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Projet portant sur un ERP dit « coquille vide » : un risque d’illégalité pèse sur le permis de construire délivré.

La vigilance est de mise lors de la délivrance d’un permis de construire portant sur un établissement recevant du public (ERP) dont l’aménagement intérieur n’est pas connu à ce stade. Faisant une application stricte de l’article L. 425-3 du code de l’urbanisme,  le Conseil d’Etat juge que l’autorité compétente « ne peut légalement délivrer le permis sans mentionner expressément l’obligation de demander et d’obtenir une autorisation complémentaire avant l’ouverture au public ». Ce principe fait courir un double risque : sont illégaux, tout à la fois, le PC délivré de manière tacite sur un tel projet et l’arrêté de PC qui ne mentionnerait pas expressément l’obligation qui pèse sur le demandeur de recueillir l’autorisation prévue par l’article L. 111-8 du code de la construction et de l’habitation avant l’ouverture de l’ERP.

I. PERMIS DE CONSTRUIRE ET AUTORISATION DE TRAVAUX SUR UN ERP : UNE SIMPLIFICATION MANQUÉE

Autorisation de travaux sur un ERP et permis de construire : l’unicité de la demande


Dans une volonté de simplification des autorisations d’urbanisme, l’exécutif a souhaité, par une première ordonnance du 8 décembre 2005, que le permis de construire tienne lieu de l’autorisation prévue au titre de l’article L. 111-8 du CCH exigée pour les travaux d’aménagement des ERP, dès lors que le projet relève de son champ d’application (article L. 425-3 du code de l’urbanisme).

Prenant acte des difficultés pratiques rencontrées lorsque l’aménagement de l’ERP n’est pas connu lors du dépôt du permis de construire valant désormais autorisation unique, une seconde ordonnance du 22 décembre 2011 est venue préciser que la délivrance du permis de construire est possible, dans cette hypothèse, à condition que «  le permis de construire indique qu’une autorisation complémentaire au titre de l’article L. 111-8 du code de la construction et de l’habitation devra être demandée et obtenue en ce qui concerne l’aménagement intérieur du bâtiment ou de la partie de bâtiment concernée avant son ouverture au public ». 

L’échec du « deux-en-un » sur les ERP « coquilles vides »

La rédaction actuelle de l’article L. 425-3 du code de l’urbanisme permet de tirer la conclusion suivante : le PC autorise l’ERP mais ne vaut pas autorisation unique au titre de l’article L. 111-8 du CCH si l’aménagement de l’ERP sur lequel il porte n’est pas connu par le demandeur. Il faudra, dans ce cas de figure déposer une autorisation ultérieure auprès de l’autorité compétente pour les travaux relatifs à l’aménagement de l’ERP.

Le Conseil d’Etat a été saisi de cette question dans une affaire portant sur un permis de construire délivré en 2014 par la ville de Paris sur un ERP « coquille vide » qui ne mentionnait pas le dispositif précité malgré la présence du volet ERP dans le dossier. La Haute juridiction a appliqué littéralement l’article L. 425-3 du code de l’urbanisme. L’arrêté de PC doit, dans ce cas de figure, mentionner dans son dispositif (et non au rang des visas) « l’obligation de demander et d’obtenir une autorisation complémentaire avant l’ouverture au public » (CE, 23 mai 2018, req. n° 405937, Tab. Leb. ; ccl. Charles Touboul).

II. COMMENT SÉCURISER LES AUTORISATIONS D’URBANISME À CET ÉGARD ?


Intégrer au suivi de l’opération un rétro-planning du délai d’instruction du PC

Puisque l’arrêté de permis de construire doit expressément mentionner dans son dispositif « l’obligation de demander et d’obtenir une autorisation complémentaire avant l’ouverture au public », le permis de construire portant sur un ERP « coquille vide » ne peut être délivré de manière tacite, c’est-à-dire à défaut de notification de l’arrêté par l’autorité compétente à l’échéance du délai d’instruction. 

Les opérateurs gagneraient donc à prévoir un rétro-planning du délai d’instruction -qui est en principe de 5 mois pour une telle demande (art. R. 423-28 b) C. Urb.)- afin de solliciter, au plus tard 15 jours avant l’échéance du délai d’instruction, la prise d’un arrêté comportant la mention expresse requise au sein du dispositif. 

Attention ! Lorsqu’une demande de pièces complémentaires a été notifiée au demandeur, le délai d’instruction commence à courir à partir du moment où le dossier de PC intègre l’ensemble des éléments requis (art. R. 423-38 et R. 423-39 du C. Urb.), ce qui peut avoir pour effet de rallonger le rétro-planning fixé à compter de la date de dépôt de la demande de PC.

Solliciter un arrêté de PC rectificatif ou un PC modificatif

A l’aune de la jurisprudence commentée, le « Graal » que peut représenter l’arrêté de permis de construire est susceptible de se transformer en bombe à retardement en cas de contentieux. Hélas, l’arrêté de PC portant sur un ERP « coquille vide » omet parfois de mentionner « l’obligation de demander et d’obtenir une autorisation complémentaire avant l’ouverture au public ». Or cette omission rend le permis de construire illégal. 

Des solutions existent. Les conclusions de Charles Touboul, rapporteur public de l’arrêt du Conseil d’Etat (préc. CE, 23 mai 2018, req. n° 405937), indiquent clairement que « cette omission est régularisable », à la fois en application de l’arrêt SCI La Fontaine de Villiers (CE, 2 février 2004, req. n° 238315, Tab. Leb.) mais également, en cours d’instance, au titre de l’article L. 600-5-1 du C. Urb. 

