les travaux de démolition totale pour reconstruction ne sont pas éligibles. 

Un dispositif largement amélioré

Même si certaines imprécisions demeurent quant à l’éligibilité des dépenses liées à la création de surfaces nouvelles qui seront certainement levées lors de la publications des commentaires de l’administration fiscale, la prorogation du régime Denormandie jusqu’au 31 décembre 2022, la suppression de la notion de « cœur de ville » (cf bulletin Prorogation et élargissement du dispositif Denormandie) et l’extension des travaux éligibles fait du régime Denormandie un dispositif incontournable dans le cadre de la lutte contre l’étalement urbain et du renforcement la restauration du patrimoine bâti (cf bulletin L’engagement de l’Etat en faveur de la restauration immobilière!).

A noter

La nature des travaux d’amélioration de la performance énergétique ne change pas (cf. bulletin Dispositif denormandie travaux eligibles enfin precises) et les travaux réalisés sur les locaux et équipements d’agréments restent exclus du dispositif. 

Le Covid-19 sera t-il de nature à justifier un prolongement du délai d’achèvement fiscal des travaux dans le cadre du dispositif Pinel ?

Suite aux premières annonces de confinement, la propagation du virus a dans un premier temps entraîné un arrêt brutal des travaux pour une très grande majorité des chantiers avant de faire l’objet d’incitations à la reprise. Il est évident qu’un retard sera constaté pour la plupart des chantiers. Que se passera-t-il si, en conséquence, le délai d’achèvement des travaux pour le bénéfice du dispositif Pinel venait à être dépassé? 

Principe : un délai imposé pour l’achèvement des travaux

Conformément aux dispositions de l’article 199 novovicies du code général des impôts, les logements acquis dans le cadre du dispositif « Pinel » doivent être achevés : 

  • Dans un délai de 30 mois, lorsque le logement a été acquis en l’état futur d’achèvement ou lorsque le contribuable le fait construire. 
  • Au plus tard le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l’acquisition, lorsque le logement a été acquis inachevé, en vue de sa réhabilitation, de sa transformation en habitation ou a fait l’objet de travaux concourant à la production ou la livraison d’un immeuble neuf au sens de la TVA. 

Pour rappel, la date de réalisation de l’investissement à retenir est la date d’acquisition, excepté pour le logement que le contribuable fait construire où la date à prendre en compte est celle d’obtention du permis de construire. La date d’acquisition s’entend de la date de signature de l’acte authentique d’acquisition

Etant précisé que l’achèvement du logement correspond à un état d’avancement des travaux permettant une utilisation conforme du bien à l’usage prévu. Le logement d’habitation doit donc être habitable.

Tempérament : une possible prolongation du délai en cas de force majeure

Alors que la loi ne prévoit aucune exception, l’administration fiscale admet, dans un rescrit publié au Bulletin Officiel des Finances Publiques le 13 juillet 2018, que l’interruption d’un chantier pour cause de force majeure puisse proroger le délai d’achèvement des logements acquis dans le cadre du dispositif Pinel.

Elle y rappelle que par cas de force majeure il faut entendre un évènement imprévisible, totalement indépendant de la volonté des contribuables et ne permettant en aucun cas la poursuite du chantier

Est considéré comme tel par l’administration fiscale:

  • la suspension d’un chantier suite à un arrêté́ municipal de péril ;
  • la présence d’un recours administratif contre la validité́ d’un permis de construire ayant entrainé l’interruption des travaux.

Dans ces situations, le délai sera ainsi prorogé d’un délai égal à celui durant lequel le chantier a été interrompu. Toutefois, la vigilance est de mise : ce rescrit se garde d’ériger cette solution en norme de portée générale et prend soin de préciser que chaque circonstance de fait rencontrée nécessite un examen spécifique.

Covid-19 : un cas de force majeure au sens du rescrit ?

La force majeure est déjà largement invoquée par les professionnels du bâtiment pour éviter l’application de pénalités de retard en cas d’arrêt et/ou de ralentissement du chantier dû au Covid-19. La question de la qualification du Covid-19 comme tel, loin d’être automatique, fera certainement l’objet d’une appréciation au cas par cas par les juges du fond (cf. notre bulletin sur ce sujet).