Partant, dans une telle hypothèse, deux solutions se présentent au titulaire : 

  • solliciter un arrêté de PC rectificatif avant la fin du délai d’instruction ; 
  • déposer un PC modificatif ayant pour objet d’inscrire la mention requise dans l’arrêté.

Article L. 425-3 du code de l’urbanisme 


« Lorsque le projet porte sur un ERP, le permis de construire tient lieu de l’autorisation prévue par l’article L. 111-8 du code de la construction et de l’habitation dès lors que la décision a fait l’objet d’un accord de l’autorité administrative compétente qui peut imposer des prescriptions relatives à l’exploitation des bâtiments en application de l’article L. 123-2 du CCH. Le permis de construire mentionne ces prescriptions. Toutefois, lorsque l’aménagement intérieur d’un ERP ou d’une partie de celui-ci n’est pas connu lors du dépôt d’une demande de permis de construire, le permis de construire indique qu’une autorisation complémentaire au titre de l’article L. 111-8 du CCH devra être demandée et obtenue en ce qui concerne l’aménagement intérieur du bâtiment ou de la partie de bâtiment concernée avant son ouverture au public. »

Un permis de construire sur ERP « coquille vide » n’est pas exempté du volet ERP (PC39 et PC40)


Bien que l’aménagement intérieur de l’ERP ne soit pas connu par le demandeur du permis de construire, l’article R. 431-30 du C. Urb. reste applicable, de sorte que le permis de construire doit comporter les pièces spécifiques suivantes : 

  • pièces mentionnées aux articles R. 111-19-18 et R. 111-19-19 du CCH (PC39) ;
  • pièces mentionnées à l’article R. 123-22 du CCH (PC40).

Lexique


ERP : établissement recevant du public
PC : permis de construire
CCH : code de la construction et de l’habitation

Sociétés : dématérialiser = simplicité + sécurité

Que ce soit à titre patrimonial ou professionnel, l’intérêt du recours à la forme sociétaire n’est plus à démontrer. Mais, une fois la société constituée, il est fréquent que les participants en oublient, parfois durablement, les sujétions : absence d’assemblée générale, décisions prises par le seul dirigeant, statuts pas à jour, etc. Autant d’omissions qui peuvent être difficiles à rattraper le jour où c’est nécessaire, coûter cher et créer ou nourrir des conflits entre associés.

Or, l’évolution réglementaire récente autorise largement le recours à des procédés dématérialisés, que ce soit dans le fonctionnement de la société ou dans la conservation des documents sociaux. Le recours à ces moyens permet de conjuguer simplicité et sécurité.

LA VIE SOCIALE, UN LONG FLEUVE PAS SI TRANQUILLE

Les contraintes

  • Approbation des comptes annuels par les associés, quitus au dirigeant, respect du droit d’information des associés,
  • Approbation par les associés de certains actes :
             – qui dépassent les pouvoirs légaux ou statutaires du dirigeant,
             – qui créent un risque de conflit d’intérêt au détriment de la société (conventions passées entre la société et son dirigeant : bail, rémunération…)
  • Respect d’un formalisme obligatoire (convocations, tenue des assemblées générales, procès-verbaux…),
  • Conservation des documents sociaux selon les formes prescrites par la réglementation.

Les risques

  • Risque quant à la validité des décisions prises par la société ou son dirigeant,
  • Responsabilité du dirigeant :
            – Faute de gestion, constituée par le défaut de consultation des associés,
            – Le dirigeant peut être tenu personnellement responsable des conséquences financières des conventions qui le lient à la société si celles-ci n’ont pas été régulièrement approuvées,
  • Insécurité à l’égard des tiers,
  • Risque en cas de contrôle de l’administration fiscale.

DÉMATÉRIALISER LE JURIDIQUE POUR FACILITER ET SÉCURISER LA GESTION

Un progrès bienvenu

Progressivement intégré par le législateur, le recours aux nouvelles technologies est désormais largement reconnu et autorisé, tout en étant encadré par les normes de sécurité informatique.

Les actes dématérialisés peuvent donc avoir la même valeur juridique que sous format papier.

En facilitant le respect des contraintes inhérentes à la forme sociétaire, le bénéfice du recours à ces procédés est double :

  • Simplifier le fonctionnement de la société, tout en respectant les obligations légales et statutaires et les droits des associés,
  • Protéger la responsabilité du dirigeant et des associés, tant en ce qui concerne la gestion sociale que les relations avec les tiers.

Les nouvelles possibilités

Ainsi, à condition que les statuts l’autorisent, sont généralement possibles :

  • La convocation des associés par courrier électronique,
  • La participation des associés aux assemblées générales par visio-conférence ou par tout moyen de communication permettant son identification,
  • Le vote électronique en assemblée générale,
  • Le procès-verbal dressé, signé et certifié sous forme électronique,
  • La dématérialisation des registres obligatoires (décisions des associés et des administrateurs, registres de mouvements de titres, etc.) (décret 2019-118 du 31 octobre 2019).

Notre expérience

Depuis plus de vingt ans, Rivière|Avocats|Associés conseille les acteurs de l’immobilier.

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Notre expertise en droit immobilier, en droit fiscal et des sociétés, ainsi que notre connaissance des métiers de l’immobilier (neuf comme ancien) garantissent à nos clients une réponse parfaitement adaptée à leurs besoins.

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L’engagement de l’Etat en faveur de la restauration immobilière !

Les commentaires de l’administration fiscale suite à l’élargissement du dispositif Denormandie par la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 ont été publiés le 27 août 2020. 

Le Bofip prend acte de la prorogation du régime Denormandie pour les acquisitions jusqu’au 31 décembre 2022 ; de la suppression de la notion de « cœur de ville » (précédent bulletin) et de l’extension des travaux éligibles (précédent bulletin). 

Il lève notamment une imprécision : la création de surface habitable fait partie des travaux éligibles sans limitation. Il fait également désormais référence au site internet recensant les « ORT » signées.  

LA CRÉATION DE SURFACES NOUVELLES ÉLIGIBLE SANS LIMITES

L’article 162 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a modifié le 5° du B du I de l’article 199 novovicies du Code général des impôts relatif au dispositif Denormandie en remplaçant le terme « travaux de rénovation », désignant les travaux éligibles, par le terme « travaux d’amélioration ».

Le décret n°2020-426 du 10 avril 2020 publié au journal officiel le 15 avril 2020 a défini ces travaux d’amélioration. Notre précédent bulletin pointait néanmoins le manque de précision quant à l’éligibilité des dépenses de création de surfaces habitables qui devait être levé lors de la publication des commentaires de l’administration fiscale. 

C’est chose faite : la doctrine administrative, en reprenant littéralement dans ses commentaires les termes du décret soit « tous travaux (…) ayant pour objet la création de surfaces habitables nouvelles » , ne pose plus aucune limite à la possibilité de création de surfaces habitables nouvelle. Par conséquent, si les travaux de démolition totale pour reconstruction sont exclus (réponse ministérielle du 31 Mars 2020), les travaux de surélévation, d’addition de construction augmentant la surface habitable sont eux, éligibles au dispositif. 

Ce qui peut paraître une position surprenante pour un dispositif de « rénovation » est néanmoins en totale cohérence avec l’objectif du gouvernement de redynamiser les villes, tout en évitant l’étalement urbain. Le régime Denormandie est à la fois un outil de rénovation mais également  d’adaptation du bâti existant. 

LISTE DES COMMUNES ÉLIGIBLES À LA RÉDUCTION D’IMPÔT SANS RESTRICTION

Conformément à la loi de finances, la doctrine administrative supprime les références à la notion de « centre des communes » pour faire référence plus largement aux logements situés dans les communes :

  • dont le besoin de réhabilitation de l’habitat en centre-ville est particulièrement marqué ;
  • ou ayant conclu une convention d’opération de revitalisation de territoire (« ORT »).

Sur cette dernière notion, la doctrine fait désormais explicitement référence au site internet du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales (https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/sites/default/files/2020-05/Liste_operations_revitalisation_territoire_signees.pdf) qui recense les ORT signées (236 communes recensées au 16 mars 2020).
 

Ces conventions précisent la période d’éligibilité à la réduction d’impôt « Denormandie ancien » au sein de la commune concernée, période qui débute à la date de signature de la convention et qui prend fin au terme fixé par la convention, ou, en toute hypothèse, au plus tard jusqu’au 31 décembre 2022.

Enfin, la réduction d’impôt s’applique aux logements situés sur l’ensemble de la commune (et non seulement dans son centre) ayant conclu une convention ORT, indépendamment du périmètre d’application de la convention ORT.

A noter

La suppression de la notion de cœur de ville n’est pas rétroactive. 
Les investissements réalisés en 2019 bénéficient de la réduction d’impôt s’ils sont situés dans le centre des communes. 

Location meublée et réinvestissement économique en matière d’apport-cession

Le Conseil d’État, par sa décision n°442946 du 19 avril 2022, apporte de nouvelles précisions sur les conditions dans lesquelles la location meublée peut être considérée comme une activité économique au sens du régime du sursis d’imposition des plus-values (CGI, art. 150-0 B). Cette décision, bien que rendue sous l’empire du régime de l’article 150-0 B du CGI, nous paraît transposable au régime du report d’imposition de l’article 150-0 B ter du CGI.  

 L’exigence d’un réinvestissement économique

L’article 150-0 B du CGI permet de mettre en sursis d’imposition la plus-value générée par l’apport de titres d’une société à une autre société (non contrôlée par l’apporteur) soumise à l’impôt sur les sociétés (IS). La jurisprudence considère que la cession, par la société bénéficiaire de l’apport, des titres apportés est de nature à remettre en cause le sursis d’imposition pour abus de droit, sauf en cas de réinvestissement du produit de cession dans une « activité économique ». L’article 150-0 B ter, en vigueur à compter du 1er janvier 2013, est venu créer le régime du report d’imposition, applicable lors de l’apport de titres à une société contrôlée par l’apporteur. Ce dernier régime prévoit, explicitement cette fois, la possibilité de maintien du report d’imposition en cas de cession des titres apportés, à la condition que le produit de cession soit réinvesti, à bref délai et dans une proportion significative, dans des activités économiques (à l’exception expresse des activités de gestion par la société de son propre patrimoine mobilier ou immobilier).  

Le réinvestissement dans la location meublée n’est pas un réinvestissement « économique » …

Si l’activité de location meublée est considérée comme commerciale au sens des articles 34 et 35 du CGI, le Comité de l’abus de droit fiscal avait déjà exclu cette activité du champ de l’article 150-0 B du CGI, en considérant qu’elle n’était pas éligible au réinvestissement économique (Avis CADF 2012-51 et 2016-10). Le régime de l’article 150-0 B ter prévoit quant à lui que les « activités de gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier sont exclues du bénéfice » de la dérogation. Le BOFiP (BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60 §310) précise cette exclusion en indiquant que l’acquisition de biens destinés à la location, qu’elle soit nue ou meublée, revêt un caractère patrimonial non-éligible au remploi. Le Conseil d’État confirme donc cette interprétation en exposant qu’en principe, « une activité de loueur en meublé ne peut être regardée comme un investissement à caractère économique ».  