Dans tous les cas, si l’on s’en tient aux conditions citées par l’administration fiscale dans son rescrit, seul un évènement rendant notamment impossible la poursuite du chantier peut permettre une prorogation du délai d’achèvement « Pinel » pour une durée égale à celle de l’interruption

Aussi, il convient de s’interroger sur la possibilité que l’administration fiscale puisse considérer un simple ralentissement comme un cas de force majeure au sens du rescrit. Au-delà et compte tenu de la position actuelle du gouvernement qui invite, à l’exception des cas où les normes sanitaires et de sécurité ne peuvent être respectées, à une continuité de réalisation des travaux, la difficulté résidera dans le fait de devoir nécessairement apporter la preuve:

  • en cas d’arrêt de chantier, que sa poursuite était impossible dans ces conditions, 
  • en cas de reprise ou de continuité, que le retard est la conséquence du respect des mesures sanitaires imposées. 

En tout état de cause, comme cela est rappelé dans une réponse ministérielle du 13 juillet 2018, l’allongement du délai « Pinel » en présence d’un cas de force majeure tel qu’admis par l’administration fiscale dans son rescrit ne peut recevoir de caractère automatique.  Ainsi, un examen au cas par cas des circonstances et éléments de preuve sera nécessaire. 


Point Malraux :

Dans le  cadre du dispositif Malraux, seules les dépenses supportées pendant les 4 années suivant la délivrance du permis de construire ouvrent droit à la réduction d’impôt.

A la différence du dispositif Pinel, la force majeure est  d’ores et déjà prévue dans le texte pour prolonger la période d’éligibilité des dépenses (article 199 tervicies II du CGI).

Le Covid-19 sera t-il de nature à justifier un prolongement du délai d’achèvement fiscal des travaux dans le cadre du dispositif Pinel ?

Suite aux premières annonces de confinement, la propagation du virus a dans un premier temps entraîné un arrêt brutal des travaux pour une très grande majorité des chantiers avant de faire l’objet d’incitations à la reprise. Il est évident qu’un retard sera constaté pour la plupart des chantiers. Que se passera-t-il si, en conséquence, le délai d’achèvement des travaux pour le bénéfice du dispositif Pinel venait à être dépassé? 

Principe : un délai imposé pour l’achèvement des travaux

Conformément aux dispositions de l’article 199 novovicies du code général des impôts, les logements acquis dans le cadre du dispositif « Pinel » doivent être achevés : 

  • Dans un délai de 30 mois, lorsque le logement a été acquis en l’état futur d’achèvement ou lorsque le contribuable le fait construire. 
  • Au plus tard le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l’acquisition, lorsque le logement a été acquis inachevé, en vue de sa réhabilitation, de sa transformation en habitation ou a fait l’objet de travaux concourant à la production ou la livraison d’un immeuble neuf au sens de la TVA. 

Pour rappel, la date de réalisation de l’investissement à retenir est la date d’acquisition, excepté pour le logement que le contribuable fait construire où la date à prendre en compte est celle d’obtention du permis de construire. La date d’acquisition s’entend de la date de signature de l’acte authentique d’acquisition

Etant précisé que l’achèvement du logement correspond à un état d’avancement des travaux permettant une utilisation conforme du bien à l’usage prévu. Le logement d’habitation doit donc être habitable.

Tempérament : une possible prolongation du délai en cas de force majeure

Alors que la loi ne prévoit aucune exception, l’administration fiscale admet, dans un rescrit publié au Bulletin Officiel des Finances Publiques le 13 juillet 2018, que l’interruption d’un chantier pour cause de force majeure puisse proroger le délai d’achèvement des logements acquis dans le cadre du dispositif Pinel.

Elle y rappelle que par cas de force majeure il faut entendre un évènement imprévisible, totalement indépendant de la volonté des contribuables et ne permettant en aucun cas la poursuite du chantier

Est considéré comme tel par l’administration fiscale:

  • la suspension d’un chantier suite à un arrêté́ municipal de péril ;
  • la présence d’un recours administratif contre la validité́ d’un permis de construire ayant entrainé l’interruption des travaux.

Dans ces situations, le délai sera ainsi prorogé d’un délai égal à celui durant lequel le chantier a été interrompu. Toutefois, la vigilance est de mise : ce rescrit se garde d’ériger cette solution en norme de portée générale et prend soin de préciser que chaque circonstance de fait rencontrée nécessite un examen spécifique.

Covid-19 : un cas de force majeure au sens du rescrit ?