… sauf dans deux hypothèses qui restent à préciser

Dans la décision commentée, le Conseil d’État nuance toutefois sa position en admettant deux exceptions : -Le réinvestissement dans une « activité de location meublée effectuée par le propriétaire dans des conditions le conduisant à fournir une prestation d’hébergement », qui paraît correspondre à la location assortie de services para hôteliers ; -Le réinvestissement dans une activité qui implique pour le propriétaire de l’activité de loueur en meublé, « alors qu’il en assure directement la gestion, la mise en œuvre d’importants moyens matériels et humains ». De nombreuses interrogations pratiques subsistent pour autant. La « prestation d’hébergement » évoquée par le Conseil d’État correspond-elle bien au régime de la para-hôtellerie prévu par l’article 261 D 4° du CGI ? Les conditions seront-elles identiques à celles régissant l’assujettissement à TVA des loyers ? Une telle prestation pourrait-elle être sous-traitée à un gestionnaire, même si le propriétaire en assume les risques ? S’agissant de la deuxième hypothèse, le choix de la Haute juridiction de ne pas se référer à la location meublée « professionnelle » (telle que résultant de l’article 155 IV du CGI) semble créer une nouvelle notion d’une location meublée « économique », impliquant pour celui qui exerce l’activité qu’il mette en œuvre des moyens qualifiés « d’importants ». Or, que sont ces moyens ? Impliquent-ils le recours à des salariés, même si l’associé s’investit personnellement dans l’activité ? Faut-il que l’activité porte sur plusieurs immeubles ? Ces questions en suspens sont autant d’incertitudes pour le chef d’entreprise qui cherche à réinvestir sereinement le fruit de son travail.  

Demande de rescrit général

En l’absence de précisions suffisantes sur les modalités d’exploitation des activités locatives éligibles, il est vivement recommandé aux chefs d’entreprise concernés de sécuriser leur opération au moyen d’un rescrit afin d’obtenir une prise de position formelle de l’administration fiscale.  

Location meublée et régime du pacte Dutreil

Le bénéfice du régime du pacte Dutreil est également soumis à une condition d’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale (i.e. une activité économique), à l’exclusion des activités de gestion par une société de son propre patrimoine immobilier (cf. notre précédent bulletin sur le sujet). Au titre de ces dernières activités non-éligibles, le BOFiP mentionne les activités de location de locaux meublés à usage d’habitation. Il ne prend toutefois pas position quant à l’activité para-hôtelière ; celle-ci, commerciale par nature, devrait donc être éligible. Pour autant, la doctrine administrative mentionne la nécessité qu’ « une véritable entreprise » soit transmise, ce qui suppose donc l’existence de moyens matériels et humains. Ne serait-ce donc pas là le pendant de la nécessité de « la mise en œuvre d’importants moyens matériels et humains » évoquée par le Conseil d’Etat dans la décision ici commentée ?

Prorogation et élargissement du dispositif Denormandie

L’amendement N°II-2852 au PLF 2020 proroge la durée du dispositif Denormandie jusqu’en 2022 et élargit son champ d’application à l’ensemble du territoire des communes éligibles et non-plus seulement à leur centre-ville. 

LA RESTRICTION DU DISPOSITIF AUX CENTRES VILLES : UNE EXIGENCE SUPPRIMÉE

Le dispositif Denormandie souffrait dès l’origine d’une imprécision gênant son efficacité.

L’amendement adopté supprime une double définition compliqué et étend le dispositif à l’ensemble du territoire des communes concernées pour les opérations engagées dès le 1er janvier 2020. 

Désormais sont concernés les « logements situés dans les communes dont le besoin de réhabilitation de l’habitat en centre-ville est particulièrement marqué ou qui ont conclu une convention d’opération de revitalisation de territoire. »

A l’origine, le dispositif était réservé aux logements situés « dans le centre des communes » défini comme « les zones de bâti continu de la commune » qui « ne connaissent pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions ».

Les doutes étaient nombreux quant à la délimitation potentiellement extensive et indéfinie de la définition paradoxale proposée par le texte lui-même de la notion de « centre ».

LA PROROGATION DU DISPOSITIF JUSQU’AU 31 DÉCEMBRE 2022

Le dispositif était prévu pour les acquisitions entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021. 

L’amendement adopté proroge le dispositif pour une année supplémentaire. 

La durée nécessaire au développement de tout projet immobilier est importante, elle l’est d’autant plus quand ces projets comprennent une proportion importante de travaux (établissement de projets d’aménagements par les architectes, obtention et purge des autorisations d’urbanismes, appel d’offre des entreprises travaux…).

Cette prorogation de délai, bien qu’insuffisante, est évidemment bienvenue pour renforcer le dispositif phare du gouvernement (cf bulletin – L’engagement de l’Etat en faveur de la restauration immobilière !).

Elargissement du dispositif Denormandie : l’administration fiscale publie ses commentaires

Les commentaires de l’administration fiscale suite à l’élargissement du dispositif Denormandie par la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 ont été publiés le 27 août 2020. 

Le Bofip prend acte de la prorogation du régime Denormandie pour les acquisitions jusqu’au 31 décembre 2022 ; de la suppression de la notion de « cœur de ville » (précédent bulletin) et de l’extension des travaux éligibles (précédent bulletin). 

Il lève notamment une imprécision : la création de surface habitable fait partie des travaux éligibles sans limitation. Il fait également désormais référence au site internet recensant les « ORT » signées.  

LA CRÉATION DE SURFACES NOUVELLES ÉLIGIBLE SANS LIMITES

L’article 162 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a modifié le 5° du B du I de l’article 199 novovicies du Code général des impôts relatif au dispositif Denormandie en remplaçant le terme « travaux de rénovation », désignant les travaux éligibles, par le terme « travaux d’amélioration ».

Le décret n°2020-426 du 10 avril 2020 publié au journal officiel le 15 avril 2020 a défini ces travaux d’amélioration. Notre précédent bulletin pointait néanmoins le manque de précision quant à l’éligibilité des dépenses de création de surfaces habitables qui devait être levé lors de la publication des commentaires de l’administration fiscale. 

C’est chose faite : la doctrine administrative, en reprenant littéralement dans ses commentaires les termes du décret soit « tous travaux (…) ayant pour objet la création de surfaces habitables nouvelles » , ne pose plus aucune limite à la possibilité de création de surfaces habitables nouvelle. Par conséquent, si les travaux de démolition totale pour reconstruction sont exclus (réponse ministérielle du 31 Mars 2020), les travaux de surélévation, d’addition de construction augmentant la surface habitable sont eux, éligibles au dispositif. 

Ce qui peut paraître une position surprenante pour un dispositif de « rénovation » est néanmoins en totale cohérence avec l’objectif du gouvernement de redynamiser les villes, tout en évitant l’étalement urbain. Le régime Denormandie est à la fois un outil de rénovation mais également  d’adaptation du bâti existant. 

LISTE DES COMMUNES ÉLIGIBLES À LA RÉDUCTION D’IMPÔT SANS RESTRICTION

Conformément à la loi de finances, la doctrine administrative supprime les références à la notion de « centre des communes » pour faire référence plus largement aux logements situés dans les communes :

  • dont le besoin de réhabilitation de l’habitat en centre-ville est particulièrement marqué ;
  • ou ayant conclu une convention d’opération de revitalisation de territoire (« ORT »).

Sur cette dernière notion, la doctrine fait désormais explicitement référence au site internet du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales (https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/sites/default/files/2020-05/Liste_operations_revitalisation_territoire_signees.pdf) qui recense les ORT signées (236 communes recensées au 16 mars 2020).
 

Ces conventions précisent la période d’éligibilité à la réduction d’impôt « Denormandie ancien » au sein de la commune concernée, période qui débute à la date de signature de la convention et qui prend fin au terme fixé par la convention, ou, en toute hypothèse, au plus tard jusqu’au 31 décembre 2022.

Enfin, la réduction d’impôt s’applique aux logements situés sur l’ensemble de la commune (et non seulement dans son centre) ayant conclu une convention ORT, indépendamment du périmètre d’application de la convention ORT.

A noter

La suppression de la notion de cœur de ville n’est pas rétroactive. 
Les investissements réalisés en 2019 bénéficient de la réduction d’impôt s’ils sont situés dans le centre des communes. 

L’assouplissement des critères de soumission des projets de construction et des opérations d’aménagement à évaluation environnementale systématique : un projet de décret réserve l’obligation aux espaces non artificialisés

I. L’ASSOUPLISSEMENT DES CRITÈRES CONDUISANT À LA RÉALISATION D’UNE ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE OBLIGATOIRE POUR LES PERMIS DE CONSTRUIRE ET D’AMÉNAGER

L’intégration du critère d’ « espace non artificialisé »


Depuis le décret du 4 juin 2018[1], les projets de travaux et de construction et les opérations d’aménagement[2] doivent systématiquement faire l’objet d’une évaluation environnementale dès lors que leur surface de plancher ou leur emprise au sol excède 40 000 m2, quelle que soit la nature de leur secteur d’implantation.

Le projet de décret vient prévoir que seuls seront obligatoirement soumis à évaluation environnementale les projets de travaux ou les opérations d’aménagement emportant au moins 40 000 m2 d’emprise au sol dans un espace non artificialisé, c’est-à-dire autre que :

-les zones urbaines des PLU[3] visées par l’article R. 151-18 du code de l’urbanisme [i.e. les zones dans lesquelles ne peuvent être classés que les secteurs déjà urbanisés et ceux où les équipements publics ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter] ;

-les parties urbanisées[4] des communes au sens de l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme en l’absence de PLU.

La suppression du critère de la surface de plancher


Le projet de décret prévoit ainsi de supprimer le critère de la surface de plancher afin d’ériger comme seul critère pertinent pour la soumission des projets à évaluation environnementale à titre systématique, celui de l’emprise au sol (v. notre schéma), sans toutefois modifier le seuil de soumission ( ⩾ 40 000 m2).


Si l’exigence de prise en compte des incidences sur l’environnement apparaît préservée s’agissant des projets portés dans les secteurs situés en périphérie des agglomérations, s’inscrivant ainsi dans la lutte contre l’étalement de l’urbanisation (objectif zéro artificialisation nette du territoire[5]), elle sera en revanche amoindrie dans les zones urbanisées des communes.

En cas d’adoption de ce projet de décret, un permis de construire portant sur la réalisation d’un projet emportant la création de 40 000 m2 de surface de plancher ou d’emprise au sol en zone urbaine n’aura pas obligatoirement à être soumis à évaluation environnementale.

II. ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE OBLIGATOIRE OU EXAMEN AU CAS PAR CAS ? [6]


Travaux et constructions

Opérations d’aménagement

Rappel

[1] La rubrique 39 du tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l’environnement avait connu une évolution notable à la suite de la parution du décret du 4 juin 2018, qui avait clarifié les seuils de soumission des projets de travaux, de constructions et des opérations d’aménagement à l’évaluation environnementale (cf. notre bulletin du 18/07/2018).

Schéma

Précisions

[2] Visées à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme.

[3] PLU = plans locaux d’urbanisme

[4] Leur qualification est sujette à interprétation par les juges du fond.

[5]  Instruction du 29 juillet 2019 relative à l’engagement de l’Etat en faveur d’une gestion économe de l’espace.

[6] Les critères de soumission des projets à un examen au cas par cas ne sont pas modifiés par le projet de décret.