La force majeure est déjà largement invoquée par les professionnels du bâtiment pour éviter l’application de pénalités de retard en cas d’arrêt et/ou de ralentissement du chantier dû au Covid-19. La question de la qualification du Covid-19 comme tel, loin d’être automatique, fera certainement l’objet d’une appréciation au cas par cas par les juges du fond (cf. notre bulletin sur ce sujet).

Dans tous les cas, si l’on s’en tient aux conditions citées par l’administration fiscale dans son rescrit, seul un évènement rendant notamment impossible la poursuite du chantier peut permettre une prorogation du délai d’achèvement « Pinel » pour une durée égale à celle de l’interruption

Aussi, il convient de s’interroger sur la possibilité que l’administration fiscale puisse considérer un simple ralentissement comme un cas de force majeure au sens du rescrit. Au-delà et compte tenu de la position actuelle du gouvernement qui invite, à l’exception des cas où les normes sanitaires et de sécurité ne peuvent être respectées, à une continuité de réalisation des travaux, la difficulté résidera dans le fait de devoir nécessairement apporter la preuve:

  • en cas d’arrêt de chantier, que sa poursuite était impossible dans ces conditions, 
  • en cas de reprise ou de continuité, que le retard est la conséquence du respect des mesures sanitaires imposées. 

En tout état de cause, comme cela est rappelé dans une réponse ministérielle du 13 juillet 2018, l’allongement du délai « Pinel » en présence d’un cas de force majeure tel qu’admis par l’administration fiscale dans son rescrit ne peut recevoir de caractère automatique.  Ainsi, un examen au cas par cas des circonstances et éléments de preuve sera nécessaire. 


Point Malraux :

Dans le  cadre du dispositif Malraux, seules les dépenses supportées pendant les 4 années suivant la délivrance du permis de construire ouvrent droit à la réduction d’impôt.

A la différence du dispositif Pinel, la force majeure est  d’ores et déjà prévue dans le texte pour prolonger la période d’éligibilité des dépenses (article 199 tervicies II du CGI).

Puis-je récupérer la TVA grevant l’acquisition d’un bien que je destine à la location meublée ?

L’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 17 décembre 2019 vient rappeler que, si la récupération de la TVA est possible, celle-ci reste conditionnée au respect de réalisation de services para-hôteliers dans les strictes conditions édictées par l’article 261 D 4° du CGI. La réalisation de ces services entraîne l’application du régime fiscal de la parahôtellerie distinct du régime « LMNP ».

L’article 261 D 4° du CGI permet la récupération de la TVA…

Les locations de logements nus ou meublés sont exonérées de TVA sans option possible. Ce qui exclut toute possibilité de récupération de la TVA supportée lors de l’acquisition ou de travaux.

Cette exonération n’est pas applicable aux locations meublées (occasionnelles, permanentes, saisonnières) pour lesquelles le bailleur fournit, en sus de celles-ci, au moins 3 des 4 prestations suivantes : le petit-déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture du linge de maison ou la réception, même non personnalisée, de la clientèle. 

La prestation fournie est une prestation para-hôtelière soumise obligatoirement à TVA. En contrepartie, la TVA supportée en amont pourra être déduite. 

Le bailleur qui fournit ces services relève – non plus du régime de la location meublée – mais de celui de la parahôtellerie (cf. encadré de droite).

…si les services sont exercés dans les mêmes conditions que le secteur hôtelier 

L’article 261 D 4° du CGI prévoit que ces services doivent réalisés dans des conditions similaires à ceux proposés dans le secteur hôtelier. En l’espèce, la CAA de Marseille a précisé que l’activité de la SCI bailleresse « ne pouvait être assimilée à celle d’une entreprise hôtelière » pour lui denier le droit à déduction de la TVA d’amont.

La nature de chaque prestation doit correspondre à une prestation hôtelière (ex. en l’espèce, aucune denrée alimentaire n’était prévue pour le petit-déjeuner).

Le bailleur doit disposer des moyens nécessaire pour réaliser ces services…

Selon les cas, de telles prestations peuvent être soit intégrées au prix de la location soit facturées au locataire sur option.

II est de jurisprudence constante que ces critères définis par la loi n’exigent pas que ces prestations soient effectivement fournies mais que le bailleur dispose des moyens nécessaires pour les réaliser.