La fin du Pinel pour les logements individuels

Le dispositif Pinel (CGI, art. 199 novovicies I A) permet aux propriétaires de bénéficier, sous certaines conditions, d’une réduction d’impôt dès lors qu’ils acquièrent un logement situé dans une zone géographique définie, prennent un engagement de location nue à usage d’habitation principale et respectent des plafonds de ressources du locataire et de loyer. La loi de finances pour 2020 est venue circonscrire le champ d’application du dispositif aux seuls logements situés dans un bâtiment d’habitation collectif (« BHC ») à compter du 1er janvier 2021.

RESTRICTION DU PINEL AUX SEULS BÂTIMENTS D’HABITATION COLLECTIF

Le nouveau champ d’application

L’article 161 de la LF pour 2020 est venu limiter le dispositif Pinel aux seuls logements situés dans un bâtiment d’habitation collectif (CGI, art. 199 novovicies I A modifié), excluant ainsi les logements individuels. 

L’avantage fiscal n’est donc pas modifié pour les logements compris dans un bâtiment d’habitation collectif.

Ces nouvelles dispositions s’appliquent aux investissements réalisés à compter du 1er janvier 2021 étant précisé que la date de réalisation de l’investissement à retenir est : 

  • La date du dépôt de la demande du permis de construire pour la construction d’un logement par le contribuable (i.e le contribuable contracte directement avec des entreprises ou un contrat de construction de maison individuelle);
  • La date de signature de l’acte authentique d’acquisition pour les autres investissements (acquisition en VEFA, d’un logement à réhabiliter ou transformer, acquisition logement neuf).

Difficultés pour définir le « BHC »

Ce recentrage a pour objectif de lutter contre l’artificialisation des sols, l’étalement urbain et les constructions diffuses. 

Le rapporteur de la loi de finance avait évoqué l’objectif de concentration du dispositif sur la construction d’immeubles permettant d’accueillir des logements plus nombreux.

Seulement, lors des débats parlementaires, il n’a pas été précisé ce que recouvrait la notion de « bâtiments d’habitation collectifs ».

Si certains députés ont soulevé la question de la possibilité de construire des maisons groupées, il n’y a pas été répondu de sorte qu’il existe un doute sur ce dernier point, notamment dans les opérations mixtes comprenant la construction d’un bâtiment collectif et de maisons individuelles (accolées ou non).  

LA DÉLICATE DÉFINITION DE LA NOTION DE « BÂTIMENT D’HABITATION COLLECTIF »

Les éléments de définition existants

En droit de la construction, il semble que le critère retenu pour définir un « BHC » est celui de la superposition de plus de deux logements distincts (cf. art. R. 111-18 du CCH).

A contrario, constitue une maison individuelle un bâtiment d’habitation comprenant au plus deux logements superposés comprenant une porte d’entrée commune (cf. dispositions de la RT 20122).

Pour sa part, l’administration fiscale a également pu définir :

  • en matière de taxe foncière : un immeuble collectif comme n’étant pas une suite de maisons individuelles contiguës, séparées par des murs mitoyens allant des fondations au faîte et disposant notamment de dépendances non bâties distinctes. » (BOI-IF-TFB-20-10-20-20-20121210 §50) ; 
  • en matière de PV immobilière : un logement collectif dès lors qu’il comprend plus de deux logements destinés au même maître d’ouvrage (BOI-RFPI-PVI-20-20 §300 renvoyant à l’article L.231-1 du CCH sur ce point).

En pratique

Pour être caractérisé de « collectif », il apparaît que le bâtiment d’habitation doit a minima comprendre plus de deux logements. 

En revanche, le critère de la superposition verticale de logements pourrait ne pas être retenu par l’administration fiscale et des logements alignés horizontalement dans une construction se présentant – structurellement – comme un seul et même bâtiment pourrait être qualifié de BHC.

Ainsi, à notre sens, pourraient être qualifiés de BHC :

  • les immeubles comprenant plus de deux logements superposés verticalement ou alignés horizontalement, caractérisés par une unité de structure (toiture, fondation, etc.) ;

En revanche, pour l’heure, pourraient ne pas être qualifiés de BHC :

  • des maisons individuelles accolées en bande ne constituant pas un seul et même bâtiment ;
  • les constructions ne comprenant pas plus de deux logements. 

Une modification applicable à compter de 2021

Ainsi, en cas de commercialisation de logements individuels en VEFA, il est nécessaire que les actes authentiques soient signés avant la fin de l’année 2020, pour pouvoir être éligibles à l’avantage fiscal Pinel


Quelques précisions

  1. La condition de desserte des logements superposés par des parties communes bâties – qui faisait partie des critères de définition du BHC – a été supprimée par le décret no 2015-1170 du 24 décembre 2015.
  2. Arrêté du 26 octobre 2010 relatif aux caractéristiques thermiques et aux exigences de performance énergétique des bâtiments nouveaux et des parties nouvelles de bâtiments 

Appréciation de la covisibilité d’un projet avec un Monument Historique : l’acuité visuelle devient la seule limite

Dans une décision récente, le Conseil d’Etat précise l’appréciation de la covisibilité d’un projet situé en abord de Monument Historique, laquelle n’est pas circonscrite au périmètre de 500 mètres autour de ce Monument Historique et peut s’effectuer depuis tout point accessible au public, à condition que l’œil nu le permette (CE, 5 juin 2020, req. n° 431994, Tab. Leb.). Or, l’appréciation de la covisibilité repose sur l’architecte des Bâtiments de France (ABF) et conditionne la prise d’un avis simple ou d’un avis conforme (accord). Cette décision présente-t-elle un risque supplémentaire pour la régularité des autorisations d’urbanisme au pays des 50 000 Monuments Historiques (sauf s’agissant de projets inclus dans les périmètres délimités des abords (PDA)) ?


I. CRITÈRES D’APPRÉCIATION DE LA COVISIBILITÉ : À L’OEIL NU, DEPUIS TOUT LIEU ACCESSIBLE AU PUBLIC

Premier critère : Accessibilité au public


Hors le cas où le projet est visible depuis le Monument Historique situé à moins de 500 mètres, la jurisprudence a progressivement bâti la notion de covisibilité du projet avec le Monument Historique dans les abords duquel il se situe. 


D’abord, la distance de 500 mètres s’entend d’un rayon à partir du Monument Historique (CE, 29/01/1971, n° 76595). 


Ensuite, la visibilité peut être partielle, c’est-à-dire d’une partie seulement du projet (CE, 04/11/1994, n°103270) ou limitée à une certaine période de l’année en fonction de l’état de la végétation (CE, 11/02/1976, n° 95676). 


Enfin, la visibilité s’apprécie à partir de tout point « normalement » accessible au public, que ce soit au sol ou en hauteur, y compris de manière saisonnière, payante et après la montée de 300 marches (CE, 20/01/2016, n° 365987).


La notion d’accessibilité au public a été étendue au fil des années : ce qui devient accessible de manière normale (à l’exclusion, par exemple, des journées européennes du Patrimoine, etc.) augmente le champ de covisibilité possible, et inversement.

Second critère : A l’œil nu


L’apport principal de la décision commentée s’agissant de la covisibilité réside dans le critère « d’acuité visuelle » posé par le Conseil d’Etat. 


Celui-ci juge en effet, d’une part, que « les dispositions de l’article L. 621-30 du code du patrimoine ne s’opposaient pas à ce que l’existence d’une covisibilité soit constatée depuis un point situé à plus de cinq cents mètres du monument concerné », admettant ainsi expressément la possibilité qu’un projet soit covisible en dehors du périmètre de 500 mètres.


D’autre part, le Conseil d’Etat apporte une restriction pour le moins subjective : le projet doit être visible en même temps que le Monument Historique à l’œil nu (10/10 à chaque œil ?).


Dans cette affaire, le juge des référés du tribunal administratif de Pau a donc dénaturé les faits de l’espèce en jugeant que l’absence d’accord de l’ABF sur un projet pour lequel la covisibilité était démontrée au moyen d’une photographie prise au téléobjectif était de nature a créer un doute sérieux sur la légalité du permis de construire (CE, 05/06/2020, préc.).

II. COMMENT SÉCURISER LES AUTORISATIONS D’URBANISME À CET ÉGARD ?


Analyser l’environnement du projet pour évaluer les cas de covisibilité


En application de l’article R. 425-1 du code de l’urbanisme, toute autorisation d’urbanisme délivrée pour un projet visible ou covisible qui serait situé dans le périmètre de 500 mètres doit faire l’objet d’un accord de l’ABF – et non d’un avis simple –, à défaut de quoi il ne peut valoir autorisation au titre de l’article L. 621-30 du code du patrimoine (CE, 15/01/1982, n° 11373) ; étant précisé que le défaut d’accord dans la procédure de délivrance de l’autorisation d’urbanisme est régularisable par permis de construire modificatif (CE, 02/02/2004, n° 238315). 


Avec la nouvelle solution jurisprudentielle, il est désormais acquis que l’analyse de la covisibilité depuis des lieux normalement accessibles au public (notamment ceux situés en hauteur) devient impérative même si le point d’observation se situe en dehors du cercle des 500 mètres. 


Se posera ensuite la question de savoir, pour les porteurs de projet, s’ils devront solliciter des ABF qu’ils prennent des décisions tacites réputées favorables au titre de l’article L. 632-2 du code du patrimoine afin de limiter les erreurs de droit liées au visa de leurs avis et censurables par le juge (CE, 12/03/2007, n° 275287) ?

Encourager les périmètres délimités des abords (PDA)

Une solution réglementaire existe pour sécuriser l’appréciation de la covisibilité avec un Monument Historique, et donc la nature de l’avis qui doit être émis : les périmètres délimités des abords (PDA). 


En effet, en application de l’article L. 621-30 du code du patrimoine, tout projet situé à l’intérieur d’un PDA est systématiquement considéré visible en même temps que le Monument Historique, de sorte que l’ABF doit donner son accord (avis conforme) sur les autorisations d’urbanisme, plaçant ainsi le service instructeur en situation de compétence liée en cas d’avis défavorable.


Conformément à l’article L. 621-31 du code du patrimoine, un PDA peut être institué par la procédure de modification du PLU, de la carte communale ou du document d’urbanisme en tenant lieu (mais également, lors de élaboration ou d’une révision d’un tel document). 


N.B. : la délimitation du PDA fait l’objet d’une enquête publique et n’est pas immuable, puisque ce périmètre peut être modifié dans les mêmes conditions. 

Retour sur la définition des abords de Monuments Historiques

L’article L. 621-30 du code du patrimoine dispose que : 

« (…) II. – La protection au titre des abords s’applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, situé dans un périmètre délimité par l’autorité administrative dans les conditions fixées à l’article L. 621-31. Ce périmètre peut être commun à plusieurs monuments historiques.

En l’absence de périmètre délimité, la protection au titre des abords s’applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci. (…) »

Exemples casuistiques de covisbilité d’un projet avec un MH

  • Une haie végétale, y compris persistante, ne permet pas d’écarter la covisibilité (CAA Marseille, 13/11/2018, n° 18MA02269 et CAA Bordeaux, 10/12/2019, n° 18BX00169) ;
  • Un unique angle de covisibilité suffit (CAA Bordeaux, 12/02/2007, n° 04BX00894) ; 
  • Depuis tout type de voie ou emprise publique : rue, chemin rural, etc. (CE, 08/09/1997, n° 161956 et CE, 04/11/1994, n° 103270) ; 
  • Y compris depuis la plateforme de la cathédrale de Strasbourg située à 66 mètres de haut, dont l’accès est saisonnier et l’entrée payante (CE, 20/01/2016, n° 365987). 