La réalité de ces moyens devra être dûment justifiée en cas de demande de la part de l’administration fiscale, sous peine de requalification en loueur meublé et donc de perte de déduction de la TVA.

…et peut recourir à un exploitant pour ce faire afin de conserver le régime « LMNP »

Le bailleur peut également louer nu ou meublé des logements à un exploitant à charge pour ce dernier de louer et réaliser les services para-hôteliers auprès des locataires.

Sous certaines conditions, un tel bail conclu avec l’exploitant permettra toujours au propriétaire bailleur de récupérer la TVA supportée en amont.

En cas de location meublée à un exploitant qui réalise ces services, le bailleur peut donc cumuler statut « LMNP » (s’il ne remplit pas les conditions pour être « LMP ») et récupération de la TVA d’amont grevant l’acquisition de l’immeuble.

Brefs aspects du régime de la parahôtellerie

Les loueurs exerçant une activité parahôtelière en direct relèvent des « BIC » dans les conditions de droit commun contrairement au régime spécifique « LMNP ». Dès lors :

  • Les amortissement sont déduits sans application de la limitation de l’article 39 C du CGI applicable en «LMNP» ;
  • Cette règle de déduction des amortissements est donc en général défavorable, le déficit généré par ces amortissements non limités ne pouvant être imputé que sur un revenu de même nature pendant 6 ans ;
  • Si la parahôtellerie est exercée à titre professionnel (= participation personnelle, continue et directe de l’un des membres du foyer fiscal), le bailleur peut alors imputer l’éventuel déficit sur son revenu global et bénéficier d’un régime de faveur en cas de cession de l’immeuble ;
  • La plus-value applicable relève du régime des professionnels et non des particuliers contrairement au régime «LMNP ».


Rappels pratiques

La récupération de la TVA est conditionnée au renoncement au régime de la franchise en base et à l’option pour la TVA. L’immeuble devra être conservé et demeuré exploité par le bailleur pendant 20 ans sous peine de régularisation de la TVA initialement déduite.

Déclaration des consommations énergétiques des bâtiments à usage tertiaire : une tolérance est accordée jusqu’au 31 décembre 2022 !

En France, le secteur du bâtiment résidentiel et tertiaire représente 46 % de la consommation énergétique, constituant « un important gisement d’économies d’énergie 1». Dans la droite lignée de la stratégie nationale de réduction des consommations d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre, la loi « ELAN 2 », a créé le dispositif « Éco Énergie Tertiaire 3 » qui impose la réduction de la consommation d’énergie finale des bâtiments à usage tertiaire d’au moins 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050, par rapport à une année de référence qui ne peut être antérieure à 2010. Ce nouveau dispositif renforce les obligations de réduction de la consommation d’énergie finale des bâtiments à usage tertiaire (I), tout en prévoyant des sanctions adaptées en cas de manquement à ces obligations (II).

I. DES OBLIGATIONS RENFORCÉES DE RÉDUCTION DE LA CONSOMMATION D’ÉNERGIE POUR LES BÂTIMENTS À USAGE TERTIAIRE

Un champ d’application restreint aux bâtiments à usage tertiaire

Renforçant les obligations relatives à la réduction de la consommation d’énergie, le dispositif « Éco Énergie Tertiaire » concerne les propriétaires ou preneurs à bail de :

  • « tout bâtiment hébergeant exclusivement des activités tertiaires sur une surface de plancher supérieure ou égale à 1 000 m » ;
  • « toute partie d’un bâtiment à usage mixte qui héberge des activités tertiaires sur une surface de plancher cumulée supérieure ou égale à 1 000 m2 » ;
  • «  tout ensemble de bâtiments situés sur une même unité foncière ou sur un même site dès lors que ces bâtiments hébergent des activités tertiaires sur une surface de plancher cumulée supérieure ou égale à 1 000 m ».

Des exceptions sont toutefois prévues pour :

  • les constructions ayant donné lieu à un permis de construire à titre précaire ;
  • les bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments destinés au culte ou dans lesquels est exercée une activité opérationnelle à des fins de défense, de sécurité civile ou de sûreté intérieure du territoire.

Les obligations résultant du dispositif « Éco Énergie Tertiaire »

La mise en œuvre de ce dispositif se traduit par l’atteinte de l’un ou l’autre des objectifs suivants :

  • « soit un niveau de consommation d’énergie finale réduit, respectivement, de 40 %, 50 % et 60 % par rapport à une consommation énergétique de référence qui ne peut être antérieure à 2010  (valeur relative» ;
  • « soit un niveau de consommation d’énergie finale fixé en valeur absolue, en fonction de la consommation énergétique des bâtiments nouveaux de leur catégorie  ».

A cet égard, les mesures de réduction doivent notamment porter sur la performance énergétique des bâtiments, l’installation d’équipements performants ainsi que leur dispositif de contrôle, leurs modalités d’exploitation, l’adaptation des locaux à un « usage économe en énergie » et le comportement des occupants de l’immeuble4.

Les contraintes existantes pour certains immeubles sont prises en compte puisque des modulations sont possibles notamment en cas de contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales (par exemple, en cas de modifications importantes des façades en sites patrimoniaux remarquables)5.

II. UN CONTRÔLE STRICT SUR LA RÉDUCTION EFFECTIVE DE LA CONSOMMATION D’ÉNERGIE FINALE

L’obligation de déclaration annuelle des consommations énergétiques

Le dispositif prévoit que dès 2022, et annuellement, les consommations énergétiques de l’année précédente devront être déclarées au plus tard le 30 septembre via la plateforme OPERAT6, gérée par l’ADEME, qui présentera les données de consommation de manière anonymisée et permettra d’assurer un suivi annuel de la réduction de consommation d’énergie finale.

Report de la date d’échéance de déclaration des consommations énergétiques

Initialement, les consommations énergétiques5 des années 2020 et 2021 ainsi que l’année de référence choisie devaient être déclarées sur la plateforme OPERAT avant le 30 septembre 2022.

Toutefois, la date butoir a été repoussée au 31 décembre 2022  considérant que « cette année 2022 est une année d’apprentissage pour les assujettis » 7.

Une tolérance sera donc accordée jusqu’à la fin de l’année 2022 de sorte que de nouvelles déclarations et la modification des déclarations déjà réalisées pourront être effectuées. L’année de référence choisie pourra également être modifiée jusqu’en 2023.

Des sanctions adaptées à chaque obligation résultant du dispositif  « Éco Énergie Tertiaire »

Le code de la construction et de l’habitation prévoit des sanctions adaptées8 à chaque manquement aux obligations prévues par le dispositif « Éco Énergie Tertiaire ».

En premier lieu, si les assujettis n’ont pas déclaré leur consommation énergétique avant le 31 décembre 2022, le préfet de département pourra les mettre en demeure d’effectuer cette déclaration dans un délai de 3 mois. A défaut, il sera procédé à la publication, sur un site internet des services de l’État, du document retraçant les mises en demeure restées sans effet9.

En deuxième lieu, en cas de non-respect de l’un des deux objectifs prévus, le préfet pourra mettre en demeure les assujettis d’établir un programme d’actions respectant leurs obligations, qu’il devra approuver. A défaut de transmission de ce plan dans un délai de 6 mois, le préfet pourra prononcer une deuxième mise en demeure, puis une amende administrative allant jusqu’à 1 500 € pour les personnes physiques et jusqu’à 7 500 € pour les personnes morales.

En troisième lieu, en cas de non-respect du programme d’actions approuvé par le préfet, celui-ci pourra réaliser un constat de carence et prononcer une amende administrative dans les mêmes conditions que celles susmentionnées.

Quelques précisions

Présentation du dispositif « Éco Énergie Tertiaire » sur le site de la préfecture de la Dordogne.

2 Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.

Codifié à l’article L. 174-1 du code de la construction et de l’habitation.

4 Article R. 174-23 CCH.

5 Des modulations sont également possibles dans le cas d’un changement de l’activité exercée ou du volume de cette activité ainsi que dans le cas de coûts manifestement disproportionnés des actions par rapport aux avantages attendus en termes de consommation d’énergie finale (Art. L. 174-1 CCH).

6 Arrêté du 10 avril 2020 relatif aux obligations d’actions de réduction des consommations d’énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire.

Notons que « La consommation d’énergie liée à la recharge de tout véhicule électrique et hybride rechargeable est déduite de la consommation énergétique du bâtiment et n’entre pas dans la consommation de référence. »

7 Communiqué de presse du 22 septembre 2022, ministère de la Transition Écologique et ministère de la Transition Énergétique.