Terrain à bâtir et TVA sur marge : fin de la saga ?

Le Conseil d’Etat vient de se prononcer pour la première fois sur l’opposition entre les juridictions du fond et le fisc. Il semble confirmer la condition d’identité juridique entre le bien acquis et revendu pour l’application du régime de TVA sur marge prévu à l’article 268 du CGI (CE 27 mars 2020, n° 428234, Promialp). Le Conseil d’Etat n’épuise pour autant pas le sujet, il se contente de censurer pour erreur de droit l’arrêt de la cour administrative d’appel à qui il reviendra de trancher au fond. L’occasion de se pencher sur les conséquences pratiques de cette décision sur les opérations des marchands de biens. 

DEBAT ORIGINEL

Les ventes de terrains à bâtir (« TAB ») sont en principe soumises à la TVA sur le prix total. Toutefois, il est possible d’opter à la TVA sur la seule marge réalisée par le cédant (art.268 du CGI), si l’acquisition du bien n’a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée.

L’administration fiscale qui conditionnait initialement la TVA sur marge à une identité physique et juridique entre le bien acheté et revendu a assoupli sa position dans une réponse ministérielle Vogel en date 17 mai 2018 et exige la seule identité de qualification juridique : un lot revendu comme « TAB » ne doit pas avoir été acquis comme terrain d’assiette d’un immeuble bâti.

Le juge administratif avait, de son côté, une position encore plus souple. Il estimait que l’application de la TVA sur la marge était conditionnée au seul fait que l’acquisition par le cédant n’ait pas ouvert droit à déduction de la TVA (application littérale de l’art. 268 du CGI) et censurait les redressements fondés sur la condition d’identité juridique ou physique.

Pour plus de précisions sur ce débat cf. notre précédent bulletin sur le sujet.

L’ARRET DU CONSEIL D’ETAT


En l’espèce, un marchand de biens a fait l’acquisition d’un immeuble avant de procéder à sa démolition et division du terrain. Il a par la suite revendu les parcelles issues de ces opérations comme TAB.

L’acquisition n’ayant pas ouvert droit à déduction, la cour administrative d’appel a validé l’application de la TVA sur la marge aux reventes, peu importe les changements intervenus entre le bien acquis et revendu.

Le Conseil d’Etat par un arrêt du 27 mars 2020 estime que la CAA a commis une erreur de droit en jugeant sans incidence « la circonstance que les caractéristiques physiques et la qualification du bien en cause aient été modifiées entre son acquisition et sa vente ». Il considère, sur le fondement de l’article 392 de la Directive TVA, que les ventes de TAB issus de la démolition d’un bien acquis comme immeuble bâti ne peuvent pas bénéficier de la TVA sur marge. 

Par cet arrêt, le CE semble donc valider la condition d’identité entre le bien acquis et revendu

QUESTIONS EN SUSPENS

  • Retour à la condition d’identité physique ? Le CE ne se prononce pas sur ce point. Toutefois, à la lecture des dernières réponses ministérielles seule la condition d’identité juridique doit être retenue. En l’espèce, le CE ne s’est pas fondé sur le fait qu’il y avait eu division avant la vente mais relève uniquement que le bien acquis était un immeuble bâti lequel immeuble a été démoli pour vente en TAB. La revente d’un TAB issue de la division d’un plus grand terrain acquis comme TAB pourrait donc bénéficier de la TVA sur marge. 
  • Acquisition d’un immeuble bâti avec son terrain d’assiette, suivie de la revente du seul terrain comme terrain à bâtir : le CE ne tranche pas plus ce point. Le rapporteur public a cependant conclu que « l’article 268 du CGI ne s’applique qu’à des biens qui n’ont pas fait l’objet, entre leur acquisition et leur revente, de transformation ayant eu pour effet d’en modifier la qualification fiscale. ». On peut donc se demander si la décision du CE aurait été la même en absence de démolition du bien initialement acquis. 
  • Acquisition d’un immeuble inachevé : selon la doctrine administrative, la cession d’un tel immeuble doit être assimilée à une cession de terrain à bâtir. En cas d’acquisition d’un immeuble inachevé (et donc acquis comme TAB) suivi de la revente du terrain d’assiette après division parcellaire, il y aurait donc identité juridique entre le bien acquis et revendu. En absence de démolition sur ce terrain d’assiette revendu, il semble qu’une telle opération pourrait donc être éligible au régime de la TVA sur la marge. 

L’intégration de l’arrêt au BOFIP

L’administration fiscale a intégré cette solution au BOFIP, se contentant de citer le considérant de principe de cet arrêt, sans apporter plus de précisions. Cet ajout attendu mais minimaliste ne permet pas de répondre aux questions en suspens. 

L’attente de clarification par la CAA de renvoi

Le CE n’ayant pas tranché au fond le litige, mais seulement censuré pour erreur de droit, il reviendra à la CAA de renvoi d’apporter certaines clarifications et notamment, on l’espère, sur la condition d’identité physique. La TVA sur marge sera elle appliquée pour les parcelles non bâties initialement et non touchées par la démolition (ancien terrain d’assiette)?

Que faire en attendant ?

En attendant, par précaution, il est conseillé, en cas d’acquisition d’un immeuble bâti en vu de la  revente en TAB du terrain d’assiette de procéder à des divisions parcellaires avant l’achat. Cependant, une telle opération peut présenter un inconvénient économique pour le vendeur (le privant de l’exonération de PV sur cession du terrain d’assiette de sa résidence principale par exemple).