8 Article R. 185-2 CCH.

9 Principe du « Name and Shame ».

Point de vigilance : Les actions de réduction de la consommation énergétique ne peuvent conduire ni à une augmentation du recours aux énergies non renouvelables, ni à une augmentation des émissions de gaz à effet de serre (art L. 174-1 CCH).

Abréviations

CCH : code de la construction et de l’habitation

OPERAT : Observatoire de la Performance Énergétique de la Rénovation et des Actions du Tertiaire

ADEME : Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie 

Arrêt des chantiers dû au COVID-19 : la force majeure est-elle applicable ?

Alors que le Président de la République appelle tous les Français au civisme en restant chez eux et en télé-travaillant, les entreprises du bâtiment arrêtent les chantiers pour lutter contre la propagation du virus. 

L’arrêt des chantiers peut conduire au dépassement du délai contractuel de réalisation des travaux qui entraîne la mise en jeu de pénalités de retard prévues, au bénéfice du maître de l’ouvrage, il en sera autrement en cas de force majeure.

Définition de la force majeure 

L’article 1218 du Code Civil définit la force majeure comme un « événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.»

Les critères d’imprévisibilité et d’irrésistibilité sont appréciés au cas par cas par les juges du fond.

Les circonstances exceptionnelles caractérisant la force majeure

Par le passé, les épidémies de la peste, la grippe H1N1, le chikungunya ou la dengue, n’ont pas été qualifiées en tant que telles de force majeure par les juges du fond.

On peut penser qu’il en sera de même pour la pandémie de COVID-19. 

Invoquer la pandémie sans autre circonstance ne sera pas de nature à caractériser la force majeure. Il faudra démontrer en quoi la pandémie a créé des circonstances exceptionnelles ne permettant pas la bonne exécution du contrat. 

Une première décision a été rendue en ce sens en droit des étrangers (CA Colmar, 12 mars 2020, n°20/01098 – impossibilité de respecter les mesures sanitaires justifiant l’application de la force majeure).

L’imprévisibilité semble acquise lorsqu’au moment de la signature du contrat, l’événement n’était pas connu dans son ampleur.

Elle semble donc admise pour la majorité des marchés travaux à l’exception de ceux conclus récemment. L’appréciation des juges du fond est attendue.  

L’irrésistibilité de l’évènement semble acquise lorsque la situation ne permet pas d’exécuter ses obligations contractuelles par tout moyen. Il ne suffira donc pas de prétendre ne pas avoir pu exécuter ses obligations selon les modalités et le mode opératoire prévus à la signature du contrat. Il devra être démontré que le contrat n’a pas pu être exécuté différemment (avec l’accord du maître de l’ouvrage) tout en respectant les mesures sanitaires imposées : distanciation sociale des travailleurs ou équipement de protection (port de masque), moyen de transport individuel, matériel de décontamination (gel hydroalcoolique et lingettes désinfectantes pour les surfaces), pas de coactivité dans un espace confiné

Ces nouvelles mesures sanitaires, auxquelles s’ajoutent les difficultés d’approvisionnement, ne permettent pas la poursuite de tous les chantiers. 

Evidemment, si l’entreprise travaux poursuit son activité mais que les mesures, qui lui sont imposées, retardent le délai d’achèvement, l’irrésistibilité serait caractérisée. 


La position actuelle des organismes professionnels du bâtiment et de l’Etat 

L’organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP) a édité un plan de continuité des activités. Il s’agit d’un guide des bonnes pratiques, précisant toute « une série de recommandations pour assurer des conditions sanitaires satisfaisantes sur les chantiers »

Le Gouvernement « invite les donneurs d’ordre et entreprises à ne pas rechercher la responsabilité contractuelle des entreprises (…) ».

De son côté, la Fédération Française du Bâtiment a publié le 27 mars 2020 « COVID-19 Quelles conséquences juridiques et quelles solutions dans les relations avec le maître d’ouvrage (…), l’entreprise principale, l’assureur… ».

Quelle sera la date d’appréciation du caractère  d’imprévisibilité ? 

L’OMS a déclaré l’urgence de santé mondiale le 30 janvier 2020, l’épidémie de COVID-19 n’étant alors cantonnée qu’en Chine.

Le gouvernement français n’a pris de mesures contraignantes qu’à partir du 14 mars 2020.

Le juge devra retenir une date pour déterminer le caractère de l’imprévisibilité qui se situera vraisemblablement entre ces deux dates.